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Kim Thomassin: investir au Québec, pour le Québec

Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2023

Kim Thomassin: investir au Québec, pour le Québec

Kim Thomassin aimerait qu’un de ses legs importants soit d’avoir inspiré de jeunes femmes à emprunter le chemin de la finance. (Photo: courtoisie)

PROFIL D’INVESTISSEUR. Elle aurait aussi aimé être médecin, mais par un concours de circonstances, c’est finalement dans le monde de la finance que s’est retrouvée Kim Thomassin. Aujourd’hui responsable de la stratégie d’investissement de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans la province, elle se voit poursuivre son rôle encore longtemps. Portrait d’une femme qui s’investit à long terme.

Alors qu’elle était étudiante au cégep à Québec, Kim Thomassin hésitait entre le droit et la médecine. À la recherche d’un emploi d’été, elle avait envoyé sa candidature dans un hôpital et dans un cabinet d’avocats.

«J’ai finalement eu un appel du cabinet pour m’offrir un poste. Le coup de fil de l’hôpital est arrivé deux jours plus tard, mais j’avais déjà accepté la première offre», raconte-t-elle. Ce fut le coup de foudre.

Elle a adoré l’expérience et est retournée y travailler l’été suivant, et puis l’autre aussi. «J’ai aimé la collégialité, dit-elle. C’est ça qui a fait que j’ai poursuivi ma voie en droit.» 

Toutefois, elle a rapidement réalisé que sa place n’était pas en litige, même si elle avait eu jusque-là bon espoir d’y faire carrière. C’est qu’après avoir terminé son barreau en 1996, elle a participé à plusieurs procès, une expérience qui l’a particulièrement rebutée.

«Ce n’était pas pour moi. Je respecte énormément ceux qui le font, mais personnellement, j’étais nerveuse, j’allais vomir dans les salles de bain au palais de justice», confie-t-elle.

C’est la nature conflictuelle du litige, les confrontations, qui ne concordaient pas avec sa personnalité.

«Je n’aimais pas le concept de “quelqu’un gagne, quelqu’un perd”. En droit des affaires, je veux faire un «deal», vous aussi, et on s’entend», dit-elle. C’est d’ailleurs en ayant l’occasion de travailler sur des fusions-acquisitions que Kim Thomassin s’est rapprochée de la finance.

 

De Québec à Montréal

Entre 1996 et 2000, elle a notamment occupé un emploi d’avocate chez Aubut Chabot, où elle a travaillé sur bon nombre de transactions, incluant la vente des Nordiques de Québec à des investisseurs de Denver, au Colorado.

Ce genre d’expérience lui a permis de rencontrer des banquiers et des financiers, et aussi de participer pour la première fois à des projets avec la CDPQ en tant qu’avocate externe.

En 2000, elle entame un long passage chez McCarthy Tétrault. Elle y occupe notamment les rôles d’associée-directrice du bureau de Québec, et ensuite, d’associée-directrice du bureau de Montréal. Elle participe à un grand nombre de dossiers de financement de projets, surtout dans le secteur de l’énergie, y compris parfois ceux de la CDPQ, allant des parcs éoliens aux centrales hydroélectriques. Elle touche aussi à d’autres grands projets d’infrastructures, notamment le financement d’autoroutes et l’acquisition d’aéroports. 

«C’est grâce à ces dossiers-là, auxquels participait la Caisse, que j’ai découvert ce qu’elle faisait vraiment», dit Kim Thomassin. C’est aussi grâce à cette expérience qu’elle a découvert son prochain défi professionnel.

 

S’investir à la Caisse de dépôt

En 2017, Kim Thomassin quitte McCarthy Tétrault et se joint à la CDPQ après non pas une, mais deux sollicitations de Michael Sabia, qui était alors à sa tête.

«En 2016, il m’a appelée parce que Marie Giguère, l’avocate en chef, avait pris sa retraite et ils cherchaient quelqu’un pour la remplacer», se souvient-elle. Une offre qu’elle n’a pas pu accepter à l’époque, car elle s’était engagée à soutenir le nouveau président chez McCarthy Tétrault. 

