Jusqu’ici, l’essentiel de cette industrie naissante était lié au baseball. (Photo: 123RF)
Washington – Financer un jeune sportif professionnel en échange d’une portion de ses revenus futurs, c’est ce que proposent plusieurs start-ups aux investisseurs particuliers, un nouveau marché parfaitement légal, mais qui fait grincer quelques dents chez les agents.
En février 2021, le Dominicain Fernando Tatis Jr a signé un contrat monstre de 14 ans et 340 millions de dollars avec l’équipe de baseball des Padres de San Diego.
Il devra en reverser près de 30, selon l’estimation de plusieurs médias américains, à Big League Advantage (BLA), qui a financé ses débuts professionnels, à 18 ans, et va multiplier sa mise par au moins dix.
Le fait d’investir directement dans un joueur n’est pas nouveau. Le soccer a vu des centaines de joueurs céder leurs droits à des fonds d’investissement au début des années 2000, avant que la pratique soit interdite par la Fédération internationale (FIFA) en 2015.
Ce qui l’est davantage, c’est que le placement soit désormais ouvert au grand public et non plus l’apanage d’une poignée d’individus fortunés. Une évolution rendue possible par une nouvelle loi et un règlement effectif depuis 2016.
«Nous avons créé Finlete parce que nous voulions supprimer cette barrière entre les athlètes et leurs fans», explique Rob Connolly, directeur général de cette société californienne, qui compte le câblo-opérateur Comcast parmi ses actionnaires.
Finlete attend son homologation par le gendarme américain des marchés financiers, la SEC, ce qui serait une première pour une plateforme ouverte à tous les investisseurs, quel que soit leur patrimoine.
«Nous voulons proposer une action autour de 25 dollars» pièce, qui donnerait le droit à une part des revenus futurs d’un joueur, décrit Rob Connolly, affirmant avoir déjà plusieurs milliers de candidats sur une liste d’attente. L’actionnaire pourra revendre son action sur la plateforme via une Bourse d’échanges.
— «Prédateur» —
Jusqu’ici, l’essentiel de cette industrie naissante était lié au baseball, dont le système de ligues mineures affiliées fait figure de gisement, avec plusieurs milliers de candidats à la ligue reine MLB.
Mais la société suisse Fantium s’est-elle lancée dans le tennis et Commonwealth, une autre start-up initialement spécialisée dans la propriété partagée de chevaux de course, va bientôt proposer d’investir dans de jeunes golfeurs.
Ces derniers reçoivent 75 000 dollars par an sur trois ans, en échange de 30% de leurs revenus sur cette période, un pourcentage qui diminue ensuite jusqu’à 10% la sixième année, la dernière du contrat.
L’argent est placé sur un compte contrôlé conjointement par le joueur et Commonwealth, «donc nous avons une visibilité totale sur la façon dont il est dépensé», précise le directeur général Brian Doxtator.
Chez Commonwealth comme pour Finlete et la plupart de leurs concurrents, le sportif n’aura rien à rembourser de l’argent investi s’il ne perce pas chez les professionnels.
Pour l’instant, la start-up n’accepte que les investisseurs qualifiés, c’est-à-dire avec un niveau minimum d’avoirs ou de revenus.
«Mais à terme, nous serons en mesure de vendre des parts pour 100 dollars, comme nous le faisons déjà avec les chevaux» prévoit Brian Doxtator, mais aussi d’autoriser la revente via le site.
«C’est devenu une pratique de prédateur», dénonce, sous couvert d’anonymat, un responsable d’une agence sportive au sujet de cette forme d’investissement. «Cela peut être incroyablement dangereux, parce que vous renoncez à un potentiel de revenus significatif en échange de gains à très court terme.»
«On espère voir le gouvernement réglementer» ces pratiques et mettre en place «des garde-fous», ajoute-t-il, «mais il est trop tôt et les gens ne comprennent pas encore ce secteur dans sa globalité».
Sollicitée par l’AFP, la SEC s’est refusée à tout commentaire, de même que le syndicat des joueurs de MLB.
«Mon ambition, c’est d’éradiquer les contrats prédateurs», affirme Brian Doxtator, qui cite l’exemple d’acteurs peu scrupuleux offrant 50 000 dollars à un jeune talent moyennant 50% de ses revenus «sur 10 ans. C’est juste dingue.»
Le fait d’être enregistré auprès de la SEC va le contraindre à la transparence, assure-t-il, notamment sur les paramètres financiers des engagements signés par les joueurs.
«Je comprends» les réserves de certains, «mais il faut bien comprendre que certains athlètes n’ont pas de soutiens (…) et sont contraints à abandonner (…) à cause de difficultés financières», décrit Rob Connolly. «Nous voulons leur donner la possibilité de réaliser leur rêve.»