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La situation économique affecte plus que jamais Justin Trudeau

La Presse Canadienne|Publié le 12 Décembre 2023

La situation économique affecte plus que jamais Justin Trudeau

Alors que les libéraux de Justin Trudeau continuent de reculer dans les sondages, l’ouragan lent qui pourrait bien finir par les emporter semble être l’économie. (Photo: La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick)

Le gouvernement de Justin Trudeau a dû affronter de nombreuses tempêtes au cours des huit dernières années.

La controverse sur SNC-Lavalin. Une vieille photo d’album de finissants avec le premier ministre en «blackface». De multiples violations de l’éthique. La pandémie de COVID-19.

Mais alors que les libéraux au pouvoir continuent de reculer dans les sondages, l’ouragan lent qui pourrait bien finir par les emporter semble être l’économie.

Pour beaucoup, la pandémie n’est plus qu’un mauvais souvenir, mais l’effet domino économique qu’elle a provoqué persiste, causant des ravages électoraux sur les gouvernements en place à travers le monde.

L’inflation et les taux d’intérêt élevés ont aggravé la situation des gens, même si l’économie canadienne dépasse les attentes à bien des égards.

Les sondages suggèrent que le Parti libéral au pouvoir est loin derrière les conservateurs. Les questions liées au coût de la vie dominent la politique fédérale et un Parti conservateur renaissant rejette la responsabilité de l’érosion de l’abordabilité sur les épaules de Justin Trudeau.

À quel moment les choses ont-elles commencé à aller si mal pour les libéraux?

 

L’impact des taux d’intérêt

Le soutien aux conservateurs a augmenté cet été, au moment même où la Banque du Canada a recommencé à augmenter ses taux d’intérêt à la suite d’une interruption de son cycle de hausse des taux plus tôt dans l’année.

«C’est à ce moment-là que les gens ont commencé à subir la première vague de renouvellements de prêts hypothécaires», a souligné Tyler Meredith, ancien responsable de la stratégie et de la planification économiques de la ministre des Finances, Chrystia Freeland.

Les Canadiens qui renouvellent leur prêt hypothécaire cette année voient leurs mensualités augmenter, car ils paient davantage d’intérêts pour financer leur maison. Cela laisse moins d’argent sur la table pour tout le reste.

Le gouvernement fédéral ne fixe pas réellement les taux d’intérêt, mais les données suggèrent un lien étroit entre les hausses de taux de la Banque du Canada et la baisse du soutien public aux libéraux.

Même avant le pic de cette année, un sondage Abacus Data de l’époque suggérait que les conservateurs avaient commencé à dépasser les libéraux après la première hausse des taux de la banque centrale en mars 2022.

«Je pense que cela a été un moment décisif», a soutenu David Coletto, président et directeur général de la maison de sondages et d’études de marché basée à Ottawa.

Depuis ce temps, une série d’indicateurs de sondage se sont retournés contre les libéraux, a-t-il ajouté.

 

Les libéraux critiqués

Depuis des mois, le gouvernement fédéral se fait montrer du doigt par plusieurs, et pas seulement par l’opposition, en raison de son rôle perçu dans la crise de l’accessibilité financière.

Certains économistes ont accusé Ottawa de dépenser trop face à une inflation galopante. Le moment serait plutôt propice à un redressement de la politique budgétaire, selon eux. 

Des militants sur la question du logement, des experts en politiques et des économistes ont également critiqué les libéraux pour leurs politiques de logement et d’immigration inadaptées.

Ils soutiennent que la croissance rapide de la population dans un contexte d’offre de logements limitée a aggravé l’effet de la hausse des taux d’intérêt sur l’accessibilité.

Une grande partie de ce que vivent les libéraux est également un phénomène mondial. L’inflation a ravagé les économies du monde entier, poussant les banques centrales à augmenter de manière importante les taux d’intérêt et à retourner les électeurs contre les gouvernements en place.

 

Des gouvernements en difficulté

L’inflation est désormais en baisse dans bon nombre de ces mêmes pays. Pourtant, les dirigeants en place sont toujours en difficulté.

Aux États-Unis, la cote de popularité du président Joe Biden se rapproche d’un creux historique. Dans ce pays, le taux d’inflation était de 3,2% en octobre, tandis que le taux d’intérêt de référence de la Réserve fédérale se situe à environ 5,4%, le niveau le plus élevé depuis 22 ans.

