D’une année à l’autre, la croissance des prix a ralenti en mars comparativement à février dans toutes les provinces. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — La Banque du Canada devrait laisser les taux d’intérêt à leur niveau élevé pendant encore un certain temps, même si l’inflation annuelle ralentit rapidement.
L’inflation canadienne a ralenti à 4,3% en mars sur une base annuelle, a indiqué mardi Statistique Canada dans son plus récent rapport sur l’indice des prix à la consommation.
L’inflation globale s’était assouplie par rapport à celle de 5,2% enregistrée en février, la hausse des coûts d’intérêts hypothécaires ayant été contrebalancée par une baisse des prix de l’énergie.
L’inflation annuelle poursuit ainsi une trajectoire descendante qui devrait, selon les observateurs, la ramener à 3% d’ici le milieu de l’année, comme l’a prévu la Banque du Canada. Les mesures de l’inflation de base, particulièrement suivies par la banque centrale pour évaluer la volatilité des prix, ont aussi suivi une trajectoire à la baisse en mars.
«Le rapport d’aujourd’hui montre que tous les chemins semblent effectivement mener à une inflation de 3% dans les mois à venir», a souligné l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, dans une note à l’intention de ses clients.
Le ralentissement continu de l’inflation depuis l’été dernier a ramené le taux annuel à son niveau le plus bas depuis août 2021.
Le ralentissement survient alors que les pressions sur les prix à l’échelle mondiale s’atténuent et que les taux d’intérêt élevés pèsent sur l’économie.
Mais la Banque du Canada a déclaré qu’elle ne se reposerait pas tant que l’inflation ne serait pas revenue à son objectif de 2,0%, même si sa décélération des derniers mois a été encourageante. Cela signifie qu’il faut s’attendre à ce que les taux d’intérêt restent élevés pour un certain temps.
Lors d’un témoignage devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, le gouverneur de la banque centrale, Tiff Macklem, a reconnu que le plus récent rapport sur les prix à la consommation montrait que l’inflation allait dans la bonne direction.
«Cela nous encourage, mais nous sommes aussi saisis de l’importance de garder le cap et de restaurer la stabilité des prix pour les Canadiens», a affirmé M. Macklem aux députés.
La banque est particulièrement préoccupée par le fait que le passage de 3% à 2% pourrait prendre du temps. Selon ses dernières prévisions, la Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation revienne à son objectif de 2% d’ici à la fin de 2024.
Les inquiétudes de la banque centrale par rapport à l’inflation persistante émanent largement de la croissance soutenue des salaires et de l’inflation des prix des services.
En mars, les prix des services ont grimpé de 5,1% sur une base annuelle. Les salaires ont cependant crû encore plus rapidement, montrant une progression de 5,3% par rapport au mois de mars l’an dernier.
Des taux qui vont rester élevés plus longtemps
Dans une note à ses clients, l’économiste Leslie Preston, de la Banque TD, a indiqué que les plus récentes données laissaient entrevoir les défis soulignés par M. Macklem.
«La Banque du Canada doit rester vigilante aux pressions inflationnistes, et pourrait devoir hausser (les taux) de nouveau si l’élan de l’économie nationale ne ralentit pas autant que prévu», a indiqué Mme Preston.
Lors de sa plus récente décision de politique monétaire, le 12 avril, M. Macklem a évoqué la spéculation entourant une éventuelle baisse de taux vers la fin de l’année. Il a estimé que cela ne semblait pas être «le scénario le plus probable».
La banque centrale a plutôt indiqué que les taux d’intérêt pourraient devoir rester plus longtemps élevés pour atteindre cet objectif. Son taux d’intérêt directeur se situe actuellement à 4,5%, son niveau le plus élevé depuis 2007.
Dans les mois à venir, l’inflation d’ensemble devrait continuer à baisser rapidement, en partie en raison de l’effet de glissement annuel. Ce dernier désigne l’impact des mouvements de prix d’il y a un an sur le calcul de l’inflation annuelle.
Selon M. Porter, l’effet de glissement annuel explique en partie la décélération observée le mois dernier, puisque mars 2022 avait vu l’augmentation mensuelle des prix la plus rapide en trente ans.
Mais cette décélération n’a pas vraiment soulagé les propriétaires qui ont contracté de nouveaux prêts hypothécaires ou qui renouvellent leur prêt hypothécaire à des taux d’intérêt élevés. Le mois dernier, les charges d’intérêts hypothécaires ont augmenté au rythme le plus rapide jamais enregistré, en hausse de 26,4% sur un an.
Les prix des produits alimentaires continuent également d’augmenter rapidement, mais à un rythme plus lent. Les prix des produits vendus en épicerie ont augmenté de 9,7% d’une année à l’autre en mars, en baisse par rapport à leur croissance de 10,6% de février. Statistique Canada a attribué ce ralentissement à une moins forte inflation pour les prix des fruits et des légumes.
Les économistes s’attendent depuis longtemps à ce que le ralentissement des hausses de prix dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire se traduise par un ralentissement des hausses de prix dans les épiceries.
«Je ne crois pas que nous allons obtenir beaucoup de répit en ce qui a trait aux prix élevés. Ils vont simplement grimper moins rapidement que ce que nous avons vu au cours de la dernière année», a observé M. Porter.