La vaccination obligatoire en milieu de travail: du cas par cas
La Presse Canadienne|Publié le 02 janvier 2022De récentes décisions arbitrales démontrent que les juges examinent les caractéristiques d’un lieu de travail pour déterminer si la vaccination peut y être imposée, notamment s’il existe une convention collective. (Photo: La Presse Canadienne)
Toronto — De récents jugements permettent de clarifier la situation pour les employeurs et les travailleurs ontariens au sujet de la vaccination obligatoire en milieu de travail, disent des experts.
Toutefois, les Ontariens ne doivent pas s’attendre à des solutions uniformes en ce qui concerne cet enjeu.
De récentes décisions arbitrales démontrent que les juges examinent les caractéristiques d’un lieu de travail pour déterminer si la vaccination peut y être imposée, notamment s’il existe une convention collective, explique Michael Cleveland, un avocat du cabinet Miller Thompson.
«C’est du cas par cas. Ce qui est raisonnable dépend des caractéristiques de chaque lieu de travail, mais aussi des circonstances, comme une propagation communautaire dans cet environnement», dit-il.
En novembre, un arbitre avait maintenu la politique mise en place par une entreprise de sécurité dont les employés travaillaient dans environ 450 lieux qui avaient leur propre réglementation sur la vaccination.
L’entreprise permettait aux employés de demander d’être exemptés pour des raisons médicales ou idéologiques, mais soulignait qu’ils pouvaient faire l’objet d’une mesure de discipline pouvant aller jusqu’au congédiement s’ils ne se conformaient pas à la politique.
L’arbitre Fred von Veh a jugé que cette politique était raisonnable et pouvait être appliquée. Selon lui, elle établissait un juste équilibre entre le droit de l’employé non vacciné et le droit des autres, collègues ou clients, à un environnement sain.
Il notait qu’avant même la pandémie, la convention collective comprenait un article mentionnant que les employés assignés à un lieu où une certaine vaccination était obligatoire devaient être vaccinés ou transférés.
Mais une autre décision rendue en novembre concluait que la vaccination obligatoire exigée par une agence de sécurité électrique n’était ni raisonnable ni applicable, car une solution moins intrusive pouvait être mise en vigueur.
Dans ce cas, le travail pouvait être accompli à distance et la majorité des employés étaient déjà vaccinés. Il y avait peu d’infections parmi le personnel, avait écrit l’arbitre. De plus, l’ancienne politique de vaccination volontaire et de dépistage prônée par l’entreprise s’était montrée efficace.
«Discipliner ou congédier un employé non vacciné quand la vaccination n’était pas obligatoire au moment de l’embauche et où des solutions alternatives sont en place est injuste», a tranché l’arbitre John Stout, qui a ajouté qu’il fallait analyser les circonstances avant d’imposer un jugement.
Ainsi, l’obligation d’être vacciné peut devenir une politique raisonnable si les circonstances changent.
«Une chose que nous avons tous apprise de cette pandémie est que la situation est fluide et en constante évolution», a écrit M. Stout.
La publication de ces décisions est une bonne nouvelle, soutient Me Cleveland.
«Il n’y avait pas encore de jurisprudence sur laquelle les tribunaux et les arbitres pouvaient se fonder pour juger de ces politiques de vaccination contre la COVID-19. Avant, il fallait examiner d’anciennes décisions concernant la vaccination dans les hôpitaux pendant une épidémie de grippe. C’est un soulagement d’avoir maintenant des décisions arbitrales pour nous guider.»
La situation est différente dans les lieux de travail non syndiqués. Les patrons ontariens peuvent congédier quiconque pour n’importe quelle raison pourvu qu’elle ne soit pas discriminatoire en vertu de Code des droits de la personne, dit Tanya Walker, une avocate de Toronto.
Dans ces milieux de travail, un juge examinera si des solutions de rechange ont été offertes à celui qui ne veut pas être vacciné pour des raisons médicales ou religieuses ou si un congédiement a une cause juste, souligne Me Walker.
«Si quelqu’un oppose un refus franc et honnête, il n’est pas malhonnête. Si la vaccination n’était pas obligatoire avant son embauche, il pourrait être difficile pour un employeur de justifier son congédiement, raconte-t-elle. Alors, des patrons préfèrent suspendre sans solde des employés.»
La Commission ontarienne des droits de la personne a formulé quelques recommandations au sujet de la vaccination obligatoire. Exiger une preuve de vaccination est généralement permis «pour autant que des protections soient mises en place pour veiller à ce que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons protégées par le Code puissent obtenir une mesure d’adaptation raisonnable».
Des préférences purement personnelles ou des croyances particulières ne constituent pas une croyance aux fins du Code des droits de la personne, ajoute la Commission.