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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

Le grand paradoxe de la Bourse

Philippe Leblanc|Publié le 05 novembre 2021

Le grand paradoxe de la Bourse

Le titre de Couche-Tard a touché un creux de 36,03$ au début de 2021 et un haut de plus de 52,00$ en août dernier. (Photo: Charles Desgroseilliers)

EXPERT INVITÉ. Un des gros problèmes du marché boursier est qu’on peut consulter la valeur de son portefeuille chaque jour. Or, les variations à court terme des titres boursiers sont souvent substantielles.

Par exemple, nous détenons des actions de Couche-Tard (ATD.B, 49,94$) dans nos portefeuilles sous gestion depuis de nombreuses années. La plupart conviendront que la société représente un placement plutôt conservateur et relativement peu risqué. Après tout, avec une capitalisation boursière de quelque 50 milliards de dollars canadiens (G$CA), il s’agit incontestablement d’un titre vedette (blue chip) de la Bourse canadienne. Voici comment son titre a évolué en Bourse au cours des 12 derniers mois:

 

(Source: Factset)

Durant la période, le titre a touché un creux de 36,03$ au début de 2021 (lors de la tentative d’acquisition de la société française Carrefour) et un haut de plus de 52,00$ en août dernier. Il y a donc un écart de plus de 16$, ou 44%, entre ces deux extrêmes. Notez que ces fluctuations ont eu lieu bien après les fortes secousses causées par la pandémie de COVID-19.

Un autre exemple: au cours des 12 derniers mois, le titre de la Banque Royale (RY, 132,59$), un autre grand «blue chip» canadien, a fluctué entre un creux de 93,86$ et un sommet récent de 134,23$, un écart de près de 40%.

Celui qui achète une maison ne connaîtra probablement pas la valeur de son investissement avant de prendre la décision de la vendre, peut-être dans de nombreuses années. Croyez-vous vraiment que la valeur au marché de votre maison ne fluctue pas, à la hausse comme à la baisse, chaque jour? Si cette valeur était cotée en Bourse, je soupçonne que de nombreux propriétaires prendraient régulièrement panique et seraient tentés de vendre leur maison au pire moment.

C’est la même chose pour les investissements dans des sociétés privées. Si elles étaient cotées en Bourse, les actions qu’un entrepreneur possède dans sa petite entreprise familiale ou dans sa ferme fluctueraient sans doute beaucoup, parfois bien plus que celles de grandes sociétés cotées en Bourse telles que Couche-Tard.

C’est tout aussi vrai pour les investissements privés que font les caisses de retraite, que ce soit dans l’immobilier, les infrastructures ou les terres forestières. Ce n’est pas parce que ces placements ne sont évalués par des tiers sur une base annuelle que leur valeur ne fluctue pas grandement au cours d’une année.

Investir dans des actifs dont la valeur n’est pas immédiatement disponible ne signifie pas que vous preniez moins de risques. Souvent, c’est exactement le contraire. L’investissement dans une petite entreprise ou des participations minoritaires dans de petites sociétés privées sont sans doute bien plus risqués qu’un portefeuille bien diversifié de sociétés cotées en Bourse. La différence est qu’on ne voit pas la fluctuation de leurs cours.

C’est à mon avis le grand paradoxe de la Bourse: parce que les cours boursiers sont visibles à tout instant du jour ou presque, on a l’impression que la Bourse est très risquée. La grande liquidité des placements boursiers est à la fois son principal avantage et son plus grand défaut!

 

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100