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Inquiétudes autour du futur pont Gordie Howe

La Presse Canadienne|Publié le 02 mars 2022

Inquiétudes autour du futur pont Gordie Howe

Le nouveau pont a pour but d’atténuer une partie de la congestion transfrontalière chronique qui sévit au pont Ambassador, vieux de 92 ans. (Photo: 123RF)

Washington — Les dirigeants syndicaux, les députés de l’opposition et les défenseurs des producteurs d’acier du Canada se disent préoccupés par le fait qu’une partie d’un projet de pont international de 5,7 milliards de dollars entre Detroit et Windsor, en Ontario, pourrait être construite à l’aide de matières premières produites à l’extérieur de l’Amérique du Nord.

Le pont international Gordie Howe, un effort bilatéral visant à atténuer les goulots d’étranglement dans le corridor commercial le plus achalandé à la frontière canado-américaine, devrait être achevé en 2024, plus de 20 ans après que l’idée a été proposée pour la première fois.

Étant donné que le pont est financé presque entièrement par le gouvernement fédéral du Canada, l’administration Obama a accepté en 2012 d’exempter le projet des règles d’approvisionnement Buy American et d’autoriser à la place l’utilisation de fer et d’acier canadien ou américain.

Deux composantes du projet du côté canadien de la rivière Detroit — une vaste place douanière et un «pont d’approche», nouveau prolongement de l’autoroute 401 — ne sont pas assujetties à la dérogation de 2012.

«La dérogation s’applique spécifiquement au pont et aux composantes du projet américain ; la dérogation ne s’applique pas aux composantes canadiennes du projet», a déclaré Heather Grondin, vice-présidente des affaires générales et des relations extérieures de l’Autorité du pont Windsor-Detroit.

«Parce que le Canada n’a pas de législation comme la Buy American Act, nous n’avons pas les mêmes exigences pour nous approvisionner localement dans notre propre pays. Il est donc possible de s’approvisionner à l’extérieur du Canada pour ces deux composantes.»

L’autorité affirme que le port d’entrée canadien de 53 hectares, une superficie d’environ la taille de 130 terrains de football, sera la plus grande installation portuaire le long de la frontière canado-américaine et l’une des plus grandes en Amérique du Nord une fois achevée.

Il comprendra des installations d’inspection aux frontières entrantes et sortantes pour les véhicules de tourisme et commerciaux et des installations d’entretien, ainsi qu’une gamme de cabines pour permettre la perception des péages, la principale voie du projet pour récupérer le coût de plusieurs milliards de dollars.

Parce qu’il est financé en tant que partenariat public-privé, ou PPP, les ventilations détaillées des coûts des diverses composantes du projet ne sont pas accessibles au public. Mais à titre de comparaison, le coût pour le Michigan de la construction d’une nouvelle approche du côté américain a été fixé à environ 230 millions $ US.

Jose Luis Mendez, le chef de projet du côté canadien pour Bridging North America (BNA), le partenaire du secteur privé de l’autorité, a confirmé dans un communiqué que le fer et l’acier nord-américains ont déjà été achetés pour la travée principale ainsi que pour l’installation douanière aux États-Unis.

L’approvisionnement en acier pour le port d’entrée canadien et le pont d’approche, «pour lequel (BNA) envisage à la fois des sources aux États-Unis et au Canada et à l’extérieur de ces deux pays, est toujours en cours, mais devrait être terminé dans un proche avenir», a indiqué M. Mendez.

«BNA n’est pas en mesure de commenter davantage pour le moment sur les activités d’approvisionnement restantes pour des raisons commercialement sensibles.»

Le directeur national des Métallos du Canada, Marty Warren, assermenté mardi seulement en tant que nouveau chef de l’aile canadienne du syndicat United Steelworkers, a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi le gouvernement fédéral n’insistait pas sur l’utilisation de matériaux canadiens.

Après tout, a-t-il noté, le Canada est de plus en plus obligé de naviguer dans les règles d’approvisionnement américaines qui semblent maintenant être une procédure opérationnelle standard pour le plus grand partenaire commercial du pays.

«C’est décevant pour moi que notre gouvernement libéral n’intervienne pas et n’ait pas dit, au moins, “Cette partie de ce projet sera de l’acier canadien”», a déclaré M. Warren lors d’une entrevue.

Brian Masse, le député néo-démocrate qui représente la circonscription de Windsor-Ouest depuis 2002, était conseiller municipal en 1998 lorsqu’il a commencé à plaider publiquement en faveur d’une nouvelle travée pour atténuer une partie de la congestion transfrontalière chronique qui sévit au pont Ambassador, vieux de 92 ans.

M. Masse se souvient d’avoir assisté à un match des Tigers de Detroit avec l’ancien membre du Congrès du Minnesota Jim Oberstar, membre de longue date de la coalition bilatérale de législateurs connue sous le nom de Groupe interparlementaire Canada–États-Unis.

Le président de l’époque, Barack Obama — dont le vice-président est maintenant président et un ardent défenseur du protectionnisme américain — était en train de ressusciter le spectre des règles fédérales d’approvisionnement conçues pour favoriser les fournisseurs et entrepreneurs américains.

«(M. Oberstar) a dit que nous aurions besoin d’une sorte de réponse constructive», s’est rappelé M. Masse.

«Vous savez, nous ne voulons pas entrer dans plus de protectionnisme, mais la réalité est que jusqu’à ce que nous créions notre propre type de conversation, nous ne pouvons rien faire d’autre que d’aller voir les Américains à genoux.»