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La vente de Saltwire pourrait affecter le contenu local dans le Canada atlantique

La Presse Canadienne|Publié le 30 juillet 2024

Postmedia a l'intention d’acheter «certaines entreprises» appartenant à SaltWire Network et à The Halifax Herald.

Halifax — Une experte qui suit l’industrie médiatique au Canada affirme que l’achat imminent par Postmedia de la plus grande chaîne de journaux du Canada atlantique entraînera presque certainement des suppressions d’emplois et une réduction du contenu local.

April Lindgren, professeure de journalisme à l’Université métropolitaine de Toronto, souligne que Postmedia Network a également pris l’habitude de fermer des publications non rentables, ayant fermé 57 médias depuis 2008, soit plus que toute autre entreprise médiatique au Canada.

«La stratégie de Postmedia a été de réduire de nombreux journaux à l’ombre de ce qu’ils étaient autrefois en réduisant les dépenses et le nombre de journalistes sur le terrain», a expliqué Mme Lindgren en entrevue.

«Je ne prévois pas de changement de stratégie si cet accord se concrétise.»

Vendredi, Postmedia a annoncé son intention d’acheter «certaines entreprises» appartenant à SaltWire Network et à The Halifax Herald, deux sociétés de médias insolvables qui, en mars, ont obtenu une protection ordonnée par le tribunal contre leurs créanciers à qui l’on devait plus de 90 millions de dollars.

Postmedia, entreprise établie à Toronto, possède le National Post, le Vancouver Sun, le Calgary Herald et des dizaines d’autres publications. L’acquisition est sujette à l’approbation de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse et à des «résultats satisfaisants» auprès des travailleurs syndiqués, a indiqué l’entreprise. Elle n’a divulgué aucun détail financier.

Un représentant de Postmedia a décliné une demande d’entrevue.

David Boyd, le chef de la restructuration nommé par le tribunal et supervisant les opérations de SaltWire et The Herald, a publié mardi une déclaration affirmant que les deux sociétés d’Halifax ont une longue tradition de diffusion d’informations et de «perspectives diverses» aux Canadiens de l’Atlantique à travers plus d’une douzaine de titres médiatiques.

«Nous espérons que tous les intervenants pourront travailler ensemble pour conclure la transaction avec Postmedia, qui vise à assurer la continuité des publications journalistiques établies dans la région de l’Atlantique», a affirmé M. Boyd dans une déclaration écrite.

Magda Konieczna, professeure de journalisme à l’Université Concordia, à Montréal, a déclaré que Postmedia est connue pour limiter ses investissements dans l’information locale.

«Cela m’inquiète (…) de savoir à quel point l’espace d’information locale continuera à être érodé à cause de cette acquisition, a-t-elle soutenu. Notre démocratie locale a besoin de plus que l’investissement que Postmedia a accepté de consacrer aux informations locales.»

Mme Konieczna a déclaré que les programmes fédéraux, tels que l’Initiative pour le journalisme local et le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne, ont aidé les entreprises médiatiques en difficulté. Mais une aide supplémentaire est nécessaire, a-t-elle indiqué.

«Nous avons besoin d’une politique qui nous aidera à construire un écosystème d’informations locales qui réponde aux besoins des communautés locales», a-t-elle précisé.


Période difficile post-COVID

Mme Lindgren, chercheuse principale du «Local News Research Project», a affirmé que de nombreuses entreprises médiatiques ont recommencé à réduire leurs coûts et à arrêter leurs activités après la pandémie de COVID-19, lorsque les subventions gouvernementales se sont taries. 

De plus, les revenus publicitaires n’ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant la pandémie, a-t-elle exposé.
«Toutes les dures réalités qui existaient avant la pandémie sont réapparues, a-t-elle dit. La publicité ne semble pas rebondir. Et ces subventions ont disparu. Je ne prévois pas que les choses deviennent plus faciles.»

Mme Lindgren a néanmoins déclaré qu’il serait erroné de cibler Postmedia pour sa stratégie de réduction des coûts. SaltWire, par exemple, a fermé 24 médias. De plus, six autres sociétés médiatiques — Transcontinental, Black Press, Glacier Media, Metro Media, Sun Media et Metroland — ont chacune fermé une vingtaine de plateformes depuis 2008.

En date du 1er juin, un total de 521 médias avaient été fermés depuis 2008, la grande majorité d’entre eux étant des journaux communautaires, selon les recherches de Mme Lindgren.

Quant à SaltWire et The Herald, la suppression d’emplois ne sera pas facile, étant donné que les licenciements ne sont pas nouveaux. Au quotidien phare Chronicle Herald d’Halifax, le nombre de journalistes est passé d’une centaine au milieu des années 1990 à environ une vingtaine aujourd’hui, a déclaré un responsable syndical.

Mme Lindgren a souligné que le nombre de rédacteurs du «Ottawa Citizen» de Postmedia est passé de 190 travailleurs syndiqués en 1990 à environ une vingtaine aujourd’hui.

«Cette histoire se reflète dans tout le pays», a-t-elle affirmé.

Michael MacDonald