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Le moment est propice pour que la CDPQ sorte du secteur pétrolier

La Presse Canadienne|Publié le 14 février 2022

Le moment est propice pour que la CDPQ sorte du secteur pétrolier

L’indice Carbone 50 de la Coalition suit la progression des 50 titres les plus importants détenus par la Caisse de dépôt et placement du Québec dans le secteur des énergies fossiles depuis 2010. (Photo: La Presse Canadienne)

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a une occasion en or de remplir son engagement de sortir du secteur pétrolier, ce qu’elle a promis de faire d’ici la fin de 2022.

Selon l’analyse que publie lundi la Coalition Sortons la Caisse du carbone, la valeur des titres d’entreprises d’énergies fossiles a connu une hausse marquée de 31,4% en 2021 qui contraste avec sa baisse à long terme. C’est donc dire que la Caisse est en mesure de réaliser un rendement plus intéressant si elle se départit rapidement de ses actifs pétroliers.

L’indice Carbone 50 de la Coalition suit la progression des 50 titres les plus importants détenus par la Caisse dans le secteur des énergies fossiles depuis 2010. Ces titres ont perdu 25,6% de leur valeur depuis 2010, et ce, incluant la remontée de 31,4% de l’an dernier. Pendant la même période, soit depuis 2010, le portefeuille global d’actions de la Caisse a augmenté de 98,6%, ce qui démontre que ses investissements dans les énergies fossiles tirent son rendement vers le bas.

L’indice Carbone 50 n’a augmenté qu’à quatre reprises — en 2013, 2016, 2019 et 2021 — durant les 12 dernières années, mais jamais assez pour retrouver la valeur qu’il avait en 2010.

«À long terme, notre démonstration répétée va montrer qu’on est vraiment mieux de sortir du pétrole», affirme l’auteur de l’analyse, Sébastien Collard.

Il souligne qu’il n’y a rien d’étonnant à la forte remontée de l’an dernier, puisqu’elle représente un retour du balancier qui correspond presque exactement à la chute de 31,6% enregistrée en 2020 lors des confinements imposés à l’échelle mondiale par la pandémie de COVID-19. «À long terme, le rendement de l’indice Carbone 50 va demeurer négatif. Il ne l’est pas cette année et c’est donc le temps de finaliser la sortie (du pétrole) cette année pour éviter de perdre davantage de valeur», conclut M. Collard.

Le problème du gaz naturel

Cette éventuelle sortie ne signifiera pas pour autant la fin des activités de la Coalition, qui regroupe des organismes environnementaux, des syndicats et autres organisations de la société civile. Certes, plusieurs, sinon la plupart des entreprises qui se trouvent dans l’indice Carbone 50 n’y seront plus, mais la Caisse n’a aucune intention, du moins à court terme, de se retirer du secteur gazier, une autre énergie fossile.

La CDPQ tient à cet effet le même discours que l’industrie gazière pour demeurer dans ce secteur, à savoir que le gaz naturel est une énergie de transition dans l’attente d’en arriver à une économie complètement décarbonisée sur l’horizon 2050.

À l’opposé, la Coalition conteste cette vision du gaz naturel et n’a aucune intention de cesser de demander à la Caisse de s’en retirer. La mésentente demeurera complète jusqu’à nouvel ordre et l’indice Carbone 50, même s’il risque de changer de nom ou de nombre, continuera de traquer l’évolution de la valeur des actifs gaziers de la Caisse.

Elle tient, de son côté, le même discours que les militants écologistes quant à la valeur environnementale du gaz naturel.

«Quand la Caisse mentionne que le gaz est une énergie de transition, ça nous apparaît carrément une fausseté autant sur le plan économique que sur le plan environnemental, avance Sébastien Collard. On ne calcule que le moment où on le brûle. Mais quand on regarde l’ensemble du cycle de vie, le gaz n’est absolument pas une énergie plus verte.

«Sur le plan environnemental, beaucoup d’études démontrent que l’extraction du gaz naturel de schiste est pratiquement aussi polluante que le charbon, parce que cette extraction produit beaucoup d’émissions de méthane auxquelles il faut ajouter les émissions liées à son transport. Sur le plan environnemental, ce n’est donc pas vrai que c’est une énergie de transition. Sur le plan économique, ils n’ont rien pour s’appuyer parce que ce n’est pas plus rentable que le pétrole.»

 

Énergir: l’éléphant dans la pièce

Un des éléments qui explique la volonté de la Caisse de demeurer dans le secteur gazier est le fait qu’elle est propriétaire à 80,9% d’Énergir, l’ancien Gaz Métro, l’autre 19,1% étant entre les mains du Fonds de solidarité de la FTQ. Sortir du secteur gazier partout à travers le monde en invoquant un effet néfaste sur l’environnement tout en gardant le contrôle d’Énergir serait difficilement justifiable.

Cette situation n’est sans doute pas étrangère au fait que le rapport sur l’indice Carbone 50 insiste énormément sur la nécessité d’amener Énergir à réaliser le plus rapidement possible sa propre transition vers des énergies renouvelables. De toute façon, fait valoir M. Collard, «Énergir n’aura plus de gaz de schiste qu’ils pourront distribuer en 2050 et probablement bien avant ça. La société ne peut pas s’appuyer sur le gaz de schiste pour espérer une survie à long terme. C’est impossible, même à moyen terme. Donc, ils doivent impérativement axer leurs actions de manière stratégique vers l’énergie renouvelable, là où ils veulent tirer des profits dans l’avenir.»

Le rapport va même jusqu’à dire que «le plan de décarbonation d’Énergir ne répond pas aux exigences de la science pour limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius. La Caisse devrait donc vendre tous ses actifs dans Énergir ou exiger un redressement immédiat du plan climat de cette société.»

Comme la Caisse a acheté en juin dernier la dernière part d’Énergir qui n’était pas québécoise, soit celle d’Enbridge, demander sa vente n’est certainement pas réaliste. 

Sébastien Collard le sait très bien et avoue même que ce ne serait probablement pas une bonne idée. «On ne pense pas que la Caisse va se départir d’Énergir et on ne pense même pas qu’on serait gagnant si elle le vendait parce que le prochain acheteur serait peut-être encore moins intéressé à l’environnement que la Caisse.»

Enfin, si jamais la Caisse sort aussi du secteur gazier, la Coalition n’aura toujours pas fini son travail, dit-il.

«Même si on opère la sortie complète des énergies fossiles si un jour on en vient à sortir du gaz, il va rester des investissements en dehors de ça qui entraînent beaucoup d’émissions et selon ce que la Caisse nous dit dans nos échanges, ils sont sensibles à cette question.»

Ainsi, les industries fortement émettrices comme celles qui fabriquent du ciment ou du béton deviendront alors le nouveau point de mire de la Coalition Sortons la Caisse du carbone.