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Les publicitaires auraient un rôle à jouer pour sauver la planète

La Presse Canadienne|Publié le 09 novembre 2021

Les publicitaires auraient un rôle à jouer pour sauver la planète

Les trois quarts des participants à une enquête produite par Futerra ont indiqué se préoccuper des changements climatiques, et la moitié d’entre eux ont confié que leurs préoccupations se sont intensifiées depuis quelques années. (Photo: La Presse Canadienne)

Les agences de publicité et de marketing dont le rôle est souvent d’encourager une consommation effrénée devraient réfléchir à l’impact de leurs activités sur les changements climatiques et agir en conséquence, a-t-on entendu mardi dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26), à Glasgow, en Écosse.

Elles devraient notamment faire preuve de plus de transparence concernant les revenus qu’elles tirent de clients polluants (comme les transporteurs aériens ou le secteur des hydrocarbures) et ceux qui proviennent de secteurs plus respectueux de l’environnement, a-t-on fait valoir.

«J’ai réalisé que 60% des gaz à effet de serre provenaient de la consommation des ménages et que mon travail était d’alimenter cette consommation», a expliqué Jonathan Wise, un publicitaire britannique qui a quitté le milieu pour fonder Purpose Disruptors, un organisme qui se donne comme mission d’inciter le monde publicitaire à uniquement faire la promotion des attitudes, modes de vie, comportements et marques qui favorisent l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2030.

«J’ai réalisé que seulement en Europe de l’Ouest, on consommait les ressources de trois planètes, et que mon emploi de vendre plus de choses entraînait la consommation de plus de ressources, a-t-il ajouté. J’ai réalisé que plus j’étais bon dans ce que je faisais, plus j’alimentais la croissance et la consommation, et plus je causais de dommages, et j’ai trouvé ça très difficile.»

Purpose Disruptors s’est donc inspiré du concept des «émissions financées» — par lequel, par exemple, une banque dévoile publiquement quel financement elle a accordé à un projet de centrale énergétique au charbon — pour proposer celui des «émissions publicisées» (advertised emissions, en anglais), qui désigne l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre associée à la hausse des ventes due à la publicité.

Seulement au Royaume-Uni, Purpose Disruptors calcule que les émissions publicisées sont responsables de la production de 186 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit l’équivalent de la pollution annuelle de 47 centrales énergétiques au charbon. La publicité ajouterait 28% au bilan carbone annuel de chaque Britannique.

Si la tendance actuelle se maintient, la production de CO2 associée aux émissions publicisées passera à 273 millions de tonnes par année d’ici 2030, dit l’organisme, qui propose plutôt de viser une réduction de 50%, à 93 millions de tonnes, d’ici à ce moment.

Pour y arriver, a dit M. Wise, les agences de publicité devraient réduire les ressources consacrées à la promotion de ce qu’il appelle les «marques rouges» (celles, comme les transporteurs aériens, qui ne sont pas en mesure de proposer des alternatives écologiques aux consommateurs) au profit des «marques ambrées» (comme les restaurants qui offrent un menu vert ou les constructeurs automobiles qui proposent des véhicules électriques) et des «marques vertes».

«C’est la magie des publicitaires de concrétiser l’avenir et de créer une demande pour ces alternatives peu polluantes, comparativement à ce qu’ils font maintenant», a-t-il dit.

 

Les consommateurs sont prêts

D’autant plus que les consommateurs semblent saisir l’urgence de la situation et être prêts à s’impliquer.

Futerra, une agence britannique qui tente depuis vingt ans de rendre «le développement durable si désirable qu’il en devient normal», a dévoilé les résultats d’un sondage mené conjointement avec la firme Ipsos auprès de quelque 20 000 personnes dans 27 pays.

Les trois quarts des participants à l’enquête ont indiqué se préoccuper des changements climatiques, et la moitié d’entre eux ont confié que leurs préoccupations se sont intensifiées depuis quelques années.

«En termes de marketing, nous avons clairement un marché pour notre message», a dit la cofondatrice de Futerra, Solitaire Townsend.

En revanche, un participant sur dix a dit croire qu’il est trop tard pour stopper le réchauffement planétaire, une proportion qui bondit à 50% dans certains marchés, comme celui de l’Inde.

À l’échelle mondiale, un jeune sur cinq est d’avis qu’on ne peut plus rien faire.

«C’est très préoccupant parce que ce sont nos futurs employés, nos futurs leaders, nos futurs investisseurs, a souligné Mme Townsend. Ce sont à eux que nous devons proposer des solutions et c’est là que l’industrie publicitaire entre en jeu, parce que l’industrie attire certains des gens les plus créatifs, les plus innovants et les plus convaincants de la planète.»

Mais la créativité n’est pas «neutre», a-t-elle prévenu. L’industrie publicitaire fait partie du problème quand elle mobilise ses ressources pour normaliser, camoufler ou écoblanchir certaines pratiques inacceptables.

Quelque 170 agences publicitaires ont maintenant emboîté le pas à Futerra et dévoilent chaque année publiquement quelle proportion de leurs revenus provient de quel secteur d’activité.

Mme Townsend demande à tous les publicitaires de la planète de faire preuve de plus de transparence et à leurs clients de faire pression sur eux pour les y inciter «parce que si vous travaillez en faveur des comportements responsables, de l’économie circulaire, de l’énergie verte, vous voulez savoir qui est dans la pièce avec vous, vous voulez savoir si votre agence qui collabore avec vous pour faire la promotion de la durabilité travaille aussi peut-être pour des industries (…) qui nous ralentissent et avec qui vous ne voulez pas vous associer».

«Je crois profondément que le changement commence par l’honnêteté, même si ça peut être très inconfortable (…) en commençant par qui paie nos factures», a dit Mme Townsend.