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Inflation: la Banque du Canada a tiré des leçons de son passé

La Presse Canadienne|Publié le 21 juillet 2022

Inflation: la Banque du Canada a tiré des leçons de son passé

En 1982, la Banque du Canada a annoncé qu’elle ne ciblerait plus la masse monétaire et se concentrerait plutôt sur les taux d’intérêt. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — Les Canadiens voient le coût de l’emprunt augmenter rapidement alors que la Banque du Canada prend des mesures historiques pour ralentir la flambée des prix, après avoir tiré des leçons coûteuses de l’histoire, lorsque les banques centrales ont laissé libre cours à l’inflation. 

La Banque du Canada a récemment relevé son taux d’intérêt directeur d’un point de pourcentage complet — sa plus forte hausse de taux unique en plus de deux décennies — alors qu’elle tente de refroidir la demande intérieure et de réduire les attentes d’inflation. 

Une décision inhabituelle pour une période inhabituelle: l’inflation annuelle a atteint 8,1% en juin, un sommet de 39 ans, après avoir vu pendant des années l’indice des prix à la consommation rester stable et prévisible au Canada. 

Mais pendant la majeure partie du XXe siècle, la stabilité des prix n’était pas une évidence dans l’économie canadienne. 

L’économiste en chef de la Banque TD, Beata Caranci, a souligné que si l’inflation pouvait sembler particulièrement difficile aujourd’hui, c’est parce que les Canadiens ont été protégés de sa volatilité pendant des décennies. 

«Nous n’avons pas eu ce défi depuis un moment», a noté Mme Caranci. 

 

Une approche «nettement différente» 

La dernière expérience du Canada avec une inflation élevée s’est produite en deux vagues au cours des années 1970 et 1980. Elle a notamment atteint un sommet de 12,9% en 1981. 

En 1973, des conditions météorologiques défavorables ont déclenché une pénurie alimentaire mondiale et un embargo sur le pétrole de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a fait grimper les prix de l’énergie. Plusieurs années plus tard, une deuxième crise énergétique a été provoquée par la révolution iranienne de 1979. 

Et même si les moteurs de la forte inflation restent relativement similaires — les circonstances mondiales faisant grimper les prix de l’alimentation et de l’énergie — l’inflation actuelle ne devrait pas grimper aussi haut ou être aussi persistante. 

C’est parce que l’approche des banques centrales est maintenant nettement différente, a expliqué Stephen Williamson, professeur d’économie à l’Université Western. 

«Une grande différence est qu’il existe maintenant une sorte de notion fortement ancrée voulant que ce soit principalement le travail de la Banque du Canada de s’occuper du contrôle de l’inflation, a indiqué M. Williamson. Dans les années 1970, ce n’était pas vrai.» 

Pendant la majeure partie du XXe siècle, les banques centrales n’avaient pas encore élaboré de mandats solides et efficaces pour maintenir une lecture stable de l’inflation, a poursuivi M.  Williamson. Au lieu de cela, elles essayaient de contrôler l’inflation par la masse monétaire. 

Les économistes de l’époque pensaient que l’inflation pouvait être gérée en contrôlant la quantité d’argent circulant dans l’économie. Cependant, les banques centrales ont trouvé cette tactique infructueuse. 

Mme Caranci a expliqué que si la Banque du Canada avait tardé à intervenir cette fois, c’était notamment parce que les banques centrales ont toujours hésité à entraver la croissance économique en augmentant les taux d’intérêt. 

L’économiste James Orlando, de la Banque TD, a rédigé en avril une analyse comparant la forte inflation actuelle à celle des années 1970 et 1980. Il a noté que la Banque du Canada avait tardé à augmenter les taux d’intérêt dans les années 1970 et qu’au moment où elle avait agi, il était trop tard. 

«Les anticipations d’inflation se sont ajustées à la hausse, entraînant une inflation encore plus forte au cours des années suivantes», a indiqué M. Orlando. 

Les taux d’intérêt dans les années 1980 ont finalement atteint 21%.

 

Plusieurs différences en jeu d’une époque à l’autre 

En 1982, la Banque du Canada a annoncé qu’elle ne ciblerait plus la masse monétaire et se concentrerait plutôt sur les taux d’intérêt.

L’expérience turbulente du Canada avec la forte inflation a également mené au mandat de la Banque du Canada de maintenir une cible pour la hausse des prix. En 1991, la Banque du Canada et le ministre des Finances ont convenu d’un cadre de contrôle de l’inflation pour orienter la politique monétaire. 

«Nous croyons que la Banque du Canada a appris de l’histoire», a écrit M. Orlando dans sa comparaison de l’inflation aux deux époques.

Cette fois-ci, la banque centrale du Canada fait toujours l’objet de critiques pour avoir mis trop de temps avant de commencer à relever son taux directeur. En comparaison, cependant, la Banque du Canada a agi plus rapidement et avec plus de vigueur que par le passé. 

«Nous entendons aujourd’hui un discours différent émanant de la banque centrale, selon lequel il y a une volonté de sacrifier la croissance, et même d’augmenter le taux de chômage», a souligné Mme Caranci. 

Dans sa dernière annonce sur le taux directeur, le 13 juillet, la banque centrale a livré un message clair: elle n’a pas peur d’agir de manière dynamique pour freiner la montée en flèche de l’inflation.

Dans le même temps, des économistes comme David MacDonald, du Centre canadien de politiques alternatives, ont utilisé l’histoire pour avertir qu’une hausse trop rapide des taux pouvait déclencher une récession, comme ce fut le cas dans les années 1980. 

Cependant, Mme Caranci a précisé qu’il existait des différences importantes entre les deux périodes, notamment une composition différente de l’économie et l’existence de garanties telles que les tests de résistance hypothécaire. 

«La difficulté avec les comparaisons entre des périodes, surtout quand on remonte aussi loin dans l’histoire, c’est qu’il y a plusieurs différences en jeu», a expliqué Mme Caranci. 

En mai, le sous-gouverneur de la Banque du Canada Toni Gravelle a prononcé un discours insistant sur les raisons pour lesquelles les comparaisons entre la stagflation dans les années 1970 et l’environnement d’inflation actuel étaient «injustifiées». Il a notamment évoqué une forte croissance économique, un marché du travail tendu et un chômage historiquement bas. 

Et surtout, M. Gravelle a indiqué que la Banque du Canada d’aujourd’hui était dotée des outils politiques dont elle avait besoin pour maîtriser l’inflation. 

«Depuis les années 1990, la Banque du Canada et d’autres banques centrales ont eu du succès avec le ciblage de l’inflation, a-t-il affirmé. Au Canada, l’inflation est restée relativement stable et près de 2% pendant presque 30 ans. Et l’on est déterminés à la ramener à la cible par des hausses de taux et des communications claires.»