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Les feux de forêt ont marqué 2023

La Presse Canadienne|Publié le 20 Décembre 2023

Les feux de forêt ont marqué 2023

«Des millions et des millions de Canadiens ont senti la fumée, goûté et senti les cendres tomber», a déclaré M. Phillips. (Photo: La Presse Canadienne)

Les Canadiens adorent parler du temps qu’il fait chez eux. Et cette année, leur météo a intéressé des gens dans le monde entier.

«Une grande partie du monde était concentrée sur le Canada», a déclaré David Phillips, climatologue en chef à Environnement Canada, qui prépare un classement annuel des 10 principaux événements météorologiques.

Cette année, bien sûr, ce sont les incendies de forêt qui arrivent en première place. Les flammes ont ravagé le pays d’un océan à l’autre, mais ont aussi envoyé d’épaisses couches de fumée aux États-Unis et même à travers l’océan Atlantique jusqu’au nord de l’Europe.

«Les incendies au Canada avaient des conséquences sur les gens ailleurs dans le monde — il suffit de demander à 100 millions d’Américains, a déclaré M. Phillips. Et les gens se demandaient là-bas: “Comment cela pourrait-il venir du Canada? C’est là que l’air est poli, lavé et assaini.”»

Mais ça venait effectivement du Canada. M. Phillips énumère les records battus cette année au pays.

La superficie totale brûlée – 184 493 kilomètres carrés — a doublé le précédent record et multiplié par sept la moyenne sur dix ans. Près d’un quart de million de Canadiens ont été forcés de quitter leur domicile, y compris la ville de Yellowknife au grand complet. Le Nunavut a eu sa première évacuation en cas d’incendie.

Des incendies de forêt ont éclaté dans presque toutes les provinces et tous les territoires du pays, souvent au même moment. Plus de 10 800 pompiers, dont près de la moitié venus de l’étranger, combattaient les incendies en mai et étaient toujours sur place cinq mois plus tard.

Au Québec, la Société de protection des forêts contre le feu a estimé que plus de 700 incendies avaient brûlé quelque 51 000 kilomètres carrés de terres, soit plus que la SOPFEU n’en avait jamais enregistré en une seule saison. Près de 27 000 résidents d’une trentaine de municipalités ont dû être évacués l’été dernier à cause des flammes ou de la fumée.

«Des millions et des millions de Canadiens ont senti la fumée, goûté et senti les cendres tomber», a déclaré M. Phillips.

Inondations et été chaud

Un autre événement du palmarès de M. Phillips est lié à ces grands feux: l’été le plus chaud au Canada, arrivé en troisième place après les incendies de forêt et la fumée des feux.

Le climat se comporte normalement lorsque les records de températures élevées et basses sont à peu près égaux, a rappelé le climatologue. Mais cette année, on n’était même pas proche du compte.

«Au cours des deux derniers mois, 650 records de chaleur ont été battus. Combien de records de froid? Aucun. C’était tellement unilatéral que c’en est effrayant.»

Entre mai et septembre, toutes les provinces et tous les territoires, à l’exception du Canada atlantique, ont enregistré leurs cinq mois les plus chauds jamais enregistrés. Kamloops, en Colombie-Britannique, a enregistré 62 jours de températures supérieures à 30 °C ; les eaux au large de la côte est étaient jusqu’à cinq degrés au-dessus de la normale.

Halifax pourrait peut-être devenir la ville phare de la météo canadienne en 2023. Non seulement la capitale de la Nouvelle-Écosse était menacée par un incendie de forêt, mais elle a également dû faire face à d’importantes inondations.

«Ayez une pensée pour les habitants de la Nouvelle-Écosse, a déclaré M. Phillips. Il y a un an, ils ont eu l’ouragan le plus coûteux et le plus dangereux de l’histoire du Canada (Fiona) et ils étaient encore en train de nettoyer.» Mais les précipitations en juin dans cette province ont été plus du double de la normale, et elles ont encore doublé en juillet — la majeure partie tombée en deux jours.

Le 21 juillet, jusqu’à 250 millimètres de pluie sont tombés sur la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, dans certaines parties d’Halifax et dans le centre et l’ouest de la province, soit le total d’un été en une journée. La communauté de Bedford a reçu 173 mm en six heures, un nouveau record national.

Tout l’est du Canada était inondé. Des crues soudaines ont fait rage dans le sud de l’Ontario ; au Québec, Sherbrooke a reçu des précipitations trois fois supérieures à la normale en juillet.

En mai, pendant les inondations printanières au Québec, deux pompiers sont morts lors d’une mission de sauvetage dans Charlevoix.

Et en juillet, des pluies torrentielles ont provoqué encore des inondations au Québec, phénomène plutôt exceptionnel en plein été. À Rivière-Éternité, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, un homme et une femme ont été emportés par les eaux dans le glissement d’une route.

Mais aussi le froid

La chaleur a fait la une des journaux en 2023, mais ce vieil ennemi canadien — le froid — est encore bien présent. Le mois de février a été marqué par un gros gel: les Vancouverois se blottissaient dans des températures de -10 °C et le sud-est du Canada grelottait dans des températures jusqu’à 20 degrés plus basses que la normale.

Cela faisait suite à une vague de froid en décembre qui a détruit des centaines d’hectares de vignes en Colombie-Britannique.

Début avril, la pluie verglaçante a privé de courant un million d’abonnés, pendant parfois quelques jours, dans le sud-ouest du Québec et l’est de l’Ontario.

David Phillips secoue la tête. «Je n’aurais jamais pensé voir une autre année comme 2021, avec ses dômes de chaleur et ses rivières atmosphériques. Mais cette année (…) ce fut une année épouvantable.»

Ce n’est pas comme si le temps était foncièrement différent, rappelle le climatologue. Aucun typhon n’a frappé Ottawa, après tout: c’est le même vieux système canadien, mais augmenté et amplifié.

«Les preuves s’accumulent clairement: il est de plus en plus certain que le réchauffement climatique induit par l’activité humaine rend les conditions météorologiques extrêmes encore plus extrêmes. Et c’est un extrême après l’autre.»

En tant que climatologue, c’est fascinant, a déclaré M. Phillips. Mais en tant que Canadien, c’est inquiétant. «La société moderne peut être brusquée par la météo, dit-il. Ce que nous voyons actuellement est un aperçu de ce que nous allons voir dans l’avenir.»

Bob Weber, La Presse Canadienne