M. Champagne est le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, un portefeuille qu’il décrit comme étant au cœur de la reconstruction de l’économie canadienne après la pandémie de COVID-19. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Débloquer la chaîne d’approvisionnement de l’Amérique du Nord et la rendre plus résistante aux chocs extérieurs — en particulier ceux en provenance de Chine — figure en tête de l’agenda de François-Philippe Champagne alors qu’il entame deux journées de rencontres à Washington.
M. Champagne a déclaré à La Presse Canadienne que sa présence dans la capitale américaine à partir de mercredi servira à faire pression sur l’administration Biden quant au potentiel du secteur minier des terres rares du Canada, largement inexploité, ce qui permettrait aux États-Unis — et à leurs voisins continentaux — d’être moins dépendants de la Chine, premier fournisseur mondial de ces minéraux.
«Nous avons le talent, nous avons l’énergie renouvelable, nous avons les minéraux essentiels, nous avons la base de fabrication, nous avons l’emplacement géostratégique pour le faire. Nous pouvons être des meneurs dans le monde», a déclaré M. Champagne en entrevue.
«Par conséquent, c’est vraiment ce que je vais proposer à nos collègues américains et plus tard dans la semaine (à) nos collègues mexicains.»
M. Champagne est le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, un portefeuille qu’il décrit comme étant au cœur de la reconstruction de l’économie canadienne après la pandémie de COVID-19. Et il tire parti de ses anciens postes ministériels dans le gouvernement Trudeau aux affaires étrangères et au commerce international avec ce voyage dans la capitale américaine et au Mexique plus tard dans la semaine.
M. Champagne reprendra le flambeau des pourparlers que le premier ministre Justin Trudeau, le président américain Joe Biden et d’autres ont tenus lors du sommet du G20 la semaine dernière à Rome sur l’atténuation du resserrement de la chaîne d’approvisionnement qui a obstrué les ports américains.
Les goulots d’étranglement induits par la pandémie ont créé des pénuries de semi-conducteurs et de minéraux de terres rares nécessaires pour tout alimenter, des ordinateurs et téléphones portables aux véhicules électriques — des obstacles à la fois à la reprise économique et à la lutte contre les changements climatiques.
M. Champagne a déclaré qu’une concentration «régionale» de la chaîne d’approvisionnement est nécessaire pour rendre le continent nord-américain plus autonome et moins vulnérable aux forces étrangères. Il tirerait également parti de la nouvelle version de l’accord de libre-échange nord-américain, connu à Ottawa sous le nom d’Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou ACEUM.
La vulnérabilité que l’économie du continent a connue au début de la pandémie, y compris les pénuries d’équipements de protection individuelle et l’accès aux vaccins, ne doit pas se répéter, a insisté le ministre. Une grande partie, a-t-il dit, était due à une dépendance à l’égard de la Chine, qui doit maintenant être abordée.
Cela, a-t-il dit, a conduit à un «moment où nous devrions réfléchir et dire: “comment nous assurerons-nous que nous sommes plus résilients pour les éléments critiques dont nous aurons besoin pour assurer la prospérité au cours des 20, 30, 50 prochaines années?”».
La coopération sur l’exploitation des minéraux de terres rares dans le but de soutenir un marché des voitures électriques autosuffisant et vert serait un moyen majeur d’y parvenir, a estimé M. Champagne.
La Chine est le leader mondial de l’extraction de minéraux de terres rares, représentant près des deux tiers de la production, mais le Canada possède environ 15 tonnes de minéraux qui restent inexploités. De plus, 13 des 35 minéraux que les États-Unis ont identifiés comme étant essentiels à leur sécurité nationale et économique proviennent du Canada. Ceux-ci comprennent la potasse, l’indium, l’aluminium, le tellure, le niobium, le tungstène et le magnésium.
«Je pense que nous assistons à une transformation générationnelle vers l’électrification. Je pense que cela offre d’énormes opportunités, a affirmé M. Champagne. Que ce soit autour de l’écosystème de la batterie, que ce soit autour du véhicule électrique, que ce soit autour des sciences de la vie, nous avons beaucoup à gagner si nous travaillons plus étroitement.»
Cela dit, les irritants commerciaux avec les Américains persistent et M. Champagne a mentionné qu’il ferait pression pour obtenir un soulagement sur deux fronts à Washington.
Le Canada s’est déjà joint à deux douzaines de pays pour protester contre le crédit d’impôt proposé par l’administration Biden pour les véhicules électriques, le qualifiant de violation des règles commerciales internationales.
Et M. Champagne poursuivra les efforts permanents du Canada contre toute disposition «Buy American» (Acheter américain) proposée dans les programmes d’aide des États-Unis qui limiterait la capacité des entreprises canadiennes à soumissionner pour les contrats du gouvernement américain.
Lors d’une visite à Washington le mois dernier, Chrystia Freeland, la ministre des Finances et vice-première ministre, a déclaré que le Canada répliquerait à toute disposition «Buy American» en limitant l’accès aux entreprises américaines.
M. Champagne a suggéré que de se servir de l’accès aux minéraux de terres rares comme monnaie d’échange avec les Américains n’était pas quelque chose qui l’intéressait.
«Mon approche avec les Américains est toujours de montrer qu’il est dans notre intérêt de faire les choses ensemble, de toujours revenir sur le fait qu’une décision d’un côté aura un impact sur les deux», a-t-il déclaré.
«Vous devez répéter ces choses pour vous assurer que nos amis se souviennent et apprécient toujours la nature intégrative de notre économie.»
Le président du Conseil canadien des affaires, Goldy Hyder, a déclaré que le Canada devrait négocier avec les États-Unis pour garantir tout accès futur aux minéraux de terres rares en raison des menaces persistantes de type «Buy American» et d’autres politiques protectionnistes de l’administration Biden.
«Nous avons un devoir fiduciaire envers le peuple canadien d’affirmer notre indépendance, notre souveraineté, notre responsabilité, notre propriété de ces actifs», a déclaré M. Hyder.
«Nous devons nous assurer que cela ne soit pas perçu comme quelque chose que n’importe qui peut simplement entrer et prendre et réclamer.»
M. Champagne devait rencontrer mercredi la secrétaire américaine au Commerce Gina Raimondo et des responsables scientifiques de la Maison-Blanche.