La croissance économique ralentie par la pénurie de main-d’oeuvre
Denis Lalonde|Publié le 06 Décembre 2019La croissance économique se poursuivra au Québec en 2020, mais sera ralentie par la pénurie de main-d'oeuvre.
La croissance économique se poursuivra au Québec en 2020, mais la progression est ralentie par un problème de pénurie de main-d’œuvre qui frappe à la grandeur de la province, selon RBC Banque Royale.
«Nous anticipons que l’économie québécoise progressera de 2% en 2020», raconte Robert Hogue, économiste principal chez RBC Banque Royale.
Cette prévision place le Québec au 2e rang des provinces canadiennes, derrière la Colombie-Britannique (2,4%), à égalité avec l’île-du-Prince-Edouard.
Pour le Québec, il s’agirait d’un léger ralentissement de la croissance, puisque RBC table sur une croissance économique de 2,4% en 2019. «Nous sommes conservateurs. Des chiffres de l’Institut de la statistique du Québec montraient une croissance de 2,8% de l’économie au 30 septembre», rappelle M. Hogue.
Ce dernier n’y voit toutefois rien d’inquiétant, car, selon lui, le marché de l’immobilier et les dépenses de consommation sont toujours en bonne santé à travers la province. Toutefois, l’économiste soutient qu’un danger guette la croissance économique: la pénurie de main-d’œuvre.
Pénurie de main d’oeuvre, un manque à gagner difficile à quantifier
«Nous ne pouvons pas quantifier le manque à gagner lié au problème de la pénurie de main-d’œuvre au Québec, mais c’est une raison pour laquelle la croissance économique ralentit. Quand des entreprises ferment des quarts de travail, quand des restaurants ferment tous les lundis et les mardis, quand des entreprises refusent des contrats faute de personnel, ça a un impact. Comme économiste, ça me fait presque pleurer», raconte Robert Hogue.
Selon des chiffres de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), on dénombrait 433 000 postes restés vacants pendant plus de 4 mois au Canada à la fin du troisième trimestre, 15 000 de plus qu’à la même période en 2018. Du nombre, le Québec en comptait 120 000. À 4%, le taux de postes vacants dans la Belle Province est à un sommet au Canada pour un 8e trimestre consécutif.
Si le défi numéro des entreprises est de trouver des travailleurs et de les garder, M. Hogue souligne que la demande touche tout le spectre d’éducation exigé par les employeurs. «On parle beaucoup de la pénurie de travailleurs qualifiés, mais les deux tiers des postes vacants demandent un secondaire 5 ou moins», soutient M. Hogue.
L’économiste rappelle que la «force de travail» québécoise est «la plus éduquée de l’histoire». Dans ce contexte, les diplômés universitaires peuvent se permettre de poursuivre leurs recherches dans leur domaine d’expertise plutôt que d’accepter un emploi mois bien rémunéré et pour lequel ils sont surqualifiés.
Cesser de mettre l’accent sur la création d’emplois
M. Hogue affirme également que les gouvernements devraient «changer de disque» en parlant de création d’emploi, de création d’emploi et de création d’emploi… «Le rôle des gouvernements est de faciliter l’adéquation de la main-d’œuvre. Il faut faciliter les formations et les transitions pour jouer le rôle de ‘matchmaker’», dit-il.
L’économiste explique que les politiques mises en place pour favoriser la création d’emplois ne font qu’aggraver le problème déjà présent de pénurie de main-d’œuvre. «On ne pourra évidemment pas convertir tout le monde, mais il faut faire plus d’efforts», dit-il, ajoutant que l’immigration économique fait aussi partie de la solution.
Selon Robert Hogue, le défi pour les entreprises de combler les postes vacants perdurera encore au moins dix ans. «Au cours de la prochaine décennie, à travers le Canada, entre 250 000 et 275 000 personnes atteindront chaque année l’âge de la retraite. Ça ne veut pas dire que tout le monde prendra sa retraite, mais l’évolution démographique va jouer contre le marché du travail», opine-t-il.
Dans un tel contexte, les dirigeants qui espèrent qu’un éventuel ralentissement économique (ou une récession) fera en sorte que les candidats se bousculeront miraculeusement à leurs portes pour combler tous leurs besoins en main-d’œuvre risquent d’être déçus. «C’est un problème structurel. Les entreprises doivent avoir une stratégie pour aller chercher la main-d’œuvre, la former et la garder. Pour les dirigeants, rester passifs n’est pas une bonne stratégie», prévient l’économiste.
Pour les travailleurs, la pénurie de main-d’œuvre a au moins un avantage: elle pousse les salaires à la hausse. «C’est bon pour les ménages et ça fait en sorte qu’ils ont moins de craintes à s’acheter une maison ou un véhicule. Si les taux d’intérêt baissent un peu, je ne vois pas d’élément qui pourrait étouffer les dépenses des ménages à court terme», dit-il.
Croissance démographique et habitation
RBC reste très optimiste pour le marché québécois de l’habitation et de la construction résidentielle, en raison de la croissance démographique, qui devrait atteindre 1,2% cette année. «C’est le plus fort taux qu’on a connu en 30 ans», dit Robert Hogue.
Une telle croissance démographique contribuera à stimuler la demande pour l’immobilier résidentiel.