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Le débat sur le masque se poursuivra longtemps après la pandémie

La Presse Canadienne|Publié le 24 mars 2022

Le débat sur le masque se poursuivra longtemps après la pandémie

S’opposer fortement aux masques est un trait de personnalité observé dans des endroits très individualistes comme le Canada, les États-Unis, l’Europe et l’Australie. (Photo: La Presse Canadienne)

Vancouver — D’abord, nous n’avions pas assez de masques pour nous protéger contre la COVID-19, puis nous avons tous dû en porter. Il y a eu des bagarres, des accusations criminelles et des manifestations à leur sujet. Et maintenant, l’obligation de le porter est levée à plusieurs endroits au pays.

La biologiste évolutionniste et professeure Sarah Otto a déclaré que jamais, depuis l’arrivée du maillot de bain deux-pièces il y a plus de 75 ans, un débat aussi polarisé n’avait fait rage.

«La dernière fois que le port d’un petit morceau de tissu a suscité autant de controverse a été lorsque les bikinis ont été introduits», a indiqué Mme Otto, experte en modèles mathématiques de croissance et d’évolution pandémiques au département de zoologie de l’Université de la Colombie-Britannique.

La division sur le masque est un héritage qui sera longtemps débattu après la fin de la pandémie, a-t-elle prédit.

Elle a ajouté qu’avec les vaccins et la distanciation sociale, les masques restent l’un des moyens de protection les plus importants pour aider à ralentir la propagation du virus.

Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis ont rassemblé des données publiées en décembre dernier, indiquant que si le nombre de personnes portant des masques augmentait de 15%, cela pourrait éviter de devoir confiner et réduire les pertes financières.

Le professeur Steven Taylor du département de psychiatrie de l’Université de la Colombie-Britannique a déclaré qu’il était important de comprendre que les masques sont un outil clé dans la lutte contre le virus.

«Par exemple, si nous devions compter uniquement sur des fermetures, cela aurait des impacts négatifs sur l’économie et des impacts négatifs sur la santé mentale des gens parce que les gens seraient isolés ou entassés et ainsi de suite», a-t-il dit.

Le message autour des masques au Canada a oscillé. On a d’abord recommandé de ne pas le porter, puis d’utiliser un couvre-visage en tissu. Ensuite, la variété chirurgicale a été recommandée, suivie des N95, et maintenant presque toutes les règles de port du masque ont été levées à travers le pays.

Mme Otto a souligné que les masques en tissu à une seule couche ont de grandes lacunes qui laissent entrer la plupart des particules et que les masques chirurgicaux offrent une meilleure protection, tandis que les N95 sont les meilleurs.

Elle a comparé les masques à des chaussures portées sur un chantier de construction à haut risque ou lors d’une promenade sur la plage.

«Les N95 sont les bottes à embout d’acier du monde des masques. Mais quand le beau temps se présente, si le virus diminue et que les risques sont beaucoup plus faibles, alors sortez les sandales ― les masques chirurgicaux.»

Les experts ont convenu que le message autour du port du masque aurait pu être mieux communiqué.

Roger McIntyre, professeur de psychiatrie et de pharmacologie à l’Université de Toronto, a déclaré que les masques ont été un «problème très controversé» pendant la pandémie.

Ils ont été politisés et il y a eu une érosion de la confiance dans les responsables de la santé publique depuis le début de la pandémie, a-t-il déclaré.

Au fur et à mesure que de plus en plus d’informations sur le virus devenaient connues, il était important que les scientifiques et les responsables de la santé publique recalibrent leur message pour suivre «l’histoire en évolution rapide», a affirmé M. McIntyre.

«Je crois vraiment que nous avons eu une pandémie de méfiance parmi de nombreuses organisations, agences et structures de notre société», a-t-il avancé. «Et c’est pourquoi vous voyez des gens marcher dans les rues avec un masque sur la tête ou au menton.»

M. Taylor est l’auteur principal d’une étude datant de février 2021 sur l’efficacité des masques et les attitudes négatives à leur égard. L’étude a révélé que 84% des gens portaient des masques à cause de la COVID-19, tandis que les 16% restants qui refusaient d’en porter représentaient «une minorité petite, mais très bruyante».

Il a ajouté que bien que l’étude n’ait pas examiné les raisons pour lesquelles les gens ne veulent pas porter de masques, les sondages d’opinion indiquent qu’ils les trouvent inefficaces et inconfortables.

L’étude a noté que des arguments similaires avaient été avancés il y a plus d’un siècle lors de la grippe espagnole, qui avait vu la formation de la «ligue antimasque».

S’opposer fortement aux masques est un trait de personnalité observé dans des endroits très individualistes comme le Canada, les États-Unis, l’Europe et l’Australie, a-t-il déclaré. C’est comme un enfant de trois ans qui défie l’autorité et refuse de nettoyer sa chambre, a-t-il comparé en riant.

«C’est très mignon chez un enfant de trois ans. Ce n’est pas si mignon chez un homme de 30 ans quand vous dites: “S’il vous plaît, portez un masque” et qu’il vous regarde en disant: “vous n’êtes pas mon patron.”»

Caroline Colijn, professeure de mathématiques à l’Université Simon Fraser à Burnaby, en Colombie-Britannique, a déclaré qu’il existe suffisamment de preuves pour montrer que les personnes qui portent des masques sont moins susceptibles d’être infectées.

Mais ce que les scientifiques ne savent pas, c’est exactement combien d’infections ont été évitées grâce aux masques, a-t-elle ajouté. C’est en partie parce que les gens ne portent pas de masque dans leurs interactions quotidiennes et qu’il est difficile d’estimer quel aurait été le nombre d’infections sans eux, a-t-elle déclaré.

«Nous n’en savons pas vraiment assez pour dire au Canada combien d’infections le port de masque et l’obligation du port du masque ont évitées», a dit Mme Colijn.

M. Taylor a déclaré qu’à ce stade de la pandémie, il aimerait que le port du masque se poursuive dans les endroits surpeuplés, comme les transports en commun ou lorsque quelqu’un a un rhume.

«C’est comme s’il pleut, je vais prendre un parapluie et sortir», a-t-il illustré. «Je ne vais pas joindre un groupe antiparapluie, ce qui serait insensé. Alors oui, cela a du bon sens pratique d’utiliser un masque en cas de besoin sans que le gouvernement me dise de le porter.»