La lutte au changement climatique deviendra bipartisane aux É.-U.
François Normand|Publié le 18 Décembre 2020La position des républicains sur le climat changera, selon Richard Haass, président du Council on Foreign Relations.
Malgré la grande polarisation de la société américaine, ce n’est qu’une question de temps avant que la lutte au changement climatique ne devienne une politique bipartisane aux États-Unis, affirme Richard N. Haass, président du Council on Foreign Relations (CFR) à New York, qui édite le prestigieux magazine Foreign Affairs.
Lors d’une allocution virtuelle le 17 décembre devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), cet ancien conseiller du président républicain George H.W. Bush (1989-1993) a souligné qu’il faut cesser de présenter les Américains comme étant profondément divisés sur cette question: ceux pour qui la priorité est de créer des emplois et ceux pour qui la priorité est de sauver la planète.
«Ce n’est pas une bonne chose d’opposer un choix ou des tensions entre l’économie et l’environnement», car on peut à la fois stimuler l’économie et lutter contre le changement climatique, dit-il.
Richard Haass souligne qu’il se crée de plus en plus «d’emplois verts» dans plusieurs secteurs de l’économie, sans parler des technologies propres. Pendant ce temps, on assiste aussi au déclin rapide de la production d’électricité au charbon (l’énergie fossile émettant le plus de gaz à effet de serre) aux États-Unis.
L’économie verte y emploie déjà 9,5 millions de personnes et crée pour 1 300 milliards de dollars américains de PIB, selon une étude publiée en octobre 2019 par l’University College London. Cela représente 75% de la taille de l’économie canadienne, dont le PIB s’élevait à 1 736 G$US en 2019, selon la Banque mondiale.
Le président du Council on Foreign Relations croit aussi que la position du parti républicain changera bientôt à propos de l’urgence de combattre le changement climatique.
«Le jour va venir où le changement climatique sera vu comme une menace» pour la société et l’économie américaine, affirme l’auteur de The World (A Brief Introduction), un nouvel essai qu’il a publié cette année et qui permet de mieux comprendre le monde en profonde mutation dans lequel nous vivons.
À ses yeux, les catastrophes naturelles qui se multiplient ne peuvent plus être ignorées ou minimisées, et ce, des feux de forêt en Californie aux inondations dans le centre du pays.
«Le centre de gravité [sur l’importance de la lutte au changement climatique] va bouger plus vite qu’on ne le pense», affirme Richard Haass.
En septembre, la Californie étouffait en raison des feux de forêt, à commencer par San Francisco. (Photo: Getty Images)
Les priorités de l’administration Biden
Lors de son allocution, ce spécialiste de la politique américaine et des relations internationales s’est aussi prononcé sur les priorités de l’administration Biden qui sera au pouvoir à la Maison-Blanche à compter du 20 janvier.
Ainsi, sans grande surprise, il estime que la priorité des démocrates sera de poursuivre la lutte contre la pandémie de COVID-19, alors que la population a commencé à être vaccinée comme au Canada.
Au niveau international, l’administration Biden réintégrera l’Accord de Paris sur le climat, tout en retissant des liens avec les principaux alliés des États-Unis — qui se sont effrités sous le règne de Donald Trump — en Europe et en Asie, sans parler du Canada.
Gérer la relation avec la Chine sera également un enjeu crucial, selon Richard Haass.
Les tensions commerciales avec ce pays se sont accrues sous l’administration Trump. Pour autant, les politiques de la Chine faisaient déjà grincer des dents bien avant 2017, car l’attitude du pays a bien changé depuis 2013, année où Xi Jinping est devenu président.
Par exemple, la répression des Ouïgours (une minorité musulmane du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine) s’est accentuée, tandis que Pékin affirme de plus en plus sa puissance en mer de Chine méridionale, au grand dam de pays comme le Vietnam.
Selon Richard Haass, l’administration Biden se coordonnera davantage avec ses alliés afin de répondre plus adéquatement aux politiques de la Chine en Asie-Pacifique.