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L’achat d’une première propriété dans un marché en ralentissement

La Presse Canadienne|Publié le 22 novembre 2022

L’achat d’une première propriété dans un marché en ralentissement

Même si les prix des maisons commencent à diminuer, l’accessibilité globale ne s’est pas améliorée. (Photo: La Presse Canadienne)

Il a fallu trois ans à Ross Davison et à sa femme pour acheter leur première maison.

Le couple d’Ottawa a commencé à chercher avant la pandémie, mais a été, à plusieurs reprises, mis à l’écart par la hausse rapide des prix de l’immobilier, la hausse des taux d’intérêt et le durcissement des règles hypothécaires.

«Cela ressemblait à un jeu en constante évolution, illustre Ross Davison. Les choses sautaient toujours juste hors de portée.»

Avec un bébé en route au printemps dernier, le couple a fini par réduire sa liste de souhaits et a fait une offre pour une maison de banlieue.

«Ironiquement, nous avions vu ces unités lorsque nous avons commencé à chercher, mais nous ne voulions pas partager un mur, se souvient-il. Nous avons fini par en acheter une trois ans plus tard, pour le double du prix.»

Les acheteurs d’une première maison au Canada sont confrontés au marché immobilier le plus difficile depuis des générations.

La flambée des prix des maisons et les fortes hausses des taux d’intérêt ont poussé l’abordabilité à son pire niveau depuis des décennies, forçant certains premiers acheteurs à sortir complètement du marché, souligne un rapport des Services économiques TD.

Les acheteurs d’une première maison représentent traditionnellement plus de la moitié de tous les achats. Mais cette part a diminué depuis le début de la pandémie, atteignant un creux de 46,8% en juin 2021. Selon la TD, les investisseurs immobiliers et les propriétaires de plusieurs propriétés ont récupéré la
différence.

Même si les prix des maisons commencent à diminuer, l’accessibilité globale ne s’est pas améliorée.

«La baisse des prix n’a pas contrebalancé l’effet de la hausse des taux d’intérêt, observe l’économiste Robert Hogue, de la Banque Royale. Notre mesure d’abordabilité continue de se détériorer.»

 

Trouver un agent immobilier

Des experts immobiliers disent que la courbe d’apprentissage est plus sévère que d’habitude pour de nombreux premiers acheteurs. Pourtant, il existe des trucs et astuces qui peuvent aider, assurent-ils.

«Le rêve d’accession à la propriété n’est pas mort, affirme Robert Hogue. Je pense que cela peut encore être réalisé en faisant preuve de flexibilité quant au moment où il faut y parvenir, et à la forme que cela va prendre.»

Le premier appel que tous les premiers acheteurs potentiels devraient faire est celui d’un agent immobilier, estime Despina Zanganas, agente immobilière torontoise pour PSR Brokerage.

«Les gens attendent souvent trop longtemps pour essayer de trouver un agent immobilier, affirme-t-elle. Je suggère de contacter les agents immobiliers un an avant le moment où l’on prévoit réaliser l’achat.»

Les acheteurs comptent souvent sur le bouche-à-oreille pour trouver un agent immobilier, mais Despina Zanganas croit qu’il est important de magasiner.

«Il est important de trouver quelqu’un avec qui on connecte, et qui nous convient», explique-t-elle.

L’étape suivante consiste à déterminer ce qu’on peut se permettre, poursuit Despina Zanganas.

«J’ai eu des acheteurs d’une première maison qui ont dit qu’ils voulaient acheter une maison dans (le quartier aisé de Toronto) Rosedale et qu’ils avaient un budget de 900 000 $, se souvient-elle. Un agent hypothécaire aidera à définir correctement les attentes.»

«Ils signaleront également tous les frais de clôture supplémentaires. Souvent, les premiers acheteurs ne pensent pas aux extras.»

 

Plusieurs programmes d’aide

Le gouvernement fédéral a lancé plusieurs programmes visant à aider les premiers acheteurs.

Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), récemment annoncé, permet aux nouveaux acheteurs d’économiser 40 000 $ en franchise d’impôt pour l’achat d’une première maison au Canada.

«C’est un moyen puissant de verser une mise de fonds pour une première maison», juge James Laird, cochef de la direction de Ratehub.ca et président du prêteur hypothécaire CanWise.

Il s’agit d’une amélioration par rapport au régime d’accession à la propriété (RAP), qui permet aux Canadiens de retirer jusqu’à 35 000 $ d’un régime enregistré d’épargne-retraite pour constituer un acompte, qui doit être remboursé dans les 15 années suivant l’emprunt, explique-t-il.

Le nouveau régime enregistré devrait commencer l’année prochaine, mais James Laird note qu’il faudra attendre quelques années avant qu’il n’aide les acheteurs.

Un autre nouveau programme, appelé incitatif à l’achat d’une première propriété, offre jusqu’à 10% pour l’achat d’une nouvelle maison par l’entremise d’une hypothèque à capital partagé avec le gouvernement.

Mais James Laird recommande aux nouveaux acheteurs d’éviter ce programme, soulignant que la copropriété d’une maison avec le gouvernement est un scénario «étrange» qui pourrait entraîner des conséquences nuisibles.

«Nous pensons que c’est assez préjudiciable, fait-il valoir. Le gouvernement devient copropriétaire (…) il ne paie pas les frais d’entretien ni les taxes foncières, mais il partage l’appréciation potentielle. Nous trouvons cela imparfait à bien des égards.»

L’assurance prêt hypothécaire de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) permet aux acheteurs de verser une petite mise de fonds en échange de frais pouvant atteindre 4%.

«Les frais sont clairs et immédiats et il n’y a aucune confusion par rapport à qui possède quoi», souligne James Laird.

Cependant, l’assurance prêt hypothécaire n’est disponible que pour les propriétés dont le prix d’achat est inférieur à 1 000 000 $. James Laird croit que ce maximum devrait être plus élevé dans des villes comme Toronto et Vancouver.

«Le gouvernement n’a aucun intérêt à aider les personnes aisées à acheter des maisons de plusieurs millions de dollars, observe M.Laird. Mais les gens qui achètent une maison jumelée à 1,2 million $ à Toronto, sans espace de stationnement, ne sont pas des personnes riches membres d’un club de loisirs. Elles essaient de trouver une maison pour leur famille.»

 

Montagnes russes émotionnelles

Entre-temps, même une fois que l’accession à la propriété est enfin à portée de main, les premiers acheteurs doivent s’attendre à sentir «absolument quelques maux de ventre», prévient-il.

«L’expérience normale d’achat d’une première maison est une montagne russe émotionnelle.»

L’agente immobilière Despina Zanganas est d’accord et note que les acheteurs d’une première maison ont «vraiment peur de perdre leur chemise et de prendre la mauvaise décision».

«Je les préviens toujours qu’une fois qu’ils ont signé sur la ligne pointillée, ils vont s’inquiéter que ce soit la pire erreur de leur vie. Tout le monde passe par là.»

Maintenant qu’ils ont accueilli leur petite fille et qu’ils se sont installés dans leur nouvelle maison en rangée, Ross Davison et sa femme, Katherine MacDonald, poussent un soupir de soulagement.

«Une partie de la magie d’avoir à être rigoureux dans notre recherche est que nous nous sommes vraiment familiarisés avec tous les petits quartiers d’Ottawa», observe Katherine MacDonald.

«Nous nous sommes ouverts à des choses que nous n’aurions jamais envisagées auparavant et nous avons atterri quelque part où nous sommes vraiment heureux.»