Depuis 15 ans, au Québec, la part du bois massif dans le secteur non résidentiel a doublé, pour passer de 15 % à 30 %, souligne Louis Poliquin, directeur de Cecobois — Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois. (Photo: 123RF)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Sans tambour ni trompette, l’utilisation du bois massif s’est de plus en plus répandue dans la construction non résidentielle au Québec. Cet engouement pour la construction en bois est directement lié à la lutte contre les changements climatiques et à la volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Depuis 15 ans, au Québec, la part du bois massif dans le secteur non résidentiel a doublé, pour passer de 15 % à 30 %, souligne Louis Poliquin, directeur de Cecobois — Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois. « Cela signifie que 30 % des bâtiments non résidentiels ont une structure en bois en totalité ou en partie », dit-il.
Ces bâtiments comprennent des édifices commerciaux, des écoles, des hôpitaux, sans parler des centres sportifs ou culturels et des tours à condos.
Cela dit, il ne faudrait pas croire que l’utilisation du bois massif ne se limite qu’aux immeubles de petite et de moyenne taille. Aux États-Unis et en Norvège, on a construit des édifices pouvant aller jusqu’à 24 étages, selon Cecobois.
Au Canada, l’édifice le plus élevé se trouve sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), haut de 18 étages. Au Québec, le bâtiment en bois le plus haut sont les condos Origine, haut de 13 étages, situé dans l’écoquartier de la Pointe-aux-Lièvres, à Québec.
Plusieurs entreprises ont des bâtiments fabriqués en bois au Québec. Mentionnons par exemple l’investisseur institutionnel Fondaction CSN, pour son siège social à Montréal (six étages), et la pharmaceutique britannique GSK — connue auparavant sous le nom GlaxoSmithKline —, pour son immeuble de bureaux situé dans le parc technologique à Québec (deux étages).
Des leaders mondiaux au Québec
Fait méconnu, des leaders mondiaux dans la conception et la fabrication de bâtiments en bois se trouvent au Québec, à commencer par Chantiers Chibougamau, et sa division Nordic Structures.
L’entreprise, qui a des revenus supérieurs à 50 millions de dollars, croule sous la demande, mais surtout à l’extérieur du Québec, explique au bout du fil Frédéric Verreault, directeur exécutif et du développement des entreprises. « Il y a vraiment un déplacement de la demande, un marché pur et dur qui s’exprime pour le bois », dit-il.
À ce jour, la société a réalisé plus de 3000 projets dans la construction non résidentielle, dont les condos Origine, mais aussi des édifices pour Ameublements Tanguay ou la firme de construction Pomerleau.
Selon Frédéric Verreault, l’élément déclencheur de cet engouement pour la construction en bois est la lutte aux changements climatiques. « C’est la même logique que les consommateurs qui achètent des voitures électriques », insiste-t-il.
L’utilisation du bois dans la construction non résidentielle procure deux gains environnementaux par rapport aux structures en acier et en béton, selon Cecobois. D’une part, chaque mètre cube de bois utilisé dans un bâtiment permet d’éviter l’émission d’une tonne de CO2, notamment en raison d’un processus de transformation de la matière moins énergivore. D’autre part, chaque mètre cube de bois, un matériau vivant, permet de séquestrer une tonne de CO2 (ce qui est beaucoup), ce que ne peuvent pas faire le béton et l’acier.
Explosion de la demande aux États-Unis
Même si Nordic Structures réalise plusieurs contrats au Québec, la demande est beaucoup plus forte à l’extérieur de la province, surtout sur le marché américain, souligne Frédéric Verreault. « Nous réalisons la majorité de nos ventes aux États-Unis depuis un peu plus d’un an », dit-il, en précisant que la « vague » pour l’utilisation du bois massif dans la construction non résidentielle y a pris forme il y a cinq ans.
Aux États-Unis, Nordic Structures a notamment construit le pavillon pour les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques de l’Université du Michigan. Des travaux que l’entreprise a terminés en 2020. D’autres établissements prestigieux, comme l’Université Princeton et l’Université Harvard, sont aussi intéressés par leurs produits et leur expertise, souligne Frédéric Verreault.
Il déplore toutefois qu’au Québec, des clients potentiels doutent encore de la fiabilité des édifices construits en bois massif. Or, Frédéric Verreault affirme que les tests de résistance (incluant pour le feu) montrent que le bois est un matériau aussi bon que le béton ou l’acier. « Nul n’est prophète en son pays… », dit-il.
Jean-François Samray, PDG du Conseil de l’industrie forestière du Québec, affirme que la fiabilité et la sécurité des structures fabriquées en bois dans la construction non résidentielle ne sont plus vraiment un problème. « L’industrie a de nouvelles technologies, les constructions sont beaucoup plus sécuritaires et le secteur de l’assurance le réalise », dit-il.
Ce dernier rappelle que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, un organisme chapeauté par l’ONU) recommande d’accroître la présence de bois dans la construction non résidentielle afin de diminuer les émissions de GES et de lutter ainsi contre les changements climatiques.