Neuf mois plus tard, toutefois, Kim Thomassin croise de nouveau Michael Sabia, qui lui fait une seconde offre. «Il m’a dit « es-tu prête? » J’ai dit oui.» 

Elle a donc commencé à la CDPQ dans le poste de cheffe des affaires juridiques. Elle y était responsable des aspects juridiques, mais aussi de toutes les questions liées au développement durable.

«C’est la mission de la Caisse qui m’a attirée, soit de générer des rendements pour les futurs retraités québécois tout en contribuant au développement économique du Québec, dit-elle. Ça me branchait beaucoup. Cette offre a d’ailleurs été la seule en 17 ans qui m’a fait considérer [la possibilité de] quitter McCarthy Tétrault.»

 

Un plein portefeuille

C’est en 2020, en pleine pandémie, que Kim Thomassin a commencé son rôle actuel de première vice-présidente et cheffe pour le Québec à la CDPQ. Dans le cadre de ce poste, elle est notamment responsable de piloter la stratégie d’investissement de la CDPQ dans la province de même que les activités de financement et d’accompagnement des moyennes et grandes sociétés québécoises.

La taille du portefeuille qu’elle gère? Environ 80 milliards de dollars (G$). 

«On a l’ambition de se rendre à 100G$ en 2026, dit-elle. C’est presque demain, mais c’est une ambition réfléchie.»

Questionnée sur le plus grand défi lié à son mandat actuel, Kim Thomassin mentionne son désir de mieux accompagner les entrepreneurs de la province. Un défi de taille, considérant que la CDPQ est investie dans plus de 500 entreprises au Québec, dont plus de 80% sont des PME.

Pour relever le défi, elle tente autant que possible de passer du temps avec eux en sillonnant la province. «On va visiter nos sociétés en portefeuille, mais aussi nos cibles, dit-elle. C’est magique de faire ça. Les échanges que nous avons avec les entrepreneurs sont riches et porteurs. On est plus à même de voir comment on peut les aider, leur ouvrir des portes, leur offrir de l’expertise.»

 

Soutenir les femmes

Quand elle réfléchit à son travail à la CDPQ, Kim Thomassin aimerait qu’un de ses legs importants soit d’avoir inspiré de jeunes femmes à emprunter le chemin de la finance. 

«C’est une anecdote, mais ma fille avait son bal cet été, dit-elle. Comme d’autres parents, je suis allé la reconduire. J’ai parlé avec plusieurs jeunes filles, mais pas une seule ne m’a dit vouloir aller en finance. J’ai trouvé ça désolant.» 

Elle estime que le temps est venu de parler plus tôt aux jeunes filles des métiers du monde de l’investissement.

«Il faut se mobiliser, il faut aller dans les écoles, et je m’en fais un défi», dit Kim Thomassin, qui aimerait impliquer plusieurs professionnelles de l’écosystème pour y arriver.

Quant à son avenir professionnel après son poste actuel, la première vice-présidente en révèle peu, mais à 51 ans, elle assure n’être pas pressée de quitter l’emploi qu’elle occupe en ce moment. Elle dit préférer rester longtemps au sein d’une organisation, et après sept ans à la CDPQ, elle sent qu’elle peut en faire encore davantage pour faire avancer sa mission.

Un saut en politique, comme son prédécesseur Christian Dubé, apparaît donc exclu d’emblée. Mais la présidence de la CDPQ, actuellement occupée par son autre prédécesseur, Charles Emond, est aussi écartée. C’est du moins ce qu’assure Kim Thomassin.

«Est-ce que la présidence de la CDPQ est la prochaine étape pour moi? Non, je suis très heureuse dans mon rôle actuel. Je suis pleine d’ambition pour mon équipe et pour le Québec, et même après m’être consacrée à mon mandat depuis plusieurs années, je sens que je peux encore en faire plus.» 

 

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