La recherche d’un emploi dans la cinquantaine comporte des obstacles supplémentaires
La Presse Canadienne|Publié le 11 novembre 2024Shannon Davidson a lancé une entreprise qui conseille les personnes de plus de 50 ans à la recherche d’un nouvel emploi. (Photo: Lora Moore / La Presse Canadienne)
Shannon Davidson a été licenciée l’année dernière de son poste de direction dans une entreprise de marketing après une fusion qui a entraîné des coupes. Elle savait qu’elle n’en avait pas encore fini avec sa carrière, mais trouver un nouvel emploi à son âge était une perspective décourageante.
«Lorsque j’ai dû prendre en compte mon âge, j’ai ressenti ce que ressentent beaucoup de gens lorsqu’ils sont licenciés à cet âge: je suis au sommet de ma forme et je viens d’être mise sur la touche.»
La recherche d’un emploi peut être un défi pour tout le monde, mais cela peut être particulièrement difficile après 50 ans, car les employeurs potentiels peuvent être réticents à embaucher quelqu’un qu’ils peuvent considérer comme un candidat coûteux ou surqualifié.
Les entreprises voient souvent les avantages de garder les travailleurs plus âgés au travail. Mais lorsqu’elles décident d’embaucher quelqu’un, les candidats plus jeunes sont souvent préférés, selon Ellie Berger, professeure à l’Université Nipissing, qui étudie l’âgisme depuis deux décennies.
«C’est lorsqu’on est à l’extérieur et qu’on essaie de revenir à l’intérieur qu’on a le plus de mal à s’en sortir», illustre-t-elle à propos des travailleurs expérimentés.
Ellie Berger a observé qu’il faut plus de temps aux travailleurs âgés pour trouver un emploi et qu’ils passent plus de semaines au chômage que les plus jeunes.
Ses recherches ont inclus des discussions avec des employeurs qui étaient parfois francs dans leurs explications.
«Ils mentionnaient des choses comme le fait que, si les gens omettent l’année d’obtention de leur diplôme sur leur CV, c’est un signal d’alarme», rapporte-t-elle.
L’âgisme devient souvent un obstacle pour les travailleurs dès l’âge de 45 ans. La situation s’aggrave lorsque le sexe, le handicap et la race sont ajoutés au mélange, indique Ellie Berger.
Elle a constaté que de nombreux employeurs ne prennent même pas en considération les candidats de 55 ans et plus.
«Ils ont dit, par exemple: “À 55 ans, il faudrait qu’ils soient assez exceptionnels dans tous les domaines pour que je les considère. À 65 ans, je n’y penserais même pas”.»
Outre l’âge, d’autres aspects, comme les problèmes de santé, le besoin de flexibilité dans les horaires et les facteurs économiques peuvent également constituer des obstacles pour les chercheurs d’emploi dans la cinquantaine.
Un rapport de Statistique Canada de 2015 a révélé que les départs à la retraite non volontaires, c’est-à-dire les personnes âgées qui voulaient continuer à travailler, mais qui n’ont pas réussi à trouver un emploi, constituent environ 25% de tous les départs à la retraite. Plus les travailleurs licenciés sont âgés, plus ils sont susceptibles de prendre leur retraite.
Francine Gutwilik est revenue au Canada en 2009. Recruteuse professionnelle, elle a quitté New York au plus fort de la crise financière alors qu’elle était dans la quarantaine.
«Je voulais simplement continuer de travailler et j’ai envoyé des CV pour toutes sortes de postes, de la vente aux ressources humaines en passant par le recrutement. La plupart du temps, il n’y avait pas de réponse», se souvient-elle.
Des épargnes réduites
Francine Gutwilik, qui a aujourd’hui 62 ans et travaille comme surveillante dans une école, a connu une longue période de chômage. Le manque de revenus a considérablement réduit son épargne.
Elle a créé une entreprise qui, espère-t-elle, lui permettra de renflouer ses coffres. Elle a développé un logiciel de recrutement appelé Wizard Hire, qui tente d’éliminer les préjugés du processus d’examen des CV.
«Je me concentre principalement sur la vente de la plateforme et cela se passe très bien pour moi. Toutes les attentes et les mauvaises expériences ont fini par s’inverser.»
Selon Bonnie-Jeanne MacDonald, directrice de la recherche sur la sécurité financière à l’Institut national du vieillissement de l’Université métropolitaine de Toronto, perdre son emploi dans la cinquantaine ou la soixantaine peut entraîner des conséquences financières importantes, car c’est à ce moment que de nombreuses personnes ont des revenus plus élevés et moins de dépenses.
«Les gens ont une plus grande capacité à épargner. Si l’on supprime ces années, cela peut avoir un impact considérable sur cette période de préparation vraiment cruciale.»
De plus, comme les prestations de retraite du gouvernement sont versées plus tard dans la vie, il est difficile de prendre sa retraite pour de bon.
«Quelqu’un qui n’a pas d’emploi dans la cinquantaine est très vulnérable, car il ne peut pas commencer à toucher la pension de la Sécurité de la vieillesse avant 65 ans», souligne-t-elle.
«Si vous perdez votre emploi plus tôt, non seulement vous ne pourrez pas épargner davantage pour votre retraite, mais vous devrez probablement commencer à puiser dans votre épargne, ce qui vous mènera dans la direction opposée», ajoute-t-elle.
Ne pas négliger l’expérience et la sagesse
Laura Hambley, fondatrice de Canada Career Counselling, a remarqué une augmentation du nombre de changements de carrière chez les personnes dans la cinquantaine. La mise à niveau des compétences peut aider les chercheurs d’emploi à obtenir un poste plus rapidement.
«Le défi peut résider dans le fait qu’une longue carrière dans un seul domaine peut involontairement communiquer un manque de capacité d’apprentissage et d’adaptation. Il est essentiel de démontrer ses compétences», affirme-t-elle.
À son avis, il faut «mettre de l’avant l’expérience et la sagesse que vous apportez, et tout ce que vous avez vu et effectué au cours de votre carrière est un réel avantage». Elle croit aussi qu’«il faut mettre l’accent sur le fait que vous aimeriez encadrer des personnes».
Laura Hambley indique que de nombreux quinquagénaires s’orientent vers des emplois contractuels, entrepreneuriaux ou de conseils.
Shannon Davidson, qui a été licenciée de son emploi dans le domaine du marketing, a choisi de créer sa propre entreprise, car elle avait encore besoin d’un revenu. Aujourd’hui âgée de 55 ans, elle dirige sa société de conseils en marketing et encadre de jeunes talents.
«Je fais ce qui me donne de l’énergie parce que cela a toujours été mon plan et j’y tiens», déclare-t-elle.
Le conseil qu’elle donne aux quinquagénaires est de ne laisser personne les définir comme «vieux» ou surqualifiés.
Rédigé par Ritika Dubey