Hypothèque à taux fixe ou à taux variable: l’éternelle question
Claudine Hébert|Édition de la mi‑Décembre 2022Selon la durée du contrat hypothécaire, l’écart entre les deux types de taux peut varier de 0,25 % à 0,75 % au moment de la signature. (Photo: 123RF)
Il y a un an, plus de la moitié des titulaires d’hypothèques au Canada optaient sans hésiter pour un taux variable. Depuis, les choses ont bien changé.
Certes, les six hausses du taux directeur, passé de 0,25 % à 3,75 % depuis mars 2022 (et sans doute une septième au début du mois de décembre 2022), provoquent une onde de choc chez ceux qui ont une hypothèque à taux variable. Plus particulièrement auprès des propriétaires de la génération née après 1990, habitués de composer avec des taux directeurs au plancher.
Alors, taux fixe ou taux variable? Pour la courtière hypothécaire Nancy Canuel, la réponse à la question est sans équivoque. « Le taux variable demeure l’option la plus avantageuse à long terme pour les détenteurs d’une hypothèque », affirme cette professionnelle, membre de l’équipe Multi-Prêts hypothèques depuis 20 ans.
« Rarement a-t-on vu des augmentations du taux directeur aussi intenses en moins d’un an, ajoute-t-elle. On assiste actuellement à l’un des resserrements monétaires les plus rapides de l’histoire. » Justement, insiste la courtière hypothécaire, l’histoire montre que le taux variable a la plupart du temps fait partie de la solution gagnante pour les détenteurs d’hypothèque.
Propos qu’appuient la plupart des professionnels de l’univers hypothécaire, dont Pierre Côté, qui travaille pour l’équipe d’Hypotheca. « Au cours des 50 dernières années, les détenteurs d’hypothèques à taux variable ont en effet bénéficié de la formule la plus avantageuse dans plus de 90 % du temps », fait-il remarquer. Par conséquent, ce dernier penche, lui aussi, en faveur du taux variable.
Avantageux, mais…
Ces deux courtiers hypothécaires reconnaissent tout de même que les « succès » du taux variable des dernières années ne suffisent pas à guider clairement le choix de leurs clients en cette période de hausse exceptionnelle. « Chaque cas est unique, soutient Nancy Canuel. Raison pour laquelle il faut prendre le temps de bien cerner les besoins du client avant de lui proposer tel ou tel produit. Au-delà de la qualification du prêteur, il faut tenir compte du budget personnel du client. Qui est-il, que fait-il dans la vie ? Quelles sont ses passions, ses activités ? Comment les termes de son éventuelle hypothèque affecteront-ils son train de vie ? »
Des éléments de réponse essentiels pour déterminer le type de contrat hypothécaire, renchérit Pierre Côté. « Mais la plus importante question que tout détenteur d’hypothèque actuel ou futur devrait se poser avant de signer quoi que ce soit demeure la suivante : ai-je la capacité de continuer de payer mes versements si le taux variable grimpe encore de 2 %, de 3 %, voire de 5 % pour la durée de l’entente hypothécaire ? Si la réponse est oui, le taux variable peut être envisagé sans trop d’inquiétude », dit-il.
Néanmoins, le courtier d’Hypotheca conseille à ses clients qui sont à l’aise avec le taux variable de jouer de prudence. « Même s’ils signent pour un terme à taux variable, je leur suggère de procéder à des versements mensuels qui tiennent compte du taux fixe », indique Pierre Côté. Une stratégie que préconise également Dominic Claude, banquier privé chez Desjardins Gestion de patrimoine. « En plus de favoriser une meilleure préparation advenant d’éventuelles hausses du taux directeur, cette stratégie permet d’utiliser la différence de montant entre les deux taux pour rembourser le capital de la maison plus rapidement ou l’investir à des fins d’épargne », avance le financier.
Opter pour la stabilité
Évidemment, si les récentes hausses du taux directeur (et celles qui pourraient bien survenir au cours des deux premiers trimestres de 2023) empêchent les propriétaires de dormir sur leurs deux oreilles, vivement une hypothèque à taux fixe. « Cette option s’adresse justement aux personnes intolérantes aux augmentations. Le taux fixe permet de procurer une certaine sécurité, une stabilité au sein du budget », avise le banquier de Desjardins.
