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Le coronavirus incite des cellules immunitaires à se suicider

La Presse Canadienne|Publié le 01 février 2022

Le coronavirus incite des cellules immunitaires à se suicider

Une forme plus grave de la COVID-19 entraîne la mort d’un nombre encore plus élevé de lymphocytes T, ce qui ouvre la porte à une aggravation de la maladie. (Photo: La Presse Canadienne)

Le coronavirus incite certaines cellules immunitaires qui devraient normalement le combattre à plutôt se suicider, ont constaté des chercheurs de l’Université Laval, ce qui permet à la maladie d’ensuite prendre encore plus d’ampleur.

S’enclenche alors une sorte de cercle vicieux: une forme plus grave de la COVID-19 entraîne la mort d’un nombre encore plus élevé de lymphocytes T, ce qui ouvre la porte à une aggravation de la maladie.

«Le statut des patients est associé avec une mort cellulaire plus ou moins importante et plus elle est importante, plus, semble-t-il, qu’elle est associée à la gravité de la maladie», a résumé le professeur Jérôme Estaquier, de la faculté de médecine de l’Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.

Les deux tiers des patients hospitalisés en raison de la COVID-19 présenteraient des taux anormalement bas de lymphocytes, qui jouent pourtant un rôle central dans la réponse immunitaire contre les infections.

En étudiant 41 personnes admises à l’hôpital en raison de la COVID-19, dont 11 qui avaient dû être transférées aux soins intensifs, le professeur Estaquier et ses collègues ont constaté que ces patients présentaient un déficit immunitaire quand ils se sont présentés à l’hôpital, et que l’ampleur de ce déficit était liée à la sévérité de la maladie.

L’infection au SARS-CoV-2 entraîne une augmentation des niveaux sanguins d’une protéine appelée FasL. Quand celle-ci se lie à un récepteur à la surface des lymphocytes T, elle enclenche une forme de suicide cellulaire nommée apoptose. Plus les niveaux de FasL sont élevés, plus la mortalité des lymphocytes augmente.

Fort de 30 ans de travaux contre le sida, le professeur Estaquier a rapidement constaté des points communs entre les deux problèmes de santé.

«Il y avait une certaine similitude entre ce déficit précoce que l’on observait chez les patients de la COVID et ce qu’on avait comme connaissances dans le contexte du sida», a-t-il expliqué.

Un processus similaire de mort cellulaire programmée des lymphocytes est ainsi vu chez les patients atteints du sida. Dans les deux cas, les personnes infectées peinent à générer une réponse immunitaire robuste face au virus. Si trop de lymphocytes tombent au combat, la maladie risque de prendre le dessus.

Et même si le sida et la COVID-19 peuvent de prime abord sembler des cousins bien éloignés, plusieurs maladies infectieuses ont ceci en commun qu’elles poussent tout d’abord au suicide les cellules immunitaires qui ont comme mission de les détruire, fait remarquer le professeur Estaquier.

Les travaux de l’équipe du chercheur contre le sida nous donnent toutefois quelques longueurs d’avance face au coronavirus. Des expériences menées en laboratoire ont ainsi démontré qu’il pourrait être possible de réduire considérablement l’apoptose des lymphocytes.

«On pense qu’effectivement il pourrait y avoir des applications qui pourraient être importantes, même pour les personnes qui sont hospitalisées avec une forme grave de la maladie», a-t-il dit. 

Il pourrait aussi éventuellement y avoir des implications pour des pathologies associées comme la forme longue de la COVID dont les causes demeurent nébuleuses, mais pour lesquelles «on pourrait maintenant se demander si ce n’est pas un problème de déficit immunitaire précoce que ces gens ont eu», a ajouté le professeur Estaquier.

Les détails de cette découverte sont publiés par la revue scientifique Cell Death & Differentiation. Tous les patients inclus dans l’étude ont été hospitalisés d’avril à juillet 2020.