L’IA prend sa place dans les commerces de détail
Jean-François Venne|Édition de la mi‑septembre 2024Air Canada a dû verser une indemnité à un client qui avait été mal renseigné par un robot con-versationnel sur son site internet. (Photo: 123RF)
COMMERCE DE DÉTAIL. Les commerçants utilisent de plus en plus l’intelligence artificielle (IA), pour gagner en productivité et en profitabilité. Devenue plus accessible, elle peut jouer un rôle majeur pour aider les entreprises de commerce de détail à se distinguer.
La firme de consultants Moov AI a été fondée il y a six ans pour démocratiser l’adoption de l’IA. « Les entreprises ne savent pas nécessairement comment ces nouvelles technologies peuvent répondre à leurs besoins, explique Olivier Blais, cofondateur et directeur des technologies. Nous proposons des solutions simples et pratiques, et aussi beaucoup d’accompagnement et de formation. »
Des prédictions plus précises
Moov AI a participé à plusieurs collaborations dans le commerce de détail, que ce soit avec de l’IA prédictive ou générative. Elle a par exemple aidé Metro à développer un outil d’IA capable de prédire avec une grande précision la quantité d’aliments périssables vendue quotidiennement dans chaque magasin du Québec. Cet outil s’applique à plus de 5000 produits (fruits et légumes, viande, produits laitiers, etc.).
« Ces produits ont un très court cycle de vie, donc mieux on prédit les ventes, plus on diminue les pertes, souligne Olivier Blais. Le retour sur investissement d’un tel outil peut être très élevé. » Cette méthode aide aussi à planifier le nombre d’employés dont on aura besoin pour transformer les aliments et préparer les produits.
L’IA est particulièrement bonne pour analyser de grandes quantités d’information et noter des correspondances qui échappent à l’humain. L’application de Metro tient compte de beaucoup de données, comme l’historique de ventes sur cinq ans, les prévisions météorologiques (on vend plus de viande à griller quand il fait beau l’été), l’effet du rabais d’un produit sur les autres aliments, etc.
Des opérations plus productives
Jusqu’à maintenant, on a beaucoup entendu parler du recours à l’IA générative dans le marketing, où elle aide à produire plus vite du contenu publicitaire ou relationnel. Mais elle peut aussi optimiser d’autres fonctions critiques des commerçants.
Moov AI a pris part à des projets d’utilisation de l’IA générative pour améliorer la productivité d’entreprises comme Groupe Deschênes, un distributeur-grossiste en plomberie, chauffage et protection incendie, ou encore Dollarama. Ces commerçants vendent une énorme quantité de produits, et chacun possède des caractéristiques (nom, marque, dimension, couleur, prix, etc.) qui doivent être entrées dans les systèmes pour pouvoir être vendus.
« C’est une tâche lourde, qui demande beaucoup de temps et de main-d’œuvre, explique Olivier Blais. Nous avons donc développé des outils d’IA qui génèrent automatiquement ces métadonnées pour chaque article, ce qui décuple la productivité. »
Appel à la prudence
Jean Benoit Dubé, directeur, stratégie numérique de Mirego, soutient que l’adoption de l’IA est plus facile qu’il y a quelques années, alors qu’elle exigeait un haut niveau d’expertise et coûtait beaucoup plus cher. C’est notamment le cas du côté de l’IA générative.
« Avec l’arrivée des Gemini, Llama et ChatGPT, tout un chacun peut employer un modèle sans avoir à le développer soi-même, souligne-t-il. Donc la question est surtout de savoir comment on peut optimiser notre utilisation de ces modèles pour répondre aux besoins propres à notre entreprise. »
Ces outils peuvent être maniés assez facilement en vente et en marketing pour améliorer la précision des recommandations aux clients, la personnalisation, la découverte de produits, etc.
Cette démocratisation ne veut pas dire que l’IA ne présente pas de défis. La fiabilité en est un. « En ce moment, les modèles d’IA générative ne sont pas fiables à 100 %, admet Jean Benoit Dubé. On doit donc bien évaluer le niveau de risque. Lorsque l’on confie une tâche à l’IA, on doit se demander quel impact une erreur pourrait avoir et si on peut vivre avec cela. »
En février 2024, dans un cas qui a beaucoup fait jaser, Air Canada a dû verser une indemnité à un client qui avait été mal renseigné par un robot conversationnel sur son site internet. Le robot avait « halluciné » une règle qui n’existait pas.
Le directeur de Mirego ajoute que l’IA ne constitue pas une finalité en soi, ce n’est qu’un outil. Les commerçants doivent l’utiliser de manière stratégique, pour répondre à des problèmes concrets.
« Les mieux placés pour savoir quels problèmes l’IA peut aider à régler, ce sont les travailleurs qui vivent des enjeux sur le terrain, avance-t-il. Les compagnies qui réussissent le mieux leur adoption de l’IA sont celles qui aident leurs employés à s’approprier ces outils et non celles qui tentent d’imposer des solutions d’en haut. »