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Le DPP ne reverra pas sa décision concernant SNC-Lavalin

La Presse Canadienne|Publié le 08 mars 2019

La firme d’ingénierie réclamait un « contrôle judiciaire », soit l’équivalent d’une révision par le tribunal.

SNC-Lavalin (SNC) a échoué dans sa tentative de forcer la Couronne fédérale à revoir sa décision de ne pas négocier un accord de réparation.

La Cour fédérale a rendu vendredi une décision dans laquelle elle estime que la demande de SNC-Lavalin ne relève pas de sa compétence.

Invité à commenter ce dernier développement, Justin Trudeau, de passage au Nunavut, a réitéré que ce n’est pas au premier ministre de se mêler de cette affaire.

Pendant ce temps, la firme d’ingénierie exprimait sa déception.

« Nous avions demandé une révision judiciaire dans l’espoir que cette révision nous permettrait de connaître les raisons de la décision prise par le directeur du Service des poursuites pénales du Canada de ne pas inviter SNC-Lavalin à négocier un accord de réparation », écrit Nicolas Ryan dans un courriel.

Le porte-parole de la compagnie souligne qu’il en va de l’intérêt du public, des employés, des clients, des investisseurs et des retraités.

« SNC-Lavalin entend se défendre vigoureusement en cour contre les accusations, si un accord de réparation n’est pas possible », conclut-il.

La firme d’ingénierie réclamait un « contrôle judiciaire », soit l’équivalent d’une révision par le tribunal de la décision de la Directrice des poursuites pénales (DPP) de refuser d’entamer des négociations en vue de conclure un accord de réparation.

La Directrice des poursuites pénales a répliqué avec une requête en radiation de cette demande.

Dans sa décision, la juge Catherine Kane reconnaît qu’il faut des motifs très sérieux pour accorder pareille requête, mais elle estime que ce seuil « élevé » a été atteint. Elle juge que la demande de contrôle judiciaire de SNC-Lavalin n’avait aucune chance raisonnable de succès et « qu’elle n’était pas réaliste », en vertu de l’état du droit et de la jurisprudence.

La juge Kane précise que la décision d’entamer des négociations en vue d’un accord de réparation « relève clairement du pouvoir discrétionnaire de la poursuite », et rappelle que les tribunaux « n’ont aucun rôle de supervision » à l’égard des décisions prises par les procureurs dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire.

Mais surtout, la Cour fédérale conclut qu’elle n’aurait pas la compétence d’examiner la décision de la DPP parce que, « dans le présent contexte, celle-ci exerce ses pouvoirs, en tant que déléguée du procureur général, en vertu de la common law, et non en application d’une loi fédérale ».

Dans sa décision du 9 octobre dernier, la Directrice des poursuites pénales jugeait « qu’une invitation à négocier un accord de réparation n’est pas appropriée (…) et, par conséquent, l’avocat de la Couronne continuera la poursuite de cette affaire ».

Le refus de la DPP de négocier un accord de réparation et les pressions subséquentes dont s’est dite victime l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale Jody Wilson-Raybould ont provoqué une crise au gouvernement Trudeau.

En début de semaine, une autre ministre, Jane Philpott, claquait elle aussi la porte.

Réactions politiques

Le jugement de la Cour fédérale a rattrapé le premier ministre Trudeau à Iqaluit.

« Nous savons qu’en tant que gouvernement nous allons toujours défendre les bons emplois. (…) Mais par rapport à la décision sur une entente de (réparation), ça c’est une décision qui devra être prise (…) par le procureur général, pas le premier ministre », a-t-il répondu à la journaliste qui lui demandait si celui qui a remplacé Mme Wilson-Raybould, David Lametti, allait intervenir.

D’après le Bloc québécois, une intervention est urgente et nécessaire.

« Quand je questionnais le ministre (…) Lametti en Chambre, (…) il nous disait qu’il ne peut rien dire, il ne peut rien faire, il y a une poursuite devant la cour fédérale. Là, le jugement a été rendu. Il ne peut plus se cacher derrière cette poursuite », a tonné Gabriel Ste-Marie en entrevue téléphonique.

« Les 3400 emplois au Québec, le siège social au Québec, les 9000 emplois au Canada, c’est trop important. Le gouvernement a un devoir d’agir dès maintenant », a réclamé le député bloquiste qui veut que SNC-Lavalin puisse obtenir un accord de réparation.

Le chef conservateur Andrew Scheer a une tout autre lecture de la situation. « Il n’y a aucune preuve que les emplois sont menacés », a-t-il lancé au cours d’un point de presse à Rosser au Manitoba. « Il n’y a jamais une justification pour s’ingérer dans une poursuite criminelle », a-t-il tranché.

L’avenir des deux ministres démissionnaires

M. Trudeau a confié ne pas avoir parlé à Mme Philpott ni à Mme Wilson-Raybould ces derniers jours. Il rappelle que toutes deux continuent de siéger comme députées libérales. Quant à la perspective qu’elles soient candidates aux élections d’octobre, le premier ministre dit qu’il y aura « des conversations et des réflexions à avoir avec elles ».