La peur des mathématiques peut nuire aux finances personnelles
La Presse Canadienne|Publié le 02 février 2022Vanessa Vakharia, fondatrice de Math Guru, un studio de tutorat et animatrice du balado «Math Therapy». (Photo: La Presse Canadienne)
Toronto — Lorsque Jenny Dickson fait son épicerie, elle n’achète que des aliments sans marque ou des articles en solde, de peur de surestimer l’argent dont elle dispose dans son compte bancaire.
«Cette anxiété liée aux mathématiques peut devenir si intense que j’ai une crise de panique au milieu du supermarché ou que je me dissocie tout simplement», explique Mme Dickson, une bibliothécaire de 28 ans de Deep River, en Ontario.
Mme Dickson vivait seule, mais elle est retournée vivre chez ses parents il y a cinq ans, lorsque la pression mentale et financière liée au suivi du loyer et des factures est devenue trop écrasante.
«Mon anxiété générale a beaucoup diminué parce que je n’avais pas constamment à me soucier de savoir si je serais ou non sans abri parce que j’avais mal fait mes calculs. Je ne me fais pas confiance pour pouvoir établir un budget suffisant pour déménager maintenant et mon travail n’est pas très bien payé en ce moment», explique-t-elle.
Les personnes anxieuses à propos des mathématiques peuvent se sentir nerveuses, effrayées ou paniquées face à tout ce qui concerne les chiffres, et cela peut avoir un impact sur la façon dont elles gèrent leurs finances, observe Vanessa Vakharia, fondatrice de Math Guru, un studio de tutorat et animatrice du balado «Math Therapy».
Une idée reçue, souvent présentée dans les médias, veut que les personnes ayant des compétences en mathématiques résolvent des problèmes sans trop de travail ou d’efforts, explique-t-elle. Cela peut amener certaines personnes à se sentir inaptes avec les chiffres lorsqu’elles ne sont pas immédiatement capables de résoudre des problèmes mathématiques.
Ce sentiment peut être accentué par la fausse croyance que l’intelligence mathématique est un indicateur de l’intelligence globale, ajoute-t-elle.
«Si quelqu’un est vraiment bon en peinture, nous ne disons pas qu’il est intelligent. Si quelqu’un est bon en maths, on suppose automatiquement qu’il est intelligent», illustre Mme Vakharia.
En conséquence, les gens peuvent avoir peur de faire des erreurs en mathématiques à cause de la honte qui y est associée, celle de ne pas se sentir assez intelligent ou bon en mathématiques.
«Il y a une approche du genre, « eh bien, je ne vais même pas essayer. L’idée de budgétiser ou d’investir est trop intimidante pour moi. Je déteste le mot mathématique et je déteste les chiffres, donc je ne vais pas m’en soucier »», explique Mme Vakharia.
Affronter son «traumatisme mathématique»
Les personnes qui évitent leurs finances à cause de leur peur des mathématiques peuvent finir par dépenser trop et accumuler des dettes. Ils peuvent également éviter de se familiariser avec des concepts financiers qui pourraient améliorer leurs finances, comme les intérêts composés lorsqu’il s’agit d’épargner, ou en apprendre davantage sur l’investissement et l’assurance.
Pour réduire l’anxiété liée aux mathématiques, la première étape consiste à faire face à son «traumatisme mathématique», estime Mme Vakharia, ce qu’elle décrit comme une réponse traumatique à une expérience passée impliquant les mathématiques.
«Il se peut que vous ayez été appelé en classe et que vous ne connaissiez pas la réponse, et qu’un enfant se soit moqué de vous et que depuis vous portiez cette honte avec vous», illustre-t-elle.
Les personnes qui luttent contre l’anxiété liée aux mathématiques doivent se dire: «À un moment donné de ma vie, on m’a fait me sentir incapable de faire des mathématiques, et ce n’est pas vrai», poursuit-elle.
À partir de là, il s’agit de prendre les mesures nécessaires pour apprendre les informations dont on a besoin, ce qui, heureusement, ne nécessite pas de suivre un cours de mathématiques, assure-t-elle.
Mme Vakharia recommande de trouver une personne gentille et patiente dans sa vie, qui semble être à l’aise ou bien avec l’argent, puis de lui demander si elle serait disposée à passer du temps à répondre à des questions sur la façon dont elle fait son budget, gère son argent ou tout autre sujet financier.
Après cette première étape, il peut être plus facile de déterminer vers quelles ressources se tourner ensuite, qu’il s’agisse d’un conseiller financier, d’un tuteur en mathématiques, d’une application de budgétisation ou d’un contenu éducatif.
Alors que Mme Dickson a encore du mal à avoir confiance en sa capacité à faire des mathématiques, elle se montre désormais plus confiante lorsqu’elle doit demander de l’aide.
«Je demande à mon patron d’examiner ma feuille de temps pour s’assurer qu’elle a du sens avant de la soumettre. Je demande à mon père de faire mes impôts. Lorsqu’on demande, il y a des gens qui sont prêts à aider et capables de le faire. J’ai beaucoup moins honte de ma peur des mathématiques qu’auparavant», précise-t-elle.
Mme Dickson a également trouvé utile d’avoir une calculatrice sur son téléphone, qui conserve une trace des calculs passés.
«Je peux voir si j’ai fait des erreurs ou non beaucoup plus facilement. C’est bien d’avoir cette preuve que je ne me trompe pas aussi souvent que je le pense.»