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La tendance à vivre seul offre de multiples occasions d’affaires

La Presse Canadienne|Publié le 07 mars 2019

Près de quatre millions de Canadiens vivaient seuls en 2016, comparativement à 1,7 million en 1981.

Les entreprises et les politiciens sous-estiment depuis longtemps l’une des données démographiques à la croissance la plus rapide au Canada et dans le monde, mais cela est en voie de changer.

« La société est orientée vers les familles », déclare Jean-Pierre Bissonnette, un médecin célibataire de 52 ans à l’hôpital Princess Margaret, à Toronto, qui fait partie d’une cohorte croissante de personnes qui choisissent de vivre en célibataire.

Selon le recensement de 2016, pour la première fois au Canada, le nombre de ménages d’une personne était le mode de vie le plus important. Près de quatre millions de Canadiens vivaient seuls en 2016, comparativement à 1,7 million en 1981. Ils représentaient 28,2 % des 14,1 millions de ménages, soit une proportion plus grande que les couples avec ou sans enfants, les familles monoparentales et les ménages multifamiliaux.

Cette augmentation est grandement le fait de personnes qui se marient plus tard, qui divorcent davantage, qui survivent à leur conjoint et qui restent célibataires plus longtemps.

Certaines entreprises ont essayé de répondre à l’évolution des besoins en améliorant les options en matière d’épicerie, en supprimant des obstacles au transport ou en construisant plus de logements pour une personne seule.

Les chaînes de supermarchés canadiennes ont augmenté la surface de vente d’aliments prêts à manger qui plaisent aux célibataires occupés et à l’aise financièrement. Cette décision sert à la fois un marché et augmente considérablement les marges bénéficiaires, explique Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politique alimentaires à l’Université Dalhousie.

« Je pense que cela ne fera que s’accentuer, simplement parce que nos données démographiques vont dans le sens des épiciers qui souhaitent offrir davantage de solutions à portion unique », a-t-il souligné.

Tracey Nesbitt, rédactrice en chef du magazine Solo Traveler, explique qu’un nombre croissant de sociétés de voyages font des affaires pour les voyageurs en solo, car la demande a explosé, en particulier chez les femmes.

Certaines renoncent aux frais de supplément pour les célibataires, tandis que d’autres permettent aux voyageurs de se jumeler à un autre voyageur dans leur chambre et offrent des tables à manger communes, des réceptions à l’heure de l’apéro et des rencontres électroniques avant le voyage. Certains navires de croisière ajoutent également plus de chambres pour une personne.

Des compagnies aériennes, notamment Air Canada, Transat et Sunwing, ont mis en place des forfaits en solo formule « tout inclus » au Mexique et dans les Caraïbes, sans supplément pour les célibataires.

La « collection solo » de Transat, par exemple, a presque doublé sa portée depuis son lancement en 2015 et compte désormais 39 stations situées dans 19 destinations soleil de 10 pays, qui accueillent environ 8000 voyageurs individuels par an.

Tout de même, Mme Nesbitt souligne que l’accommodation des voyageurs en solo est un phénomène relativement récent, alors que de plus en plus de millénaux et de baby-boomers cherchent à voyager seuls.

« C’est juste devenu un si grand marché », a-t-elle fait valoir.

Un rapport de Statistique Canada publié mercredi indique que plus d’hommes, de personnes divorcées ou séparées vivent aujourd’hui seuls, tandis que la proportion d’hommes et de femmes veufs a diminué.

Bien que de nombreuses personnes en arrivent souvent à vivre seules parce qu’elles ont retardé l’avènement de leur famille pour établir leur carrière, 72 % ont déjà eu un partenaire et 55 % ont eu au moins un enfant, indique le rapport « Vivre seul au Canada ».

La croissance de la vie en solo a coïncidé avec la hausse de la construction de copropriétés. Selon Statistique Canada, 28 pour cent des personnes vivant seules résidaient dans ces types de logements, qu’ils soient achetés ou loués, comparativement à 7 % en 1981.

La vie en solo est une tendance énorme qui a des implications sur notre façon de vivre, de socialiser, d’utiliser la technologie, de rencontrer des gens, de magasiner et de faire avancer les choses, a soutenu Bella DePaulo, auteure de « Singled Out : How Singles Are Stereotyped, Stigmatized, and Ignored, and Still Live Happily Ever After ».

« En fin de compte, cela devrait aussi avoir de grandes ramifications politiques, bien que les candidats et les dirigeants politiques soient parfois les derniers à renoncer à leur façon de parler des couples mariés et des familles », soutient Mme DePaulo.