La construction résidentielle est «florissante», selon l’IRIS
La Presse Canadienne|Mis à jour le 11 juillet 2024L'organisme brosse plutôt un portrait montrant que le développement résidentiel a eu le vent dans les voiles au Québec, mais principalement dans les secteurs des condominiums et des unifamiliales. (Photo: La Presse Canadienne)
La solution pour affronter la crise du logement ne repose pas sur moins de réglementation en vue de stimuler la construction résidentielle, suggère une nouvelle étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Malgré de nombreuses contraintes, l’industrie immobilière au Québec «s’en sort très bien» depuis les 20 dernières années, soutient l’organisme.
Dans son rapport publié lundi, l’IRIS remet en question le discours selon lequel l’actuelle crise s’explique par des barrières réglementaires excessives à l’échelle municipale freinant les mises en chantier et causant un problème de sous-construction, ou par des enjeux démographiques.
L’organisme brosse plutôt un portrait montrant que le développement résidentiel a eu le vent dans les voiles au Québec, mais principalement dans les secteurs des condominiums et des unifamiliales.
«Loin d’avoir été marquées par un déficit de construction et d’investissement privés, les deux dernières décennies au cours desquelles la crise du logement a pris de l’ampleur ont été caractérisées par une forte croissance de l’industrie immobilière et, selon les secteurs d’activité, par des niveaux de revenus historiques ou fort appréciables», écrivent les auteurs de l’étude, Louis Gaudreau et Catherine Héon Cliche.
Les deux chercheurs associés à l’IRIS s’appuient sur différentes statistiques disponibles. Ils mentionnent, entre autres, que les investissements privés ont connu depuis 2003 une «croissance presque sans interruption».
En 2022, le montant, qui inclut à la fois la construction neuve et la rénovation, s’est établi à 29,4 milliards de dollars, soit plus du double des sommes enregistrées à la fin des années 1990, indique l’étude.
«À partir du début des années 2000, il y a vraiment un décollage de l’investissement dans la construction résidentielle, affirme Louis Gaudreau en entrevue. Un décollage qui détonne aussi par rapport aux décennies précédentes.»
Il attribue cette tendance à «l’explosion du marché hypothécaire», avec des prêts en circulation se chiffrant à 2000 milliards de dollars en 2023, et à de «nouveaux acteurs qui sont arrivés avec beaucoup d’argent à investir», soit les fonds d’investissement.
Pas une pénurie de condos
L’IRIS déboulonne aussi l’idée selon laquelle la construction résidentielle a eu du mal à suivre la croissance démographique. L’organisme avance que le nombre de nouveaux logements achevés dans au moins quatre grandes villes du Québec (dont Montréal et Québec) a soit été supérieur ou à peu près équivalent à la croissance du nombre de ménages entre 2001 et 2021.
«Ça ne veut pas dire que parce que la population est appelée à croître dans les prochaines années et décennies qu’on ne pourrait pas, si on maintenait les rythmes actuels, se retrouver avec un problème de manque de logements», précise Louis Gaudreau.
Bien que les investissements ont atteint des sommets et l’offre a suivi le même rythme que la population, l’IRIS note que l’abordabilité résidentielle et l’accès au logement locatif, en particulier pour les ménages à faibles et modestes revenus, se sont détériorés au fil des ans.
Les taux d’inoccupation ont chuté à de bas niveaux dans plusieurs des grandes villes québécoises. Et les loyers moyens ont subi des augmentations se situant entre 61 et 112 % dans les 20 dernières années, selon les données présentées par l’IRIS.
«Lorsqu’on a construit en quantité, on n’a pas construit pour répondre aux besoins qui étaient prioritaires. Et on a surtout sous-investi le logement social, le logement abordable», soutient Louis Gaudreau.
«Il n’y a pas de pénurie sur le marché du condo. Il n’y a pas tant que ça non plus de pénurie sur le marché de la maison unifamiliale. On est plus dans un contexte de pénurie de logements locatifs, et à plus forte raison, de logements locatifs abordables», fait valoir le professeur de l’UQAM.
Le rapport de l’IRIS évoque que la majorité des investissements ont été injectés pour la construction de condos ou de maisons unifamiliales (entre 54 et 69% selon les villes). Le locatif a récolté entre 29 et 44% des sommes, tandis que la part pour le logement social a été entre 2 et 5%.
«Cette industrie a maintenu son modèle de production pendant 20 ans en privilégiant certains produits résidentiels qui ne sont pas parvenus à répondre à la crise», souligne Louis Gaudreau.
Investissements publics nécessaires
Ces constats, qui montrent une «activité florissante», mettent en doute la pertinence de donner davantage de marge de manoeuvre à l’industrie comme elle le réclame, estime l’IRIS.
Et si la construction subit un ralentissement à l’heure actuelle, l’organisme associe davantage cette situation à des facteurs conjoncturels, tels que la hausse des taux d’intérêt et des problèmes d’approvisionnement des matériaux, qu’au cadre réglementaire.
L’IRIS invite à «repenser le modèle sur lequel repose le développement résidentiel». Selon Louis Gaudreau, l’investissement public est nécessaire afin de mettre à l’abri de la spéculation des logements et faire ainsi baisser les loyers.
«Pour assurer un développement en grand nombre, puis suffisant pour répondre aux besoins de logements abordables, il va falloir développer des politiques de démarchandisation du logement qui soient de plus grande envergue, c’est-à-dire qui visent soit à sortir des logements existants ou soit en construire des nouveaux à l’extérieur du marché», explique-t-il.