L’homme de 55 ans emboîte le pas à l’ex-président du conseil d’administration Michael Brind'Amour, qui a démissionné en août. (Photo: La Presse Canadienne)
Scott Smith a passé près de 30 ans à gravir les échelons d’Hockey Canada. Son passage au sommet aura duré à peine trois mois, parsemés de scandales qui ont ébranlé la fédération nationale.
Le président Smith ainsi que tous les membres du conseil d’administration ont remis leur démission, a annoncé l’organisme mardi.
Smith a été incapable de survivre à la gestion contestée de la fédération à la suite de ces allégations d’agressions sexuelles et les règlements à l’amiable effectués dans ces dossiers, qui ont choqué le pays en entier et relancé la conversation sur la culture toxique du hockey.
L’homme de 55 ans emboîte le pas à l’ex-président du conseil d’administration Michael Brind’Amour, qui a démissionné en août, ainsi qu’à la présidente par intérim, Andrea Skinner, qui a quitté son poste samedi. Leurs départs étaient rendus inévitables après que de nombreux politiciens, dont le premier ministre Justin Trudeau, eurent exigé un changement à la direction et que les commanditaires de la fédération l’abandonnaient les uns après les autres.
«La démission du chef de la direction de Hockey Canada et de son conseil d’administration nous laisse enfin entrevoir la possibilité sérieuse d’en venir au changement de culture longtemps demandé et attendu au sein de Hockey Canada, a réagi par communiqué le porte-parole en matière de Sports du Bloc québécois, Sébastien Lemire. Après des mois de pression de la part des parlementaires, des commanditaires, des médias et de la population générale, la direction de Hockey Canada s’est aujourd’hui rendue à l’évidence. Les enquêtes devront suivre leur cours et nous continuons de réclamer une enquête indépendante afin de faire la lumière sur la gestion opaque et datée qui a cours au sein de Hockey Canada, et soumettre l’organisme à un réel examen de ses pratiques.»
Smith a remplacé Tom Renney le 1er juillet, après que le plan de succession à la tête de la fédération nationale eut été annoncé en avril. Peu de temps après, le sol s’est dérobé sous les pieds d’Hockey Canada.
La chaîne TSN a été la première à rapporter en mai qu’une entente hors cour avait été convenue avec une femme qui allègue, dans une poursuite de 3,55 millions dollars (M$), avoir été agressée sexuellement par huit joueurs, dont des membres de l’équipe nationale junior, après un banquet de la fédération tenu à London, en 2018.
La police de London a plus tard indiqué qu’elle allait rouvrir l’enquête sur ces incidents de 2018. La LNH a aussi lancé son enquête, puisque plusieurs joueurs de l’édition 2018 de l’équipe canadienne junior se trouvent maintenant dans le circuit Bettman.
L’organisation a ensuite annoncé que des membres de l’équipe nationale junior de 2003 font l’objet d’une enquête pour un viol collectif tandis que la fédération était la cible de plusieurs demandes de changements à sa direction.
Aucune de ces allégations n’a été prouvée en cour.
L’histoire ne s’est pas arrêtée là: il a plus tard été révélé qu’Hockey Canada détenait un fonds, alimenté à même les inscriptions au hockey mineur partout au pays, pour payer pour des incidents non couverts par ses assurances, dont les cas allégués d’agression et d’agression sexuelle.
Un dirigeant d’Hockey Canada a témoigné sous serment sur la Colline parlementaire en juillet dernier que l’organisme a ainsi versé 7,6 M$ dans neuf dossiers d’agressions sexuelles alléguées depuis 1989, sans compter le cas de la plaignante de London. La majorité de ces versements sont allés aux victimes de l’ex-entraîneur Graham James.
Smith et Renney ont témoigné en juin devant le comité permanent de Patrimoine Canada. Les parlementaires siégeant sur ce comité ont été estomaqués par le manque de transparence et le refus de prendre ses responsabilités de la part d’Hockey Canada. Le gouvernement fédéral a par la suite gelé les fonds qui lui étaient destinés et plusieurs commanditaires ont commencé à prendre leurs distances d’avec la fédération.
Sa réputation mise à mal, l’organisation a publié un communiqué le 14 juillet, dans lequel elle promet un certain nombre de mesures, dont la réouverture de l’enquête indépendante sur les allégations de 2018 et une révision complète de ses pratiques de gouvernance.
Hockey Canada a ensuite diffusé son «plan d’action», expliquant la marche à suivre afin de remplir ses promesses, en plus d’ajouter des détails sur la réception de plaintes à tous les niveaux de hockey, accompagnés de données qui restent à spécifier provenant de son rapport annuel.
«Nous n’avons pas fait suffisamment en liens avec les gestes posés par quelques membres de l’édition 2018 de l’équipe nationale junior et pour mettre fin au climat toxique dans le hockey», écrivait alors Hockey Canada.
Ironiquement, ce n’est que dans le communiqué publié mardi que la fédération nationale dit reconnaître «le besoin urgent d’un nouveau leadership et de nouvelles perspectives».
Smith a participé à une deuxième audience devant le comité permanent de Patrimoine Canada en juillet, où il a balayé du revers de la main les demandes de démission provenant de tous les partis confondus.
Ces demandes se sont accentuées la semaine dernière, quand l’organisation s’est de nouveau obstinée au cours d’une troisième audience à Ottawa et que Brind’Amour et Skinner ont tour à tour défendu le leadership de Smith.
Brind’Amour a dit de Smith qu’il avait les qualités «pour faire quelque chose de positif pour l’organisation». Skinner a quant à elle affirmé qu’Hockey Canada ne devait pas devenir un bouc émissaire pour une culture toxique qui existe ailleurs dans la société.
Les réactions à ces commentaires n’ont pas tardé. Hockey Québec a retiré sa confiance à Hockey Canada et a décidé de retenir des fonds lui étant destinés. D’autres fédérations provinciales ont ensuite pris des décisions similaires.
Avec ses fonds gouvernementaux déjà gelés et plusieurs partenaires corporatifs retirant tour à tour leurs billes, dont Tim Hortons, Canadian Tire et Nike, c’était une question de temps avant que des changements ne surviennent.