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La sécheresse dans l’ouest fait grimper le prix du boeuf

La Presse Canadienne|Publié le 26 février 2024

La sécheresse dans l’ouest fait grimper le prix du boeuf

John Wildenborg, le propriétaire d'une boucherie de Calgary (Photo: La Presse Canadienne)

Le bœuf pourrait perdre de sa popularité sur les tables canadiennes à cause des sécheresses sévissant dans l’ouest du continent nord-américain.

Habituellement, la demande pour la viande de bœuf est toujours élevée au Canada, même pendant une crise économique. Toutefois, cela pourrait bien changer dans un avenir plus ou moins rapproché. 

Du sud de l’Alberta à l’est du Texas, les éleveurs réduisent la taille de leurs troupeaux à cause de la rareté de l’herbe. Par conséquent, la production de la viande de bœuf a été réduite, faisant du même coup grimper les prix dans les épiceries ou dans les restaurants.

«Même si c’est la période la plus lente de l’année pour le bœuf, les prix n’ont pas baissé depuis Noël. Je paie [mes produits] 40% plus cher que je le faisais à pareille date, l’an dernier», mentionne John Wildenborg, le propriétaire d’une boucherie de Calgary, en Alberta.

Le prix des aliments a beaucoup grimpé au cours des trois dernières années à cause de la COVID-19 et de l’inflation. Mais malgré le ralentissement de la spirale inflationniste dans de nombreuses catégories d’aliments, le prix de la viande de bœuf n’a pas suivi le mouvement, et ce, à cause des sécheresses. 

«Quand on parle aux producteurs, qu’ils soient canadiens ou américains, ils répondent avoir traversé, au cours des dix dernières années, deux des pires sécheresses de leur existence, souligne Lance Zimmerman, un analyste de Rabobank. Si on y ajoute la pandémie et tout le reste, les 10 à 15 dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les éleveurs. Cela a mené à de nombreuses liquidations.»

Une liquidation survient lorsqu’un éleveur décide de conduire une grande partie de son troupeau à l’abattoir plutôt que tenter de le faire croître. Plusieurs facteurs peuvent le mener à prendre cette décision, notamment les dépenses, le manque de main-d’œuvre, les taux d’intérêt élevés et, bien sûr, les conditions météorologiques.

Au Canada, la taille du troupeau national est en déclin depuis plusieurs années. En 2023, elle a baissé de 1,5% pour atteindre 3,66 millions de bêtes, le plus petit total depuis 1989. 

Aux États-Unis, les données racontent une histoire encore plus dramatique. Le nombre de bêtes d’élevage a chuté à 28,2 millions en 2023, le plus total depuis 1961. 

La situation dessine une équation simple: moins de bêtes égale moins de viandes, ce qui entraîne une baisse des exportations et une hausse des prix au détail.

«Malheureusement pour les consommateurs, les prix vont continuer à grimper, prévoit Lance Zimmerman. Et selon nos estimations et une base américaine, le prix devrait encore augmenter de 1,50$ d’ici les prochaines années.»

Dans le sud-est de l’Alberta, près du village de Jenner, l’éleveur Brad Osadczuk a dû déplacer son troupeau vers un terrain qu’il a loué dans l’est de la Saskatchewan afin de mieux le nourrir. Son propre pâturage était complètement appauvri par la sécheresse. 

«C’est la pire sécheresse de ma vie d’adulte, et je suis né en 1971, lance-t-il. Notre prairie ne redeviendra jamais verte.»

Lance Osadczuk a pu réduire la taille de son troupeau. Certains de ses collègues ont dû l’imiter au cours des cinq dernières années.

«On affronte des conditions de sécheresse depuis longtemps. Dans notre région de l’Alberta, les troupeaux sont plutôt petits.» 

Et même si les conditions météorologiques s’amélioraient, les éleveurs ne peuvent pas se ressaisir en une seule nuit. C’est la raison pour laquelle le prix de la viande de bœuf demeurera élevé encore pendant un certain temps. 

«Cela ne se réglera pas à court terme, met en garde Lance Osadczuk. Une vache qui est née aujourd’hui mettra quatre ans avant d’arriver à l’autre bout de la chaîne alimentaire.» 

Anne Wasko, une analyste du marché du bétail, croit que l’approvisionnement en viande de bœuf nord-américain restera précaire. Et l’avenir dépendra de dame Nature.

«L’approvisionnement devrait encore diminuer en 2024, en 2025 et, sans doute, jusqu’en 2026, dit-elle. Il nous faut de la pluie pour renverser la vapeur.»