Malgré des cours de clôture relativement stables au cours de la semaine pour le blé ou le maïs, le marché restait très volatil en séance. (Photo: 123RF)
Les cours des céréales et des huiles végétales se maintenaient à des niveaux élevés ces derniers jours, dans un marché tiraillé entre la crainte d’une récession économique mondiale, qui limite l’envolée des prix, et celle d’une escalade militaire en Ukraine menaçant les exportations.
Malgré des cours de clôture relativement stables au cours de la semaine pour le blé ou le maïs, le marché restait très volatil en séance, faisant des «allers-retours» au gré des annonces géopolitiques «anxiogènes» et des signes d’une demande en baisse, explique Damien Vercambre du cabinet Inter-Courage.
L’annonce d’une mobilisation «partielle» pour la guerre en Ukraine annoncée la semaine dernière par Vladimir Poutine, les menaces répétées d’utiliser l’arme nucléaire et l’attente des résultats des référendums dans les régions occupées ravivent les craintes des opérateurs, suspendus aux annonces de la Russie.
Comme depuis le début du conflit, leurs yeux sont rivés sur le nœud stratégique de la mer Noire, dont dépend la circulation des céréales ukrainiennes depuis l’ouverture du corridor maritime en juillet.
Depuis lors, le ministère de l’Agriculture ukrainien estime à 4,7 millions de tonnes la quantité de grains qui ont emprunté cette route.
En fonction de ses capacités logistiques et de l’évolution de la guerre, les exportations devraient osciller entre 22,6 et 38,8 millions de tonnes d’ici juin prochain, sur une production totale de blé, de maïs et d’orge entre 54,1 et 55,7 millions de tonnes, selon le cabinet APK.
Toutefois, l’Ukraine devra aussi arriver à «se procurer de l’engrais pour sa production et pour 2023, car les agriculteurs sont en train de semer pour l’hiver», souligne Arlan Suderman de la plateforme de courtage StoneX.
Autre source d’inquiétude qui maintient haut les prix: les travailleurs agricoles russes ne devraient pas échapper à la mobilisation partielle, au moment où ils sont censés commencer à planter le blé, explique Gautier le Molgat du cabinet Agritel.
Dans ce contexte, le climat ou la qualité des récoltes, qui sont pourtant des fondamentaux, ont une influence presque minime: «les forces extérieures» que sont la géopolitique, le contexte économique et le resserrement monétaire des banques centrales «font partie de ce marché jusqu’à nouvel ordre», commente Jason Roose d’US Commodities.
Spectre d’une récession mondiale
Le prix du blé était en forte hausse mercredi vers 15H GMT à la Bourse de Chicago, dépassant le seuil symbolique des 9 dollars le boisseau, tandis que cette céréale se vendait 352,25 euros la tonne sur Euronext pour l’échéance de décembre.
L’augmentation du prix des céréales et des huiles végétales reste toutefois tempérée par les inquiétudes liées à une potentielle récession économique mondiale.
En début de semaine, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a nettement dégradé sa prévision de croissance mondiale pour l’an prochain, devant l’enlisement du conflit en Ukraine et une hausse des taux d’intérêt des banques centrales pour contenir l’inflation.
Après l’annonce d’une hausse de 0,75 point de pourcentage du taux d’intérêt de la banque centrale américaine (Fed) la semaine dernière, le dollar continuait de se renforcer face à l’euro, qui marquait un nouveau plus bas mercredi.
La faiblesse de cette monnaie renforce la compétitivité des céréales européennes, et pénalise à l’inverse les exportations américaines par rapport à celles d’Amérique du Sud, comme le Brésil, détaille Michael Zuzolo, président de Global Commodity Analytics and Consulting.
Résultat, «les États-Unis vont rester le fournisseur de dernier ressort», assure-t-il.
Les opérateurs, de plus, s’inquiètent de la sécheresse qui frappe plusieurs grandes régions américaines de production de blé d’hiver, principalement le Kansas, l’Oklahoma et le Nebraska, relève Michael Zuzolo.
À cause d’un manque d’eau dans le sud du pays, la moitié des surfaces du Kansas sont estimées en stress hydrique sévère, et le nombre de celles propices à accueillir les semis d’hiver pourrait continuer de dégringoler.
En Europe, les opérateurs n’ont guère plus d’espoir sur la qualité de la récolte de maïs, frappée elle aussi de plein fouet par la sécheresse cet été. FranceAgriMer a encore confirmé cette semaine que les rendements seraient «très décevants», avec seulement 43% de surfaces classées bonnes à excellentes.
En conséquence, les importations de cette céréale, qui s’échangeait mercredi à 339,5 euros la tonne pour livraison en novembre, devraient dépasser les 6,6 millions de tonnes selon la Commission européenne.