Le comportement de Cineplex dénoncé par les cinémas indépendants
La Presse Canadienne|Publié le 21 février 2020Ces salles lui reprochent d'être anticoncurrentiel en cherchant à conserver une exclusivité de facto sur des films.
Des salles de cinéma indépendantes, dont le Cinéma du Parc de Montréal, accusent le géant Cineplex de les empêcher de projeter des films comme « Parasite » ou « Hustlers ».
Dans une pétition signée par plus de 10 000 personnes, ces salles reprochent à Cineplex d’avoir un comportement anticoncurrentiel en cherchant à conserver une exclusivité de facto sur ces films.
La pétition lancée par le Rio Theatre de Vancouver appelle les cinéphiles à appuyer les salles indépendantes. Selon elles, si un distributeur consent à présenter un film chez un indépendant situé près d’un Cineplex, le géant torontois menace de retirer ce film de ses écrans.
« C’est quelque chose que les salles indépendantes vivent depuis des années, raconte la propriétaire du Rio, Corinne Lea. Nous sommes de petits joueurs, nous n’avons pas beaucoup de poids dans cette équation. »
La pétition a été lancée dans la foulée de l’achat de Cineplex par une entreprise britannique, Cineworld PLC, au prix de 2,8 milliards $. Un tribunal a donné mardi le feu vert à la transaction.
Cette vente représente une bonne occasion pour les indépendants de réclamer des changements dans la distribution des films. Les indépendants se plaignent de devoir attendre de trois à six mois avant de projeter certains longs métrages parce que Cineplex en conserve les droits.
Par exemple, le Rio a dû patienter jusqu’au 27 décembre avant de pouvoir projeter le drame policier « Hustlers ». Le film est sorti le 13 septembre. Les indépendants ont attendu plusieurs mois avant de présenter des films comme « The Farewell », « Bohemian Rhapsody » et « Joker ».
Le Bureau de la concurrence interpellé
Une porte-parole de Cineplex, Sarah Van Lange, a déclaré dans un courriel transmis à La Presse canadienne que c’est aux distributeurs de décider où leurs films seront présentés.
« Cineplex ne détient pas les droits sur les films qui apparaissent sur ses écrans. Nous les obtenons des distributeurs canadiens pour les faire jouer dans nos salles. »
La Presse canadienne a tenté en vain de contacter une poignée de distributeurs importants pour vérifier les affirmations contenues dans la pétition.
Mme Lea veut porter plainte auprès du Bureau de la concurrence du Canada. Celui-ci n’a pas confirmé s’il menait une enquête à ce sujet, mais a dit être au courant de la pétition et prendre au sérieux toutes les allégations de comportement anticoncurrentiel. Le cas échéant, il n’hésitera pas à prendre les mesures appropriées, a-t-il ajouté.
La pétition est appuyée par le Paradise Theatre de Toronto, le Cinéma du Parc de Montréal et le Westdale Theatre de Hamilton.
Le Paradise n’a ouvert ses portes qu’en décembre, mais sa directrice de la programmation, Jessica Smith, dit avoir constaté la difficulté d’obtenir un film que Cineplex veut toujours projeter.
« La fenêtre du passage d’une première diffusion dans une grande salle à une deuxième diffusion s’est agrandie, souligne-t-elle. Lorsque le film nous est enfin rendu disponible, il est disponible depuis longtemps sur Blu-Ray. »
Mme Smith a tenté de projeter « Parasite », le récent vainqueur des Oscars, mais le distributeur a constamment refusé parce que Cineplex continuait de le présenter.
« Les distributeurs sont redevables à Cineplex pour la vitalité de leur entreprise. Il est logique qu’ils doivent faire tout ce que Cineplex veut qu’ils fassent, déplore-t-elle. Mais nous ne sommes vraiment pas une menace pour les multisalles. J’espère que ces règles non écrites seront desserrées afin que nous en sortions tous vainqueurs. »