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Les motivations vertes des milieux financiers mises en doute

La Presse Canadienne|Publié le 03 novembre 2021

Les motivations vertes des milieux financiers mises en doute

Certains militants notent que les mêmes institutions financières qui ont profité du financement des entreprises de combustibles fossiles sont désormais présentées comme des leaders verts. (Photo: )

Glasgow — Des gouvernements et les grands investisseurs ont annoncé mercredi de nouvelles mesures pour consacrer des milliers de milliards de dollars à la lutte contre le réchauffement climatique, reflétant l’adhésion croissante du monde financier aux efforts climatiques, qu’il perçoit à la fois comme une nécessité et une occasion d’affaires.

Mais certains militants en justice sociale ont appelé à un examen minutieux des motivations des investisseurs, notant que les mêmes institutions financières qui ont profité du financement des entreprises de combustibles fossiles sont désormais présentées comme des leaders verts.

De plus en plus de gens s’entendent sur le fait que le secteur privé doit être impliqué si la planète veut éviter un réchauffement climatique catastrophique. S’exprimant lors du sommet des Nations unies sur le climat dans la ville écossaise de Glasgow, le chef du Trésor britannique, Rishi Sunak, a déclaré que bien que des pays comme le Royaume-Uni fournissent de nouveaux fonds pour aider les pays pauvres à faire face aux changements climatiques, «les investissements publics seuls ne suffisent pas».

Il a salué mercredi l’engagement d’un groupe de plus de 450 grandes institutions financières d’aligner leurs investissements sur l’accord de Paris sur le climat de 2015 — qui appelle à réduire les émissions de dioxyde de carbone et à faire d’autres efforts pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels.

La Glasgow Financial Alliance for Net Zero — lancée cette année par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney — a promis de suivre les directives scientifiques pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Cet objectif — qui consiste à limiter les émissions de gaz à effet de serre à la quantité pouvant être à nouveau absorbée par des moyens naturels ou artificiels — est de plus en plus adopté par les entreprises et les gouvernements du monde entier.

Les scientifiques affirment que l’utilisation de combustibles fossiles doit baisser considérablement au cours de la prochaine décennie pour atteindre cet objectif, ce qui signifie que les investisseurs devraient probablement réduire considérablement les fonds destinés aux producteurs de pétrole, de gaz et de charbon.

«C’est énorme que les institutions financières gérant 130 000 milliards $US d’actifs mènent désormais la charge vers un avenir carboneutre», a déclaré Helen Mountford, experte principale en climat au sein du groupe de réflexion du World Resources Institute.

Elle a déclaré que la mobilisation massive de financements publics et privés sera essentielle pour lutter contre le réchauffement climatique.

À cette fin, M. Sunak a dit que les institutions financières britanniques et les sociétés cotées en bourse seraient tenues de publier des plans détaillant à quel point leurs investissements et leurs propres entreprises sont écologiques — afin de s’assurer qu’elles contribuent réellement à la réduction du réchauffement climatique.

En tant que siège de la Cité de Londres, l’un des principaux centres financiers du monde, le Royaume-Uni «a la responsabilité de montrer la voie» dans le financement des efforts de lutte contre le réchauffement climatique, a dit M. Sunak, et potentiellement devenir «le premier centre financier au monde aligné sur la carboneutralité».

Mais James Thornton, fondateur de l’association caritative de droit environnemental ClientEarth, s’est interrogé sur l’efficacité de l’effort britannique.

«Le marché britannique est toujours accro aux combustibles fossiles», a-t-il noté, appelant à un groupe de travail pour s’assurer que les entreprises ne font pas d’écoblanchiment — c’est-à-dire utiliser des annonces très médiatisées d’initiatives dites vertes pour masquer d’autres «activités sales». Les experts mettent également en garde contre le fait qu’il existe différentes manières de calculer la carboneutralité, et choisir une définition standard sera l’un des grands défis pour la suite des choses.

Certains militants se méfiaient des motivations des gros investisseurs en général.

«Plusieurs institutions financières réunies aujourd’hui ont profité de la crise climatique et écologique, et nous devrions nous méfier profondément de toute tentative de les faire passer pour des héros», a déclaré Dorothy Guerrero, responsable des politiques du groupe non gouvernemental Global Justice Now. «Les gouvernements doivent réglementer le processus et diriger la transition, au lieu de simplement s’en remettre aux entreprises.»

S’exprimant dans le même panel que M. Sunak, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a décrit la lutte contre les changements climatiques comme un énorme défi financier, avec un prix de 100 000 milliards $, mais aussi comme «la plus grande occasion économique de notre temps».

«De nombreuses énergies renouvelables sont désormais moins chères que les carburants alternatifs à base de carbone et ont des coûts d’exploitation à long terme inférieurs», a-t-elle déclaré. «Dans de nombreux cas, il est simplement plus rentable de passer au vert.»

Le président américain Joe Biden a publié un décret exécutif plus tôt cette année visant à obliger les entreprises à divulguer les risques financiers liés au climat.

L’envoyé de M. Biden pour le climat, John Kerry, a déclaré que l’annonce des grands investisseurs reflétait une sérieuse pression des participants à la conférence de Glasgow pour mettre en place des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques.

«Cette (conférence) a une plus grande énergie, plus d’attention, une intensité que je n’ai ressentie dans aucun des autres» pourparlers sur le climat de l’ONU, a-t-il dit.

Mais l’enthousiasme suscité par la réunion a été refroidi chez les pays les plus pauvres, qui ont noté avec colère que des pays riches n’avaient pas respecté leur engagement précédent de fournir 100 milliards $US par an pour financer des projets liés au climat dans les pays en développement d’ici 2020.

Cet objectif devrait maintenant être atteint en 2023.