Au Royaume-Uni, la cote de popularité du premier ministre conservateur Rishi Sunak a également chuté à un creux, encore plus bas que celle de Liz Truss, qui a dû démissionner après seulement 49 jours de mandat. Le taux d’inflation du Royaume-Uni était de 4,6% en octobre, tandis que le taux d’intérêt de référence de la Banque d’Angleterre se situe à 5,25%.

Aux Pays-Bas, l’inflation a considérablement diminué depuis qu’elle a culminé à plus de 14% l’année dernière, mais les inquiétudes concernant l’immigration — et son impact perçu sur l’accessibilité financière — ont conduit à la chute d’un gouvernement de coalition quadripartite cet été.

Le Parti pour la liberté d’extrême droite a remporté le plus grand nombre de sièges lors des élections du mois dernier. Son chef, Geert Wilders, a mené une campagne anti-immigration également axée sur le coût de la vie.

«L’inflation est un cancer pour la popularité du gouvernement, et il n’existe pas de traitement facile», a indiqué David Coletto.

En fait, le traitement est en soi punitif. Les banques centrales ont réagi à l’inflation élevée en augmentant fortement les taux d’intérêt, ce qui a rendu plus coûteux les emprunts d’argent pour les consommateurs et les entreprises.

Le taux d’intérêt directeur de la Banque du Canada se situe actuellement à 5%, son niveau le plus élevé depuis 2001.

Le repli des dépenses a ralenti l’économie canadienne cette année et fait grimper le taux de chômage, tendances qui devraient se poursuivre en 2024.

 

L’économie rebondit malgré tout

Parallèlement, l’économie canadienne s’est bien mieux comportée que ce que les économistes prévoyaient au cours des deux dernières années. Elle a rebondi après la pandémie, poussant le taux de chômage à un creux historique de 4,9% à l’été 2022.

Le pays a jusqu’à présent évité la récession, contrairement à de nombreuses prévisions. L’inflation est de 3,1%, en baisse importante par rapport aux sommets de l’année dernière.

Pourtant, les gens se sentent toujours déprimés face à l’économie.

«Pour beaucoup de gens, cela ressemble à une récession, même si nous ne sommes pas encore en récession», a expliqué Tyler Meredith.

Le défi politique pour les libéraux consiste à trouver un moyen de combler le fossé entre les sentiments négatifs du public et la vérité sur l’économie, a-t-il ajouté.

Pendant ce temps, le message agressif, mais simple du chef conservateur Pierre Poilievre sur le coût de la vie a enflammé le web. Sa vidéo de 15 minutes sur la crise du logement a été vue des millions de fois sur les réseaux sociaux depuis sa sortie au début du mois.

La vidéo explicative, qui utilise des graphiques et des statistiques pour illustrer l’ampleur de la crise du logement, soutient que la crise de l’abordabilité du logement au Canada a une cause simple: Justin Trudeau lui-même.

 

Un contexte différent en 2025

Il est trop tôt pour conclure que c’est fini pour les libéraux, selon Tyler Meredith, soulignant que beaucoup de choses peuvent se produire d’ici les prochaines élections. Ce scrutin devrait avoir lieu d’ici l’automne 2025, mais il pourrait être convoqué avant cette date.

Sur le plan économique, les choses devraient alors être différentes.

La plupart des économistes prévoient que l’inflation reviendra à 2% d’ici 2025, tandis que la banque centrale devrait commencer à réduire ses taux l’année prochaine.

Des taux d’intérêt plus bas seraient un signe de meilleures perspectives économiques, mais cela ne signifierait pas nécessairement une baisse des coûts hypothécaires pour tout le monde.

La banque centrale a signalé que les taux d’intérêt pourraient ne pas revenir aux niveaux d’avant la pandémie, même si l’inflation devient plus gérable. Cela signifie que de nombreux Canadiens continueront de renouveler leur prêt hypothécaire à des taux d’intérêt plus élevés, même si les taux baissent.

Quant à l’inflation, les Canadiens sont aux prises avec des prix plus élevés, même si le rythme de croissance des prix redescend à 2%.

Compte tenu des inquiétudes que ressentent les gens face aux coûts auxquels ils sont confrontés, Tyler Meredith estime que les libéraux auraient besoin d’un message économique différent.

«Si on dit « emplois et croissance » — ce qui est souvent un mantra répété par le gouvernement — je ne suis pas certain que cela signifie quelque chose pour qui que ce soit», a-t-il suggéré.

«Pour surmonter cela, on doit aller de l’avant et dire: « Voici ce que nous faisons pour réduire les coûts pour vous ».»