D’ailleurs, Pierre Côté admet qu’il propose, ces jours-ci, la formule du taux fixe lors du premier terme hypothécaire de ses clients qui sont de premiers acheteurs. « Ce sont généralement des jeunes qui envisagent une famille ou sont déjà parents de jeunes enfants. Ils ont encore du mobilier à acheter, d’autres grosses dépenses à assumer. À mes yeux, ils ont avantage à privilégier une hypothèque à taux fixe, ce qui leur permet de limiter les mauvaises surprises », explique le courtier d’Hypotheca. Après tout, ajoute-t-il, ces nouveaux acheteurs auront amplement l’occasion de favoriser un taux variable lors de leurs renouvellements subséquents.
Savoir composer avec les hausses
Le taux variable a généralement la cote parce qu’il est moins élevé que le taux fixe. Selon la durée du contrat hypothécaire, l’écart entre les deux types de taux peut varier de 0,25 % à 0,75 % au moment de la signature. « Pour une rare occasion, nous assistons à une situation où le taux fixe accordé en début d’année 2022 (autour de 3 % pour un terme de 5 ans) se trouve en deçà de l’actuel taux variable affiché à 5,95 %. Ce qui a de quoi rendre nerveux les actuels détenteurs d’une hypothèque à taux variable et les éventuels premiers acheteurs », concède Nancy Canuel.
Malgré tout, la plupart de ses clients ayant opté pour un taux variable tiennent le coup et gardent espoir que le taux directeur se stabilisera en 2023. « À peine 5 % de ma clientèle ayant une hypothèque à taux variable a fait modifier son contrat lors des dernières semaines en faveur d’un nouveau terme à taux fixe. Heureusement, ces transitions se sont soldées sans pénalité de la part de leur prêteur financier », partage-t-elle.
Attention aux sanctions
Parlons-en, des pénalités. Que les détenteurs d’hypothèques, particulièrement ceux qui optent pour un taux fixe, se le tiennent pour dit. Ils doivent respecter la durée de leur contrat pour éviter des sanctions. Et les banques traditionnelles ont justement la réputation d’être assez gourmandes sur ce plan, avertit Pierre Côté.
« Les institutions financières vont généralement offrir leur meilleur taux fixe pour un contrat de cinq ans. Or, dans notre monde hypothécaire, il y a une règle qui sous-entend que les hypothèques ont une durée moyenne de trois ans. Les prêteurs hypothécaires savent que de nombreux facteurs, tels des travaux de rénovation, un agrandissement de la maison ou malheureusement une séparation au sein du couple, peuvent survenir au cours de l’entente hypothécaire », observe le courtier d’Hypotheca. Ce qui se traduit par de nombreuses renégociations d’hypothèques avant terme… et de juteuses pénalités.
L’option virtuelle
Ces lourdes sanctions de la part des institutions traditionnelles motivent plusieurs courtiers hypothécaires à suggérer à leurs clients les diverses offres issues des banques virtuelles. « Non seulement leurs pénalités en cas de renouvellement avant terme sont moins voraces, ces banques proposent des taux fixes et variables plus alléchants que leurs consœurs traditionnelles », affirme Nancy Canuel.
En plus d’être soumises aux règles de l’Autorité des marchés financiers, plusieurs de ces banques sont même soutenues financièrement par des établissements traditionnels, rassure Pierre Côté. Il cite notamment First National, qui bénéficie du soutien de la Banque TD, Merix Lendwise, relevant de la Banque Nationale du Canada, ou encore MCAP, liée à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Parce que leurs conditions de prêts hypothécaires sont plus avantageuses, quel que soit le type de taux privilégié par les propriétaires, ces banques virtuelles gagnent de plus en plus d’adeptes au sein du marché. Plus de 40 % des clients d’Hypotheca ont ainsi opté pour un prêteur virtuel au cours de l’année 2022, mentionne Pierre Côté. Ils étaient seulement une poignée il y a une quinzaine d’années.
En fait, ces banques virtuelles ont permis de diversifier les offres et de permettre aux clients de trouver un meilleur taux possible. Qu’il soit fixe ou variable.