L’inflation et la hausse des taux annoncent des mois «difficiles»
La Presse Canadienne|Publié le 15 juillet 2022Le professeur d’économie Vivek Dehejia, de l’Université Carleton, prévient que les prix ne descendront pas de sitôt. (Photo: La Presse Canadienne)
Toronto — Alors que les Canadiens sont confrontés à la fois à l’inflation galopante et à la plus forte hausse des taux d’intérêt en 24 ans, un expert prévient que les prix ne baisseront pas de sitôt.
Même si le professeur d’économie Vivek Dehejia, de l’Université Carleton, voit peut-être «un certain répit» de faible taille à l’horizon, il s’attend à «entre six et douze mois difficiles pour les Canadiens moyens».
Selon lui, les points de pression qui ont joué un grand rôle dans la poussée de l’inflation à un sommet de près de 40 ans «sont toujours en jeu», à savoir les perturbations soutenues de la chaîne d’approvisionnement, les pénuries de main-d’œuvre et la guerre en Ukraine, qui font grimper les prix du carburant et des denrées alimentaires et qui ne semblent pas vouloir prendre fin de sitôt.
La Banque du Canada a augmenté mercredi son taux d’intérêt directeur d’un point de pourcentage, alors que l’inflation au pays dépasse largement les 7%.
Dans sa déclaration d’ouverture mercredi, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a reconnu que «des taux d’intérêt plus élevés s’ajouteront aux difficultés déjà causées par la forte inflation», mais a estimé que la décision d’accélérer les augmentations maintenant était un mal nécessaire à court terme, pour faire baisser l’inflation à long terme.
«Les gens ne savent pas ce qu’ils doivent faire pour vraiment maîtriser la situation», a observé Gursharon Singh, conseillère en crédit chez Credit Canada.
Les stratégies traditionnelles comme la réduction des dépenses, la gestion de l’argent et les sources de revenus supplémentaires pourraient ne pas suffire à faire face à l’épée à double tranchant constituée des taux d’intérêt élevés et de l’inflation, a-t-elle expliqué, d’autant plus que les Canadiens restent endettés.
«Mais trouver des moyens de rembourser le solde principal de la dette est impératif en ce moment.»
Selon Statistique Canada, la dette des Canadiens fait en sorte qu’ils doivent 1,83 $ pour chaque dollar de revenu disponible du ménage dont ils disposent.
Plusieurs périodes au cours des 60 dernières années ont vu une flambée de l’inflation combinée à des hausses dynamiques de taux d’intérêt entraîner une récession, mais l’économiste Katherine Judge, de la Banque CIBC, ne s’attend pas à «une véritable récession» cette fois-ci.
Au lieu de cela, elle anticipe quelques «trimestres de croissance du produit intérieur brut (PIB) en dessous de son potentiel».
«L’environnement est différent aujourd’hui parce que les banques centrales ont beaucoup plus de crédibilité et de transparence. De plus, il y a eu des décennies d’inflation d’environ 2% auxquelles les ménages et les entreprises se sont habitués, ce qui a aidé à ancrer les anticipations d’inflation», a-t-elle expliqué.
Mme Judge ne s’attend pas à un scénario où les anticipations d’inflation vont atteindre un niveau tel que la banque centrale devrait augmenter les taux d’intérêt à un tel point que l’économie entrerait dans une profonde récession.
La Banque du Canada a affirmé mercredi qu’elle prévoyait d’atteindre son objectif d’inflation de 2,0% d’ici la fin de 2024, l’inflation reculant à environ 3,0% d’ici la fin de l’année prochaine.
Mais si l’inflation devait rester plus élevée plus longtemps que cela, la dynamique politique et économique pourrait commencer à changer, a prévenu Jacqueline Best, professeure de sciences politiques à l’Université d’Ottawa.
«Nous pourrions commencer à voir plus de résistance de la part des travailleurs, qui tenteront alors de trouver un moyen de compenser la baisse des salaires réels», a-t-elle affirmé.
«À l’heure actuelle, nous ne constatons pas beaucoup d’inflation par les salaires, comme nous l’avons vu dans les années 1970 et 1980. Les travailleurs canadiens n’ont tout simplement pas le même levier pour exiger des augmentations de salaire aujourd’hui qu’à l’époque, où les taux de syndicalisation étaient beaucoup plus élevés et que des clauses de coût de la vie se trouvaient dans de nombreux contrats».