La BoE tablait encore en février sur une augmentation de 1,25% du produit intérieur brut (PIB) en 2023. Elle anticipe désormais une contraction de 0,25% l'an prochain, après une première chute du PIB dès le dernier trimestre cette année. (Photo: Getty Images)
Londres — La Banque d’Angleterre (BoE) a relevé jeudi son taux à un plus haut depuis 2009 pour contrer l’inflation, qu’elle voit flamber au-dessus de 10% au quatrième trimestre et provoquer une contraction de l’économie.
La hausse de 0,25 point, quatrième relèvement d’affilée décidé par la banque centrale britannique, porte le taux directeur à 1%.
«Je reconnais les difficultés que cela va créer pour de nombreuses personnes à travers le Royaume-Uni, particulièrement les plus petits revenus, (…) les plus touchés par la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture», a reconnu Andrew Bailey, gouverneur de l’Institut monétaire.
La veille, son homologue américaine, la Réserve fédérale (Fed), avait remonté ses taux directeurs de 0,5 point, rattrapant son retard pour combattre l’inflation par rapport à la BoE, qui a commencé à agir fin 2021, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) envisage de leur emboîter le pas.
«Les pressions inflationnistes mondiales se sont sévèrement intensifiées après l’invasion de l’Ukraine par la Russie» et vont se répercuter sur les ménages britanniques en octobre avec une hausse des prix régulés de l’électricité de 40%, a expliqué la BoE dans le compte rendu de sa réunion.
Résultat: l’inflation devrait culminer à «un peu plus de 10%» au quatrième trimestre, soit nettement plus que les 2% visés par l’institut monétaire britannique, et l’économie va reculer avec la chute du pouvoir d’achat des ménages à partir de la 2022.
Ces annonces ont fait plonger la livre, en baisse de 2% à 1,2376 $ US vers 7h45, heure du Québec.
Impuissance
La BoE tablait encore en février sur une augmentation de 1,25% du produit intérieur brut (PIB) en 2023. Elle anticipe désormais une contraction de 0,25% l’an prochain, après une première chute du PIB dès le dernier trimestre cette année.
Étant donné la manière dont le marché de l’électricité est régulé au Royaume-Uni, avec des évolutions deux fois par an, «l’inflation des prix aux consommateurs va probablement atteindre un sommet plus tard» dans le pays «que dans de nombreuses autres économies, et pourrait donc redescendre plus tardivement», prévient la BoE.
Elle note toutefois qu’elle se base, comme elle a coutume de le faire, sur une stabilisation des prix de l’énergie, alors que la situation en Ukraine peut évoluer soudainement et les faire basculer d’un côté ou de l’autre.
Si les cours restent à un niveau élevé, cela «va forcément peser sur les revenus réels des ménages du Royaume-Uni, et sur la marge des entreprises qui y sont installées», prévient la BoE.
«La politique monétaire ne peut rien faire contre cela», ajoute-t-elle, estimant que son «rôle est de s’assurer que ce changement se produit d’une manière compatible avec son objectif d’une inflation à 2%».
Enjeu politique
«Les États-Unis font face à un choc de la demande», les entreprises peinant à répondre à l’appétit des consommateurs, et «la zone euro à une crise du coût de l’offre», avec des prix des matières premières qui conduisent l’inflation, a résumé le gouverneur Bailey.
«Au Royaume-Uni, c’est un peu des deux», conclut-il. Si le coût de l’énergie représente l’essentiel de l’inflation actuelle (+7% sur un an en mars), les employeurs peinent à trouver des travailleurs pour répondre aux commandes, à cause de chocs combinés du Brexit et la pandémie.
Pour l’institut monétaire, l’enjeu est d’empêcher que ces chocs ne se traduisent par des hausses de prix et de salaires à long terme.
Trois des neuf membres du Comité de politique monétaire (MPC) de la BoE ont même voté pour une hausse plus marquée du taux, soit 0,5 point, et «la plupart des membres du Comité estiment qu’un degré de hausse supplémentaire dans les prochains mois pourrait être approprié», selon le compte-rendu.
Le sujet du coût de la vie est au centre des élections locales qui se tiennent jeudi au Royaume-Uni, le premier ministre Boris Johnson promettant de faire «tout son possible», alors que l’opposition raille son approche «déconnectée de la réalité».
Le Fonds monétaire international (FMI) avait fortement révisé à la baisse il y a quelques jours ses prévisions pour l’économie britannique, disant s’attendre à ce que le Royaume-Uni connaisse la croissance la plus faible du G7 l’an prochain.