L’arrivée du télétravail et la chute des voyages internationaux ont alimenté un regain d’intérêt, chez les Canadiens, pour les destinations intérieures. (Photo: La Presse Canadienne)
Des taux d’intérêt plus élevés et un resserrement des réglementations amènent certains Canadiens à douter de l’occasion d’investir dans une propriété locative à court terme.
Deana Steele assure ne jamais avoir vu autant de copropriétés et de maisons de vacances à vendre à Kelowna, en Colombie−Britannique, qu’en ce moment.
La fondatrice de Keys to Kelowna Properties, une agence de gestion de locations de vacances de luxe, souligne que le marché immobilier en bordure du lac de la ville est actuellement «saturé» par des propriétés zonées pour la location à court terme. Certains vendeurs sont des gens qui ont acheté des propriétés il n’y a pas si longtemps, et qui essaient déjà de sortir de ce marché.
«Tous ces nouveaux venus ont inondé le marché — ils se sont lancés tardivement sur ce marché», explique Mme Steele.
«Ils pensaient qu’ils allaient engranger de grosses sommes parce qu’ils ont vu ce qui s’était passé lors de la ruée vers l’or. Et maintenant, ils se disent: “Oh, grosse erreur.”»
La «ruée vers l’or» à laquelle Mme Steele fait référence est l’engouement des investisseurs pour les locations à court terme que Kelowna et de nombreuses autres villes canadiennes ont connu au début de la pandémie de COVID−19.
L’arrivée du télétravail et la chute des voyages internationaux ont alimenté un regain d’intérêt, chez les Canadiens, pour les destinations intérieures. Pendant un certain temps, les personnes proposant des chalets et des appartements à louer sur Airbnb, Vrbo et d’autres marchés en ligne gagnaient plus d’argent que par le passé.
Mais à mesure qu’un plus grand nombre de personnes tentaient de profiter de cette situation, la balance s’est renversée. Cet été, indique Mme Steele, le nombre d’annonces de type Airbnb dans la ville dépassait la demande.
À mesure que la surabondance de locations à court terme augmentait, les taux d’occupation moyens par nuitée ont chuté, tout comme le montant des revenus que les investisseurs ont pu obtenir.
«Notre taux d’occupation a plongé, simplement à cause du nombre de nouvelles inscriptions», explique Mme Steele.
«Alors maintenant, ceux qui ne sont pas des investisseurs chevronnés ou qui ne souhaitent pas subventionner leur propriété cherchent à vendre.»
Croissance freinée par la réglementation
Airbnb, Vrbo et d’autres plateformes similaires de location en ligne constituent depuis longtemps des occasions tentantes pour les Canadiens qui disposent de suffisamment d’argent pour faire une mise de fonds et qui sont disposés à devenir propriétaires ou «hôtes» à court terme.
Selon Statistique Canada, entre 2015 et 2018 seulement, le montant des revenus gagnés par les propriétaires de logements privés loués à court terme au pays a atteint 2,2 milliards de dollars, enregistrant une multiplication par dix en seulement trois ans.
Mais en 2023, la location à court terme en tant que stratégie d’investissement a perdu un peu de son éclat. Cela s’explique en partie par le fait que divers niveaux de gouvernement imposent de plus en plus de restrictions visant à freiner cette pratique, comme l’interdiction des locations à court terme lorsque le propriétaire ne réside pas dans la propriété.
Outre des réglementations plus strictes, l’aspect financier de l’équation a également radicalement changé. Les taux d’intérêt sont beaucoup plus élevés qu’ils ne l’étaient il y a quelques années, ce qui signifie que les propriétaires intéressés par le marché de la location à court terme doivent pouvoir générer plus de revenus simplement pour couvrir leurs frais hypothécaires.
Il n’est également plus prudent de supposer, comme plusieurs le faisaient autrefois, que la valeur des propriétés continuera d’augmenter à long terme.
«Dans le passé, certaines personnes se souciaient peut−être moins des revenus qu’elles généraient que de l’appréciation potentielle du prix de leur propriété», note Jason Heath, directeur général d’Objective Financial Partners.
«Mais avec des taux d’intérêt plus élevés et un marché immobilier plus faible, les prix pourraient ne plus augmenter autant qu’avant. Ils pourraient même baisser.»
M. Heath ajoute que quiconque se lance dans un investissement immobilier au Canada doit verser une mise de fonds minimale de 20% avant d’être approuvé pour un prêt.
Selon lui, ce facteur, combiné aux coûts d’emprunt plus élevés d’aujourd’hui, fait en sorte que les investisseurs potentiels doivent vraiment faire des calculs.
«La grande question est: “est−ce un modèle économique viable”? Peut−on gagner plus d’argent en gérant une propriété Airbnb qu’en ayant un bien locatif classique ou simplement en investissant dans des actions et des obligations, par exemple?» demande M. Heath.
«Et il faut se souvenir que dans le cas des actions et des obligations, on peut les acheter et cela ne demande pas beaucoup de travail. Posséder une propriété Airbnb est une entreprise, c’est un travail, et il faut également tenir compte du coût en temps.»
Une capacité d’adaptation
Avery Birch, fondateur de 365 Experience, une société de gestion d’immeubles locatifs à Halifax, reconnaît que le marché de la location à court terme a évolué récemment.
Mais M. Birch, qui n’avait que 21 ans lorsqu’il a commencé à gagner un revenu de location à court terme en proposant une chambre d’amis dans son appartement, assure toujours croire que cela peut toujours être plus lucratif que d’autres formes d’investissement immobilier.
Il explique que cela est dû, en partie, au fait que les locations à court terme donnent aux propriétaires plus de flexibilité pour s’adapter aux changements de l’offre et de la demande.
«Je pense que c’est en fait une valeur plus sûre pour la propriété, surtout lorsque le marché s’emballe, car nous ne sommes limités par aucun prix, note M. Birch. Nous pouvons les hausser ou les réduire autant que nous le souhaitons.»
Mme Steele croit que Kelowna restera une destination prisée et que de bons investissements peuvent être faits par ceux qui disposent de l’argent initial requis et qui font preuve d’intelligence dans leur stratégie.
Par exemple, elle note que certains investisseurs avisés se détournent actuellement du marché de la location à court terme pour se tourner vers des séjours de moyenne durée, s’adressant non pas aux touristes, mais à ceux qui séjournent temporairement en ville pour le travail ou pour recevoir des traitements médicaux.
«Je pense que quiconque s’intéresse à cette industrie doit comprendre qu’elle est volatile. (…) C’est une industrie à plus haut risque, qui peut offrir une meilleure récompense», estime-t-elle.
«Je l’ai fait avec mes propriétés personnelles, et je ne refuserais jamais de l’envisager.»
Amanda Stephenson, La Presse Canadienne