Dans sa lettre aux actionnaires, le conseil va encore plus loin dans ses allégations contre M. Chamandy. Il affirme que l’ancien dirigeant était «désengagé» de l’entreprise. (Photo: La Presse Canadienne)
Le conseil d’administration de Gildan contre−attaque en accusant l’ancien grand patron de l’entreprise, Glenn Chamandy, d’être un gestionnaire «inefficace», dans le cadre d’une lutte d’actionnaires pour déterminer qui devrait diriger la société montréalaise.
«Le conseil a graduellement perdu confiance en M. Chamandy, peut−on lire dans la lettre aux actionnaires dont le contenu a été dévoilé lundi. Il était devenu clair qu’il n’avait pas de stratégie crédible à long terme ni de vision pour l’avenir.»
Le conseil d’administration avait remercié M. Chamandy à la fin de l’année dernière pour le remplacer par Vince Tyra.
La décision avait créé une vague de mécontentement parmi d’importants actionnaires, dont la firme américaine Browning West et le gestionnaire d’actif montréalais Jarislowsky Fraser, qui réclament le remplacement de cinq administrateurs.
Avant lundi, le conseil d’administration avait expliqué sa décision par un désaccord au sujet du plan de succession de l’entreprise. Il avait aussi estimé que l’ancien dirigeant de Gildan n’était pas le meilleur candidat pour mener à bien le plan stratégique.
Dans sa lettre aux actionnaires, le conseil va encore plus loin dans ses allégations contre M. Chamandy. Il affirme que l’ancien dirigeant était «désengagé» envers l’entreprise.
«Son style de gestion n’était pas structuré, il tenait peu de réunions avec les membres de la haute direction et se présentait rarement au bureau, en moyenne quelques jours par mois seulement, même longtemps après la fin du confinement en raison de la COVID, peut−on lire dans la missive. M. Chamandy n’a jamais visité la nouvelle usine de fabrication de Gildan au Bangladesh, l’un de nos investissements les plus importants.»
Selon le conseil, M. Chamandy n’était tout simplement pas l’homme de la situation. «En l’absence d’une stratégie à long terme cohérente, M. Chamandy est passé d’une stratégie opportuniste à une autre. Il a fait des incursions dans des produits de marque, la distribution au détail, l’expansion internationale et la production de fils, lesquelles ont connu un succès mitigé, ce qui a donné lieu à un taux de croissance annuel des revenus sur huit ans de moins de 1% et, au cours de cette période, à des radiations et à des restructurations de plus de 450 M$.»
Les administrateurs accusent également l’homme d’affaires d’avoir adopté des «comportements douteux». «M. Chamandy a enregistré un appel téléphonique privé et confidentiel qu’il a eu le 24 novembre 2023 avec le président du conseil à l’insu de ce dernier. À son départ, il a également violé les politiques de la Société sur la protection des renseignements de la Société.»
La lettre affirme que le conseil et le fondateur s’étaient entendus dès décembre 2021 afin d’établir un plan de succession. M. Chamandy aurait toutefois exprimé l’automne dernier son désir de rester.
M. Chamandy aurait «présenté au conseil un plan visant à réaliser des acquisitions risquées et hautement dilutives de plusieurs milliards de dollars, soutenant qu’il allait alors devoir demeurer chef de la direction pendant plusieurs années pour en superviser l’intégration», écrit le conseil.
«Le conseil avait des doutes à l’égard de ces acquisitions à haut risque, particulièrement en raison de l’incapacité de M. Chamandy de répondre aux questions les plus élémentaires à l’égard de sa proposition stratégique», poursuit l’entreprise.
Les administrateurs persistent à dire que M. Chamandy leur a présenté un ultimatum. «Au lieu de fournir des détails sur son plan, M. Chamandy a lancé au conseil un ultimatum clair et simple: le conseil devait appuyer sa stratégie d’acquisition et le plan de relève qui en découlait, ou il quitterait l’entreprise et vendrait ses actions, sur le champ.»
Par courriel, M. Chamandy a renvoyé vers ses deux déclarations de décembre où il nie qu’il ait donné un ultimatum au conseil d’administration au sujet de son plan de succession ou d’une acquisition potentielle.
«C’est une distraction pour détourner l’attention des actionnaires de la façon dont le conseil a géré le plan de succession, dans lequel je n’étais pas impliqué», réagissait−il dans un communiqué publié le 18 décembre.
L’homme d’affaires affirmait après son départ qu’il avait été licencié sans motif après quatre décennies au sein de l’entreprise.
L’action de Gildan perdait 45 cents, ou 1,06%, à 42,08 $ à la Bourse de Toronto vers midi.
Stéphane Rolland, La Presse Canadienne