ANALYSE. À part la Caisse de dépôt en tant qu'actionnaire majeur, les ingénieurs québécois SNC-Lavalin et Groupe WSP...
ANALYSE. À part la Caisse de dépôt en tant qu’actionnaire majeur, les ingénieurs québécois SNC-Lavalin et Groupe WSP Global n’ont rien en commun.
Leurs destinées sont au contraire aux antipodes.
SNC-Lavalin (SNC, 36,82 $) perd la confiance des analystes après l’annonce-choc d’une dévaluation de 1,24 milliard de dollars, des pertes inattendues au quatrième trimestre et une remise en question de ses activités en Arabie saoudite.
Après un plongeon de 27 % le 28 janvier, le plus important en 27 ans, la société laisse les financiers dans le brouillard jusqu’au dévoilement de ses résultats annuels le 22 février.
À l’autre bout du spectre, WSP dévoile un plan de croissance qui vise à augmenter son bénéfice d’exploitation par 50 % d’ici 2021.
Son action a rebondi de 15 % en janvier, après une période de sur-place en 2018. Seule son évaluation élevée tempère un peu l’enthousiasme des analystes.
SNC-Lavalin : aubaine ou piège ?
Le titre de SNC-Lavalin a l’allure d’une aubaine sur papier, mais personne ne veut attraper un couteau qui tombe, surtout quand on n’y voit rien. Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, exprime parfaitement la situation : «On se prépare au pire, mais on espère que tout ira pour le mieux.»
Si l’on fait abstraction de son placement dans l’autoroute 407, entre autres, son cours actuel donne une valeur «illogique» de 4,80 $ par action aux activités d’ingénierie alors qu’elles valent presque le triple, estime Frederic Bastien, de Raymond James.
Il faut dire que des pertes inattendues au quatrième trimestre, et peut-être au début de 2019, font craindre une crise de liquidités.
Maxim Sytchev, de Financière Banque Nationale, attribue d’ailleurs quelque 800 millions de dollars de la chute de 2,3 G$ du titre en Bourse à ces nouvelles inquiétudes.
À son avis, SNC-Lavalin dispose encore d’une bonne marge de manoeuvre financière, surtout que la vente envisagée d’un intérêt de 6,76 % de l’autoroute 407 lui rapporterait 1,9 G$.
Son collègue, Devin Dodge, de BMO Marchés des capitaux, évoque pourtant le risque que SNC-Lavalin reporte cette vente si les prétendants offraient moins que prévu sachant que l’ingénieur a besoin de fonds. «Une réduction du dividende ou une émission d’actions est peu probable même si le ratio d’endettement grimpait temporairement jusqu’à 4,8 fois le bénéfice d’exploitation au premier semestre de 2019 par rapport à la limite de 3,75 fois de son financement», croit Derek Spronk, de RBC Marchés des Capitaux.
SNC-Lavalin doit notamment débourser 88 M$ pour régler un recours collectif tandis que 950 M$ de la vente de la 407 rembourseront une dette contractée auprès de la Caisse.
Yuri Lynk de Canaccord Genuity, M. Spronck et Mark Neville, de Banque Scotia, jugent tout de même que le plongeon du titre semble exagéré et reflète surtout les pires craintes.
«Tout dépendra de quelle part la réduction annoncée de 54 % du bénéfice du quatrième trimestre est de nature récurrente ou non», explique M. Spronk. L’analyste de RBC fait le pari que les pièces de SNC-Lavalin valent encore plus que le tout, d’où son cours cible de 48 $.
WSP Global : des attentes à satisfaire
Dans le cas de WSP Global, l’appréciation du titre par les analystes dépend de leur degré de prudence quant à la capacité de la société à réaliser ses nouveaux objectifs : une hausse de 45 000 à 65 000 du nombre de ses employés, une augmentation de 25 % à 50 % des revenus (à 8 G$-9 G$) et une amélioration de 0,5 % à 1,5 % de la marge d’exploitation (à 11,5%-12,5 %).
WSP ayant réalisé et même dépassé ses plans antérieurs, M. Spronck a très bon espoir que la société arrivera une fois de plus à ses fins.
Il évoque même un scénario optimiste qui verrait le titre grimper jusqu’à 200 $ si la société de génie-conseil atteignait les marques de 90 000 employés et une marge d’exploitation de 13 % dans cinq ans.
Dans l’intervalle, l’analyste place son cours cible à 80 $, soit un gain potentiel d’encore 18 %.
Aux yeux de Jacob Bout, de Marchés mondiaux CIBC, les revenus ciblés seront faciles à atteindre.
Par contre, de meilleures marges requerront des gains de productivité dans la gestion de projets, une plus grande proportion de revenus de consultation plus rentables, ainsi que l’ajout d’effectifs dans les domaines de la gestion de l’eau, de l’environnement, de l’énergie et de l’industrie.
M. Jacob table sur une marge de 11,6 % en 2020 et hausse son cours cible de 75 $ à 77 $. «Le nouveau plan stratégique est une extension naturelle des deux précédents. WSP devrait donc soutenir son évaluation actuelle en Bourse si elle réalise celui-ci», croit Mark Neville, de Banque Scotia. L’analyste ne touche pas à son cours cible de 75 $, car la croissance interne visée de 5 % par année lui semble un peu trop ambitieuse.
Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, préfère aussi tempérer ses attentes même s’il est possible d’imaginer un cours 97,51 $ pour le titre d’ici trois ans. Il maintient son cours cible de 76 $ en prévision de revenus de 7,4 G$ et d’une marge de 11,3 % en 2021.
WSP peut financer son expansion à même ses fonds internes et sa capacité d’emprunt, un important facteur d’enrichissement pour les actionnaires, dit-il.