Entrevue. Douglas Porter, économise en chef de la BMO, dit qu'il faut rester attentif aux signes de surchauffe.
Il est important que les autorités demeurent attentives à la forte progression des prix dans les marchés immobiliers de Montréal et Ottawa, car ils pourraient tomber en situation de surchauffe, prévient Douglas Porter, économiste en chef de la Banque de Montréal (BMO).
«Les autorités devront suivre de près la situation», prévient l’économiste qui nous a accordé une entrevue lors d’un passage récent à Montréal. «Il n’est pas impossible qu’ils doivent intervenir comme cela a été fait à Toronto.»
De bonnes raisons expliquent l’augmentation des prix dans la métropole montréalaise et dans la capitale fédérale, nuance toutefois M. Porter, qui parle sur un ton calme et posé. Il souligne qu’il est normal que le marché immobilier s’ajuste aux bas taux d’intérêt, qui ont eu pour effet d’augmenter la capacité d’emprunt des ménages qui convoitent un bassin limité de propriétés. «Si on ne fait pas attention, la situation pourrait s’emballer, prévient-il. Nous ne sommes pas rendus-là pour le moment. La situation demeure saine, nous ne sommes pas dans une bulle.»
Même si la progression des prix est une bonne nouvelle pour le patrimoine des propriétaires, une augmentation trop rapide des prix peut, au contraire, avoir un effet délétère sur l’économie. «On le voit à Vancouver, illustre-t-il. Ça devient un problème quand un pompier ou un enseignant n’a pas les moyens d’habiter dans votre ville. Les entreprises peinent alors à pourvoir les postes qu’ils affichent.»
Hausse de prix
Si l’augmentation des prix n’a rien de comparable à l’explosion qu’il y a eu à Toronto et Vancouver, elle est suffisamment rapide pour compliquer la vie des premiers acheteurs.
À Ottawa, la valeur des maisons unifamiliales a bondi de 17% en novembre par rapport à la même période l’an dernier, selon le Ottawa Real Estate Board. De l’autre côté de la rivière des Outaouais, les prix ont augmenté de 13% dans la région métropolitaine de Gatineau, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
À Montréal, la hausse est plus modeste, mais demeure nettement supérieure à l’inflation. Le prix d’une maison unifamiliale sur l’île a bondi de 7%. La progression n’est pas qu’un phénomène unique à la métropole québécoise et à la capitale fédérale. Les prix des maisons unifamiliales ont augmenté de 13% dans la région de Sherbrooke et de 11% à Laval au cours de la même période. La hausse pour la moyenne du Québec est de 6%.
Une récession en 2020?
La question de l’imminence d’une récession est devenue inévitable lors d’une entrevue avec un économiste. En juin 2018, M. Porter avait dit à Les Affaires qu’il n’anticipait pas de récession avant 2020 ou 2021. Or, nous sommes beaucoup plus près de cette échéance. Anticipe-t-il toujours le même scénario? «Je ne dis pas qu’une récession est inévitable en 2021, mais je crois que les probabilités augmentent», répond-il.
À une quinzaine de jours de la nouvelle année, l’économiste croit toutefois que nous avons de bonnes chances d’éviter une récession en 2020. «La réduction des taux d’intérêt par la Réserve fédérale (Fed) réduit la probabilité d’une récession en 2020, précise-t-il. Je pense que l’année prochaine sera une année où la croissance sera modeste, mais sans récession. Tout cela en supposant que les relations entre la Chine et les États-Unis ne s’enveniment pas davantage.»
La combinaison des taux d’intérêt bas, d’une inflation faible et d’une croissance économique modeste, offre un environnement relativement favorable pour le marché boursier, ajoute M. Porter. L’équipe d’économistes de BMO ne fait pas de prévisions boursières, mais M. Porter évoque celles de son collègue Brian Belski, stratège de BMO Marchés des capitaux, qui prévoit des gains modestes pour les marchés canadiens et américains l’année prochaine. M. Porter partage cet avis, mais précise qu’il croit que les risques de déceptions sont plus grands que les chances de surpassement des attentes.
Le Canada demeure dans une meilleure posture que les États-Unis pour affronter une récession, affirme-t-il. «Même avec les déficits du gouvernement fédéral?», lui avons-nous demandé. «C’est vrai que je préférerais que les déficits soient moins élevés actuellement, répond-il. Ça leur donnerait plus de munitions lors de la prochaine récession. Ils ont tout de même de l’espace pour les augmenter au besoin. En récession, les déficits pourraient facilement passer des alentours de 20 G$ à 40 G$, rapidement. »