Le chef Erin O’Toole est éjecté par un vote de confiance
La Presse Canadienne|Publié le 02 février 2022Environ un tiers des 118 membres de son caucus avaient signé une lettre réclamant la tenue d’un vote de confiance. (Photo: La Presse Canadienne)
Le Parti conservateur du Canada devra se trouver un nouveau chef : près de 62% des députés conservateurs ont voté mercredi pour retirer leur confiance à Erin O’Toole.
Chef des conservateurs depuis 18 mois, M. O’Toole a échoué mercredi à obtenir les appuis nécessaires lors d’un scrutin secret au caucus, tenu en mode virtuel. Environ le tiers du caucus avait signé une lettre réclamant la tenue de ce vote de confiance des députés, prévu par la Loi sur le Parlement du Canada.
Selon le président du caucus, Scott Reid, 73 députés ont voté pour le remplacement de M. O’Toole comme chef, tandis que 45 députés étaient en faveur de son maintien. Le président du caucus n’a pas voté, ce qui fait que 118 députés pouvaient se prononcer mercredi sur le sort de leur chef.
Trois sources au sein du caucus, qui ont parlé sous couvert d’anonymat, ont indiqué que M. O’Toole avait déclaré à ses collègues que si les députés votaient pour qu’il reste, il était prêt à se soumettre à un vote de confiance des militants avant le congrès national de 2023. C’est précisément ce que réclamaient plusieurs de ses détracteurs depuis des mois.
Après le vote, les députés ont remercié M. O’Toole pour ses services et ils ont dit qu’ils étaient prêts à passer à autre chose. «Le caucus a parlé, a écrit le député de Regina Michael Kram sur Twitter. Un chef ne peut pas diriger s’il n’a pas la confiance de ses collègues du caucus.»
Le député québécois Pierre Paul-Hus a déclaré après la rencontre: «Je pense que nous sommes plus unis que jamais».
Les députés conservateurs devront donc maintenant désigner un chef intérimaire, lors d’un vote qui devait se tenir plus tard mercredi. Ensuite, le parti se lancera dans une course à la direction pour la troisième fois depuis que l’ancien premier ministre Stephen Harper a perdu le pouvoir au profit des libéraux en 2015.
Le député néo-brunswickois John Williamson a aussitôt indiqué mercredi qu’il était candidat comme chef intérimaire. «Je vais respecter mes collègues et écouter notre mouvement. Je sais comment unir les conservateurs autour des choses qui nous importent le plus», a-t-il écrit dans les médias sociaux quelques instants après le vote.
Une réforme de la Loi du Parlement du Canada, en vigueur depuis 2015, permet aux députés d’un parti de déclencher un «examen de la direction», au lieu d’attendre que la question soit posée aux militants. Il suffit qu’un avis écrit, signé par au moins 20% des députés d’un groupe parlementaire, demande cet examen au président du caucus. Le caucus conservateur est le seul à avoir voté l’année dernière pour accepter que cette règle soit contraignante.
En prévision de la tenue du vote, la garde rapprochée de M. O’Toole avait multiplié les appels auprès des députés afin de renforcer les appuis du chef. M. O’Toole a publié mardi soir un message sur les réseaux sociaux dans lequel il dépeignait les dissidents comme des gens qui croient que le parti devrait avoir des opinions plus radicales comme celles du député ontarien Randy Hillier ou de l’ex-député Derek Sloan.
De son côté, le député saskatchewanais Jeremy Patzer a partagé avec le caucus une déclaration réclamant un nouveau chef, qui avait reçu l’appui de 21 anciens élus conservateurs, dont l’ancien ministre de l’Agriculture Gerry Ritz.
«Erin O’Toole n’a pas seulement échoué à unir le parti: ses paroles et ses actions ces derniers jours ont créé une plus grande désunion, lit-on dans le communiqué obtenu par La Presse Canadienne. Il est temps pour lui de se retirer, pour le bien du Parti conservateur et de la nation.»
Chef depuis 18 mois
Erin O’Toole, âgé de 48 ans, avait pris la direction du parti en août 2020. Cet avocat de société et ancien combattant de l’armée de l’air, né à Montréal en 1973, a été élu pour la première fois aux Communes en 2012, lors d’une élection partielle dans la circonscription ontarienne de Durham, où son père avait déjà été député provincial.
M. O’Toole a été ministre des Anciens Combattants dans le gouvernement de Stephen Harper jusqu’à la défaite des conservateurs aux mains des libéraux en 2015. Il avait brigué une première fois la chefferie en 2017, mais avait terminé troisième, derrière Andrew Scheer et Maxime Bernier.
Ses détracteurs lui reprochaient surtout le fait que lors de la course à la chefferie de 2020, il s’était positionné comme le «vrai bleu» devant son adversaire Peter MacKay. Cet ancien député de la Nouvelle-Écosse avait été chef du Parti progressiste-conservateur avant qu’il ne fusionne avec l’Alliance canadienne pour former l’actuel Parti conservateur du Canada.
Une fois élu, M. O’Toole a cependant voulu imposer des changements qu’il jugeait nécessaires afin de faire des gains dans des régions «riches en votes», comme le Grand Toronto. Dans sa volonté de moderniser le parti et de s’éloigner de l’image de M. Scheer, le nouveau chef a mis de l’avant son appui au droit à l’avortement et aux droits des personnes LGBTQ+.
Il a également appuyé la tarification du carbone, alors que plusieurs députés de son parti s’étaient battus pendant des années contre la «taxe carbone» des libéraux. D’autres électeurs ont aussi été échaudés par des positions d’Erin O’Toole, comme les propriétaires d’armes à feu et les «conservateurs sociaux», qui ont vu leur chef changer de cap sur diverses promesses au beau milieu de la campagne électorale de 2021.
D’autres ont souligné qu’au bout du compte, le parti avait obtenu deux sièges de moins qu’avec Andrew Scheer et que les gains essentiels dans les grandes villes et les banlieues ne s’étaient pas matérialisés malgré le «recentrage» effectué par M. O’Toole.
Depuis la défaite électorale de septembre 2021, M. O’Toole peinait à rallier son caucus autour d’enjeux importants comme la vaccination obligatoire, à laquelle s’opposent fermement plusieurs députés conservateurs.