Le réchauffement climatique, «l’autre courbe à aplatir»
La Presse Canadienne|Publié le 03 Décembre 2020Le Canada n’est pas à l’abri des menaces pour la santé engendrées par les changements climatiques.
La courbe du réchauffement climatique et de l’augmentation des gaz à effet de serre est « l’autre courbe à aplatir », soutient une médecin québécoise qui a participé au rapport 2020 du Lancet Countdown sur l’impact des changements climatiques sur la santé.
La docteure Claudel Pétrin-Desrosiers est formelle : le Canada n’est pas à l’abri des menaces pour la santé engendrées par les changements climatiques. Aucun pays ne l’est, dit-elle, insistant sur le besoin d’actions réelles et immédiates pour renverser la vapeur.
Ce rapport international, associé à la prestigieuse revue scientifique médicale britannique The Lancet, est publié annuellement depuis cinq ans.
Cette année, les docteures Claudel Pétrin-Desrosiers et Finola Hackett ont analysé les données pour rédiger le rapport canadien sur ces questions.
Selon elles, il met en lumière l’incidence croissante de la chaleur extrême et de la pollution atmosphérique sur la santé de la population canadienne.
Cette question de l’impact de la chaleur sur la santé est d’ailleurs celle qui a particulièrement marqué la Dre Pétrin−Desrosiers cette année. Associée à une augmentation de la mortalité, à des risques d’hospitalisation pour les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires, elle explique que la chaleur affecte tout particulièrement les personnes les plus âgées.
Dans ce rapport, on peut lire qu’en 2018, un record de 2700 décès liés à la chaleur a été enregistré au Canada, uniquement chez les 65 ans et plus. Il s’agit d’une augmentation de 58 % au cours des 20 dernières années. Cet été−là, deux vagues de chaleur ont affecté le Québec, la première des deux causant à elle seule 86 décès supplémentaires.
L’impact sur la santé est manifeste, dit la médecin, mais aussi sur l’économie.
Les auteurs du rapport ont voulu mettre des chiffres sur ces conséquences : le coût économique de la mortalité associée à la chaleur est estimé à 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada en 2018, comparativement à 0,2 % en 2000. Cela représente aussi la perte de quelque sept millions d’heures de travail, souligne Mme Pétrin-Desrosiers, qui est médecin résidente en médecine familiale à l’Université de Montréal.
Si on ne fait rien, cela va devenir notre nouvelle réalité, ajoute-t-elle.
Au Canada, le réchauffement est deux fois plus rapide que dans le reste du monde, et trois fois plus rapide dans les régions nordiques, un constat posé récemment par Environnement Canada qui a été relayé dans le rapport 2020 du Lancet.
Un autre triste record a d’ailleurs été battu en 2020 : celui de la concentration de CO2 dans l’atmosphère.
« Les changements climatiques sont un amplificateur de risques qui mettent du stress sur la santé, l’économie et notre système de santé ».
Pour illustrer, elle souligne que la pollution atmosphérique causée par les particules fines a entraîné 8 400 décès prématurés au Canada en 2018, dont 7 200 découlant de sources de pollution causée par l’humain, par exemple, par l’utilisation de combustibles pour le chauffage, les transports et la production d’énergie. Ces particules sont liées de plusieurs maladies respiratoires.
Avec la pandémie de COVID-19, « on a beaucoup parlé “d’aplatir la courbe” (de l’augmentation des cas d’infection au virus) », rappelle la docteure. « Mais il y a une autre courbe à aplatir », celle de la température et des émissions des gaz à effet de serre (GES), qui ne cesse de pointer vers le haut.
Car il y a des solutions : dans le rapport, il est proposé notamment d’accorder en priorité du financement au transport à faibles émissions et au transport en commun, et au déploiement de technologies visant à améliorer l’isolation et l’efficacité énergétique des bâtiments.
Le Lancet Countdown sur la santé et les changements climatiques est le fruit de la collaboration d’experts issus de plus de 38 organisations, dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation météorologique mondiale, le University College de Londres et l’Université Yale.