Hydro au Maine: «la conseillère de Biden a du mal à comprendre»
La Presse Canadienne|Publié le 03 novembre 2021Le contrat d'Hydro-Québec avec le Massachusetts est supposé rapporter 10 milliards $ sur 20 ans.
Édimbourg — Le premier ministre François Legault a discuté mercredi du projet de ligne d’Hydro-Québec bloquée au Maine avec la conseillère du président Biden, Gina McCarthy.
Elle a dit qu’elle de la difficulté à comprendre ce blocage et «pourquoi on est allé dans cette direction», a rapporté M. Legault au sortir de l’entretien d’une vingtaine de minutes, à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP26.
Les électeurs du Maine ont rejeté à 60% par référendum mardi cette ligne de transmission projetée vers le Massachusetts,
«(Mme McCarthy) a de la difficulté à comprendre pourquoi on est allé dans cette direction, il y a comme une évidence que l’électricité, c’est mieux que le gaz (naturel)», a dit M. Legault en conférence de presse à la COP de Glasgow. Mme McCarthy est conseillère de M. Biden en matière de climat.
Hydro-Québec n’a pas l’intention d’abandonner ce contrat d’approvisionnement avec le Massachusetts qui lui rapporterait 10 milliards $ sur 20 ans.
Les promoteurs du projet envisagent des recours judiciaires tandis que le premier ministre François Legault évoque un autre tracé.
Les ouvriers du New England Clean Energy Connect (NECEC), la division de Central Power Maine (CMP) qui construit la ligne de 233 kilomètres, continuaient leur travail mercredi, même si le projet a été rejeté massivement par les électeurs du Maine mardi, confirme Ted Varipatis, le porte-parole du NECEC.
La promesse de réduire les gaz à effet de serre de 3 millions de tonnes métriques, l’équivalent d’enlever 700 000 voitures de la route, n’a pas convaincu les électeurs du Maine.
Il faut dire que la volonté des électeurs n’a pas encore force de loi. Pour le moment, CMP dispose toujours des permis lui permettant de poursuivre les travaux. À moins que les tribunaux interviennent, le texte du référendum deviendrait une loi en vigueur d’ici 30 jours.
La poursuite de la construction de la ligne a suscité la colère des opposants du projet, qui pourraient demander aux tribunaux d’ordonner l’arrêt des travaux. «C’est bas, même pour CMP», dénonce Adam Côté, un avocat de Portland qui représente les opposants aux projets. «Les citoyens du Maine ne veulent pas de cette ligne et nous allons faire tout en notre pouvoir pour rendre CMP imputable et cesser la destruction de la forêt de Northwoods», commente-t-il.
Recours devant les tribunaux
Du côté des promoteurs du projet, on juge que le référendum est inconstitutionnel. Les travaux ont déjà commencé depuis l’hiver dernier. Central Power Maine (CMP), le partenaire d’Hydro-Québec qui construit la ligne au Maine, a déjà dépensé plus de 350 millions $US dans ce projet de 1 milliard $US.
«Avec plus de 400 emplois en jeu au Maine et notre capacité à atteindre nos objectifs climatiques, la bataille va continuer», réagit Jon Breed, directeur du Clean Energy Matters, un lobby financé par CMP.
Comme les travaux ont déjà commencé tandis que CMP avait les permis requis, elle pourrait faire valoir en cour qu’elle détenait un droit acquis, estime Anthony Moffa, professeur en droit environnemental de l’école de droit de l’Université du Maine à Portland. «Je ne peux pas prédire si le tribunal acceptera cette interprétation ou non», dit-il en entrevue.
La gouverneure démocrate Janet Mills, en faveur du projet, ne pourra toutefois pas s’opposer aux résultats. Le veto ne peut pas être employé contre une loi votée par les citoyens par voie de référendum, explique M. Moffa.
Un autre tracé?
Malgré le référendum, François Legault a néanmoins bon espoir que le contrat d’exportation d’électricité avec le Massachusetts va se réaliser.
«Il n’y a jamais rien de certain dans la vie, mais je suis confiant que ça va se faire», a dit M. Legault en conférence de presse à Édimbourg en marge de la Conférence des Nations unies (ONU) sur les changements climatiques.
«On savait que le référendum allait être serré, on avait un plan B», a-t-il commenté en ajoutant que le gouverneur du Massachusetts est déterminé à ce que l’entente soit mise en œuvre.
«Il y a différents scénarios, pour l’instant je ne peux donner plus de détails. Il y a différents chemins qu’on peut prendre pour se rendre au Massachusetts.»
Il a rappelé en outre que le gouvernement fédéral américain appuie le projet et que le projet a obtenu «tous les permis».
Pour le moment, Hydro-Québec privilégie la voie juridique pour permettre la continuation du projet. «Nous allons entreprendre des recours légaux», affirme Lynn St-Laurent, porte-parole d’Hydro-Québec.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, en mêlée de presse, mercredi matin a dit que le gouvernement et Hydro-Québec gouvernement vont «analyser toutes les options» devant eux, incluant les recours judiciaires pour que le projet voie le jour. «Légalement, on pense qu’on est à la bonne place», a-t-il ajouté, disant que toutes les autorisations requises avaient été obtenues.
Toujours sur le front de la vente d’électricité, François Legault a d’ailleurs rencontré très brièvement l’ancien secrétaire d’État américain John Kerry en début d’après-midi à Glasgow à la COP. Selon ce qui a été rapporté, il a fait valoir à M. Kerry que le Québec venait de signer un important contrat d’approvisionnement en électricité avec New York.
Réaction de l’opposition à Québec
Dans les rangs de l’opposition, l’échec du référendum soulève bien des questions. Le président du caucus de l’opposition officielle, Pierre Arcand, s’est demandé en point de presse si le gouvernement avait «fait tous les efforts nécessaires pour faire passer le référendum? Est-ce qu’ils ont vraiment utilisé l’arsenal politique nécessaire?»
Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a dit constater que la volonté du Québec d’exporter son électricité «ce n’est pas si facile que ça. Il y a des obstacles sur cette voie-là».
Du côté du Parti québécois, le chef parlementaire, Joël Arseneau, a retenu que le projet avait été rejeté en raison d’une «alliance entre un certain nombre de groupes écologistes qui voulaient vraisemblablement préserver des forêts ou des paysages» et l’industrie pétrolière.