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L’agroalimentaire, un secteur solide malgré les soubresauts

Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2023

L’agroalimentaire, un secteur solide malgré les soubresauts

Sur le marché des grains, comme ceux du maïs, du soja et du blé, les prix sont maintenant plus faibles qu’ils étaient il y a de six à douze mois. (Photo: 123RF)

Avec l’automne vient le temps des récoltes, un bon moment, donc, pour faire le point sur l’industrie agroalimentaire. Des experts sont convaincus des possibilités de croissance à long terme de ce secteur. Survol des perspectives et des forces en présence.

Sur le marché des grains, comme ceux du maïs, du soja et du blé, les prix sont maintenant plus faibles qu’ils étaient il y a de six à douze mois, observe Vincent Cloutier, agronome ainsi que vice-président associé et conseiller principal de la Division de l’agriculture à la Banque Nationale. 

«Il y a eu une frousse en raison de la guerre en Ukraine, mais depuis, la planète économique s’est ajustée et ce conflit-là a moins d’impact sur le marché», dit-il. Les récoltes ont été excellentes en Amérique du Sud et s’annoncent aussi très bonnes aux États-Unis. Les stocks sont actuellement «confortables», note le vice-président, ce qui a contribué à faire en sorte que les prix se calment. «Ça fait le bonheur de ceux qui achètent, comme les producteurs de porc et de volaille, mais un peu moins de ceux qui vendent.» 

En conséquence, les marges risquent d’être plus serrées cette année, quoique toujours positives. Cela dit, l’effet des changements climatiques semble se faire sentir par une multiplication des événements météo extrêmes, un risque à garder en tête à plus long terme pour les investisseurs. «Au Québec, cette année, il y a eu beaucoup de pluie, dit Vincent Cloutier. Le maïs et le soja s’en sortiront bien, mais les maraîchers vivent une saison un peu plus difficile.» 

Vincent Cloutier, vice-président associé et conseiller principal de la Division de l’agriculture à la Banque Nationale (Photo: courtoisie)

 

Du porc et du poulet

Sur le marché du porc, on parle de décroissance. Les producteurs tentent de réduire leur production de façon à s’adapter à la demande des abattoirs, qui elle aussi est en baisse.

«L’hiver dernier, il semblait que l’on s’alignait pour diminuer la production de 1 million de porcs, mais actuellement, on vise davantage une baisse d’un demi-million, soit de 7 millions à 6,5 millions », dit Vincent Cloutier. Le secteur a été aidé par un marché international qui a repris de la vigueur alors que le prix des moulées a baissé. «Ç’a mis un baume sur les plaies du secteur», dit le vice-président. 

Quant aux productions sous gestion de l’offre, comme le lait et le poulet, on parle d’un marché au beau fixe. «La gestion de l’offre fait son travail et procure une certaine stabilité au secteur, dit Vincent Cloutier. Le prix du lait a diminué de 4% à la ferme, mais dans l’ensemble, le secteur est plus stable que celui du porc ou du grain.»

 

Des défis à prendre par les cornes

Intense en capital, le secteur de l’agriculture requiert de 7$ à 9$ d’actifs (terres, bâtiments, machines) pour générer 1$ de revenu, selon Statistique Canada. La hausse des taux d’intérêt est donc le sujet de l’heure pour les producteurs, qui jouent de prudence: les investissements ont ralenti dans le secteur en 2023, qui n’est pas une année florissante sur ce plan.

Sur une note plus positive, les perspectives du secteur au pays restent bonnes à plus long terme. La population mondiale croît et le Canada est un exportateur net de produits agroalimentaires. Si la compétition est féroce — les États-Unis et le Brésil, notamment, veulent aussi profiter de ces occasions —, le pays demeure bien positionné sur les marchés internationaux. 

L’industrie serricole, en particulier, pourrait bien performer, estime Jonathan Jobin, directeur principal de l’investissement en agroalimentaire à Investissement Québec. «L’incertitude climatique favorise la culture en serre, et Québec veut soutenir cette industrie. Pour notre part, c’est un secteur que l’on suit de près et que l’on continuera d’encourager.»

 

Comment investir?

Pour les investisseurs intéressés par le secteur, les experts sont d’accord sur une chose: celui-ci continue d’être intéressant à long terme. Résilient de nature, puisqu’il faut bien se nourrir même si l’économie fluctue, l’agroalimentaire devrait continuer de bien performer sur un long horizon.

«Je suis convaincu que c’est un secteur porteur qui présente des caractéristiques intéressantes pour l’investissement à long terme», dit Jonathan Jobin. En transformation alimentaire, en particulier, des améliorations importantes de productivité restent possibles, une source solide de création de valeur. 

Vincent Cloutier, par exemple, suggère de cibler les entreprises qui ont déjà fait un bon travail sur le plan de l’automatisation de leurs opérations. «Elles sont ainsi mieux équipées pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre», dit-il. 

Quant aux changements climatiques, l’agronome rappelle que certaines régions seront plus affectées que d’autres. Par conséquent, les entreprises qui y sont actives pourraient voir leurs affaires disproportionnellement touchées. Il pointe notamment le sud-ouest des États-Unis, qui est aux prises avec des problèmes d’approvisionnement en eau depuis des années déjà. Avec les épisodes de sécheresse qui se multiplient, les entreprises agricoles de la région pourraient donc être désavantagées par rapport à leurs concurrentes d’ailleurs au pays, ou dans le monde.

«Les événements climatiques extrêmes risquent de se multiplier au cours des années qui viennent, et c’est un risque évident pour l’agriculture d’ici et d’ailleurs, dit Vincent Cloutier. C’est donc un facteur à considérer dans le choix d’entreprise.» 

Jonathan Jobin estime qu’il est aussi important de réfléchir à la capacité d’endettement et de paiement des intérêts des sociétés. La clé, selon lui, est de mesurer la solidité du bilan et la génération de flux monétaires. 

 

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