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La BCE va agir pour calmer les tensions sur la dette souveraine

AFP|Publié le 15 juin 2022

La BCE va agir pour calmer les tensions sur la dette souveraine

«La hausse des taux d'intérêt pourrait présenter des défis pour les entreprises et États fortement endettés», a affirmé la Banque centrale européenne dans son rapport semestriel sur la stabilité financière. (Photo: 123RF)

Francfort — La Banque centrale européenne (BCE) a tenté de reprendre la main, mercredi, face à l’envolée des coûts d’emprunt des États de la zone euro, annonçant de nouvelles mesures pour éloigner le spectre d’une crise des dettes souveraines et ne pas compromettre sa politique de lutte contre l’inflation.

Une semaine après l’annonce d’un resserrement de leur politique monétaire, les gardiens de l’euro ont dû se réunir en urgence, mercredi matin, pour convaincre les marchés que leur programme de hausse des taux directeurs était compatible avec la lutte contre un écart trop important des coûts d’emprunts entre pays du Nord et pays du sud de la zone euro.

À l’issue de ces nouvelles discussions, le Conseil des gouverneurs s’est engagé sur deux mesures: «appliquer une certaine flexibilité dans le réinvestissement» des obligations détenues au titre de son programme d’urgence lancé pendant la pandémie (PEPP) et concevoir un nouvel instrument «anti-fragmentation» pour lutter contre cette divergence des taux au sein de la zone euro.

La BCE pourra, par exemple, davantage réinvestir les remboursements d’emprunts venant à échéance pour des pays fragiles, comme l’Italie, et moins réinvestir en titres allemands échus, dont les conditions d’emprunt sont les plus favorables du marché.

Aucun détail sur le contenu du futur instrument anti-fragmentation ni sur son calendrier d’adoption n’a en revanche été donné.

Tous les observateurs attendaient au moins que la BCE en disent plus sur la façon dont elle entend répliquer aux turbulences accrues sur le marché des dettes souveraines depuis qu’elle a annoncé, il y a une semaine, la fin de l’ère de l’argent abondant et pas cher.

Après toutes les autres grandes banques centrales, l’institution de Francfort a en effet planifié le début d’un cycle de hausse de ses taux directeurs pour combattre l’inflation, une première depuis 2011.

L’institution relèvera, lors de sa prochaine réunion du 21 juillet, ses taux directeurs de 25 points de base, après avoir arrêté ses achats nets d’actifs. Sa présidente Christine Lagarde a aussi prévenu qu’il y aurait une nouvelle série de hausses des taux à partir de septembre, dont le montant inquiète les investisseurs.

Ce changement de cap majeur dans la politique monétaire s’accompagne d’un risque: celui d’une fragmentation sur le marché de la dette souveraine en zone euro, qui ferait que les États européens emprunteraient à des niveaux très divergents, ceux jugés les plus fragiles étant pénalisés, car les investisseurs réclament de plus fortes primes de risques.

En ligne de mire: le spectre d’une nouvelle crise des dettes souveraines, dix ans après celle qui avait failli avoir raison de l’unité de la zone euro.

Après l’annonce de ce tournant, la réaction sur le marché obligataire a été immédiate et les écarts de taux («spread») n’ont cessé de se creuser entre l’Italie, la Grèce, l’Espagne et le Portugal par rapport au taux d’emprunt allemand à 10 ans — le Bund — qui fait référence.

 

Accord en juillet?

Les responsables de la BCE ont martelé à plusieurs reprises ces dernières semaines qu’ils étaient prêts à intervenir d’urgence, y compris en façonnant un nouvel instrument monétaire, mais beaucoup d’observateurs ont déploré l’absence de solution concrète présentée par l’institution.

«Nous ne tolérerons pas de changements dans les conditions de financement qui vont au-delà des facteurs fondamentaux» des pays de la zone euro qui verraient leurs coûts d’emprunt s’envoler, a encore martelé mardi soir Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, lors d’un discours à Paris.

Avec sa communication plus concrète mercredi, la BCE a dit «ce que les marchés avaient besoin d’entendre, enfin!», a tweeté Frederik Ducrozet, chef économiste chez Pictet Weath Management.

La réunion de mercredi «n’a pas annoncé un outil étoffé de lutte contre les +spreads+ qui pourrait apporter une solution permanente au problème», a nuancé Jack Allen-Reynolds, de Capital Economics.

«Les réinvestissements flexibles du PEPP pourraient permettre aux décideurs politiques de gagner un peu de temps, mais le nouvel “instrument anti-fragmentation” sur lequel la Banque travaille devra aller beaucoup plus loin», ajoute-t-il, estimant également qu’un consensus sur cet outil n’est pas encore acquis au sein de la BCE.

Le sujet devrait également être abordé lors la réunion, jeudi, des ministres de l’Économie et des Finances de la zone euro (Eurogroupe) au Luxembourg, à laquelle participe la BCE.