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Le prix «unique» est mort, vive le prix personnalisé !

Laura O'Laughlin|Édition de la mi‑avril 2019

EXPERTE INVITÉE. La combinaison de données personnelles avec des algorithmes d'apprentissage automatique a de vastes ...

EXPERTE INVITÉE La combinaison de données personnelles avec des algorithmes d’apprentissage automatique a de vastes conséquences non seulement sur ce qui est offert aux consommateurs, mais aussi sur les prix qu’ils paient et les services qui leur sont proposés. Propulsées par l’écosystème de l’intelligence artificielle en pleine croissance du Canada (et de Montréal), du moins en partie, les innovations en marketing algorithmique remettent en question la façon dont les prix sont fixés et ce qui constitue un prix «concurrentiel».

Traditionnellement, le prix concurrentiel était considéré comme un prix de marché unique, où l’offre et la demande se croisent dans un marché. Si le même bien était vendu à un prix autre ailleurs, la différence de prix serait rapidement «arbitrée» – parce que les consommateurs privilégieront le commerçant offrant des prix plus bas, incitant les autres détaillants à faire du price matching. De cette manière, la «loi du prix unique» prévaudrait sur les marchés concurrentiels. Cependant, ce prix concurrentiel unique est menacé d’extinction.

Pourquoi ? Premièrement, les consommateurs laissent des traces numériques lors de leurs interactions avec des applications, des navigateurs web, des ordinateurs et des assistants numériques. Les entreprises, grandes et petites, collectent, suivent, stockent et analysent ces données et les revendent aux courtiers et aux plateformes publicitaires. Bien sûr, la plupart des consommateurs se rendent déjà compte que leurs données personnelles obtenues par le biais de leurs interactions avec les applis – y compris leur emplacement, leurs goûts et leurs préférences, les goûts et les préférences de leurs amis, ainsi que l’historique de toute action «branchée» – servent à leur fournir des promotions et de la publicité personnalisée. En fait, presque toute application se connecte à cet écosystème publicitaire par des «kits de développement logiciel» (aussi appelés «SDK»). Aujourd’hui, une application moyenne compte plus de 18 SDK, chacune servant à connecter une application à un écosystème de pub beaucoup plus vaste et invisible à l’utilisateur.

Ces outils permettent non seulement de diffuser un message marketing sur mesure, mais également de personnaliser le prix. En bref, les vendeurs peuvent combiner les informations collectées sur les consommateurs pour «différencier les prix» ou facturer des prix différents à des consommateurs différents afin d’améliorer leurs revenus. Le phénomène n’est pas nouveau ; lorsque c’est possible, les entreprises ont toujours tenté de varier leurs prix en fonction des groupes de clients. La différence est dans l’échelle et l’automatisation du processus, ce qui est maintenant possible. En fait, une étude réalisée en 2014 a révélé que plus de la moitié de ces sites sur 16 sites web de commerce électronique modifiaient les prix sur une base individuelle, parfois avec des écarts de plusieurs centaines de dollars (jusqu’à 20 % du prix total). Des études plus récentes confirment que ces algorithmes de tarification persistent sur presque tous les sites web de voyage et sont intégrés dans des schémas de tarification des applications. Par exemple, un trajet Uber entre Outremont et Westmount coûtera plus cher qu’un trajet similaire reliant des quartiers moins riches.

Les prix définis de manière algorithmique peuvent assurer une plus grande uniformité des prix, ici aussi au détriment potentiel des consommateurs. Les algorithmes concurrents de l’intelligence artificielle (IA) peuvent également apprendre à «coopérer» pour fixer les prix, ce qui entraîne une hausse des prix à la consommation par une collusion algorithmique.

Ces effets de l’IA sur les consommateurs sévissent déjà dans plusieurs marchés et n’iront qu’en augmentant. En 2012, l’IA représentait moins de 5 % des investissements en capital de risque canadiens, alors qu’il avoisine maintenant les 15 %. Entre-temps, les économistes feront leur deuil de la loi du prix unique.

EXPERTE INVITÉE
Laura O’Laughlin est vice-présidente au cabinet de consultation Groupe d’analyse. Elle est aussi fondatrice de l’Institut des générations, un organisme sans but lucratif qui s’intéresse à l’équité entre les générations.