Carolyn Rogers, première sous-gouverneure de la Banque du Canada. (Photo: La Presse Canadienne)
Le Canada est confronté à ses propres difficultés économiques et sa banque centrale trace le chemin de sa politique conséquemment, a fait valoir jeudi la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers.
Dans le texte d’un discours livré en début d’après-midi à Winnipeg, Mme Rogers a vanté les mérites d’une politique monétaire indépendante.
Même si le monde est interconnecté, a-t-elle affirmé, la Banque du Canada doit faire ce qui est le mieux pour le pays, tout comme les autres banques centrales doivent prendre les décisions qui conviennent le mieux à leur propre contexte.
«Même si nous pensons toujours mondialement, nous devons agir localement, a-t-elle affirmé. Nous devons adapter notre politique au contexte canadien.»
Mme Rogers s’exprimait après que la Banque du Canada a annoncé mercredi qu’elle laissait son taux d’intérêt directeur inchangé, une première en un an, et sa politique semble maintenant diverger de celle de la Réserve fédérale des États-Unis, qui a signalé que d’autres hausses de taux étaient à prévoir.
Lors de sa décision du 25 janvier sur sa politique monétaire, la Banque du Canada avait signalé son intention de prendre une pause et semblait espérer que ses huit hausses annoncées ces 12 derniers mois pourraient suffire à étouffer l’inflation.
Dans son discours, la première sous-gouverneure a analysé les circonstances mondiales et nationales qui ont provoqué une inflation galopante, notant que les hausses de taux de la Banque du Canada visent à lutter contre l’inflation interne.
Mme Rogers a expliqué que ce qui avait commencé comme une flambée des prix causée par les prix élevés des matières premières, une augmentation de la demande mondiale de biens et des chaînes d’approvisionnement perturbées, s’est transformé en phénomène national lorsque l’économie canadienne a commencé à surchauffer.
Et même si l’expérience du Canada en matière d’inflation a beaucoup en commun avec celle d’autres pays, «on relève aussi certaines différences», a souligné Mme Rogers.
L’inflation du Canada est la deuxième plus bas dans les pays du G7, sa croissance économique a été la plus forte de ce groupe depuis que les taux d’intérêt ont commencé à augmenter et la croissance de l’emploi a également été forte, a précisé Mme Rogers.
Parallèlement, la croissance de la productivité est l’une des plus faibles et les ménages canadiens sont parmi les plus endettés du G7.
«À mesure que les pressions inflationnistes mondiales vont continuer de se relâcher, chaque pays va devoir tracer son propre chemin pour revenir à la stabilité des prix», a affirmé Mme Rogers.
L’écart entre les taux d’intérêt au Canada et aux États-Unis pourrait aussi affaiblir le dollar canadien, rendant les importations plus chères.
Dans une période de questions et réponses après son discours, Mme Rogers a estimé qu’il n’y avait «aucun doute» que ce qui se passe dans l’économie américaine avait des implications pour le Canada.
«C’est vrai que si notre dollar se déprécie (…) cela pourrait signifier que les importations entrant dans le pays coûteront plus cher. Cela peut exercer une pression à la hausse sur l’inflation», a admis Mme Rogers.
«Si cela se produit, cela devra être intégré à nos prévisions.»
«Bilan contrasté» dans les données
Même si la banque centrale s’attend à maintenir son taux directeur, elle a clairement indiqué que cette pause était conditionnelle et qu’elle dépendrait de la performance économique et du ralentissement de l’inflation, qui devront être conformes à ses prévisions.
Jeudi, Mme Rogers a de nouveau insisté sur cet élément.
«Si l’évolution de l’économie est conforme à nos prévisions et que l’inflation diminue aussi vite que postulé dans le Rapport sur la politique monétaire de janvier, nous ne devrions pas avoir à procéder à de nouvelles hausses», a affirmé Mme Rogers.
«Cependant, si des données montrant que l’inflation ne baisse pas comme attendu s’accumulent, nous sommes prêts à en faire plus.»
Dans son discours, la sous-gouverneure a également discuté de la décision de mercredi sur les taux, notant que le conseil de direction s’était retrouvé devant un «bilan contrasté» lors de l’évaluation des données économiques récentes.
«Cela dit, l’économie évolue généralement en phase avec nos perspectives», a-t-elle déclaré.
La croissance économique a sensiblement ralenti, l’économie canadienne ayant affiché une croissance nulle au quatrième trimestre de 2022.
Cependant, Mme Rogers a observé que le marché du travail était toujours marqué par de «vives tensions».
La Banque du Canada a récemment souligné que la croissance des salaires, qui oscille entre 4% et 5%, n’était pas compatible avec l’objectif d’inflation de 2% de la banque centrale.
La banque centrale affirme que l’économie devrait connaître une croissance de la productivité pour justifier ce taux de croissance des salaires.
«Eh bien, les données de la semaine dernière montrent que la productivité de la main-d’œuvre au Canada a reculé pour un troisième trimestre d’affilée. Elle ne va donc pas encore dans la bonne direction», a signalé Mme Rogers.