Le secteur des services financiers doit trouver le juste équilibre entre intelligence artificielle et contact humain.
Lorsque la COVID-19 a balayé le Canada, la Banque Scotia avait une arme secrète dans son arsenal: l’intelligence artificielle.
Alors que certaines entreprises renvoyaient leurs employés travailler chez eux et que d’autres fermaient temporairement, la banque a utilisé la technologie pour identifier les clients sur le point de vivre de graves difficultés financières.
La banque a mis au point des programmes de consolidation de dettes, de report de paiement et d’amortissement des prêts pour répondre aux besoins spécifiques de ces clients, puis a demandé aux centres d’appels et aux succursales locales de proposer leur aide directement.
Les taux de défaillance ont chuté et les scores de satisfaction de la clientèle ont augmenté, tout cela parce que «nous proposions un alliage du traditionnel et de l’avenir», a estimé Phil Thomas, vice-président à la direction, à l’observatoire des clients, aux données et à l’analytique de la Banque Scotia.
Cet exemple donne un aperçu de la technologie dont disposent les entreprises de services financiers et ce qu’elles rêvent d’en faire pour soutenir leur croissance.
Les dirigeants comme M. Thomas croient que l’intelligence artificielle et les données progresseront tellement que ces types d’offres et d’assistance deviendront encore plus poussées.
Les services financiers, disent-ils, seront hautement personnalisés et ce que les consommateurs pourront faire avec leur téléphone intelligent ou leur ordinateur augmentera de façon exponentielle, sans que la touche humaine disparaisse.
Les succursales ne s’évaporeront pas ou ne mourront pas, mais les raisons de les visiter pourraient changer. Même si les clients n’ont plus besoin de se rendre dans une succursale pour déposer un chèque, ils voudront probablement continuer à le faire pour discuter de questions complexes telles que la planification d’une hypothèque.
«Prétendre que (les succursales) ne seront plus nécessaires est une erreur», a estimé Rizwan Khalfan, chef des services numériques et des paiements de la Banque TD.
«Il y a des moments importants dans la vie — comme la planification de la retraite — où on voudra peut-être continuer à se rendre à la succursale et avoir une conversation en personne avec le conseiller qu’on connaît depuis des décennies.»
Comme M. Thomas, M. Khalfan pense que l’intelligence artificielle occupera une place importante dans l’avenir, et sa banque a déjà commencé à l’expérimenter.
La TD utilise l’intelligence artificielle pour analyser les achats que font les clients et détecter ceux qui sont cycliques — paiements mensuels d’électricité ou de prêt automobile, ou argent envoyé à la famille à certaines occasions.
Si l’intelligence artificielle constate qu’un client est susceptible d’avoir un faible solde en fonction des paiements qui devraient, selon ses prédictions, être effectués au cours des deux prochaines semaines, elle enverra un «coup de pouce» — une notification sur l’application de la TD avec des suggestions pour gérer la situation.
La personnalisation sera la clé
En 2021, l’intelligence artificielle de la TD incitera les clients à épargner en vue de leur retraite et adaptera les conseils de placement direct à chaque niveau d’expérience — un service dont M. Khalfan a vu la pertinence lorsqu’il a offert à sa fille un compte de placement direct pour son 18e anniversaire.
«Elle était réticente, se souvient-il. Cela aurait été bien si elle avait pu avoir un libre-service, en autoapprentissage, et gagner de la confiance dans ses décisions d’investissement.»
Les paiements représentent un autre secteur potentiel pour l’intelligence artificielle.
Le fondateur de Wealthsimple, Michael Katchen, a refusé d’en parler, mais sa société de gestion de placements en ligne, établie à Toronto, a testé son application Cash, qui permet aux utilisateurs de s’envoyer facilement de l’argent sans la lourdeur des virements électroniques bancaires.
M. Katchen, qui affirme que les clients voulaient «se faire tenir la main» pendant la pandémie, croit que la personnalisation de la planification financière à chaque étape de la vie sera la clé.
«Historiquement, la planification financière est une question de retraite (…), mais lorsque vous essayez d’engager un public plus jeune, c’est tellement loin dans l’avenir qu’il est vraiment difficile de trouver de l’enthousiasme», a-t-il observé.
Cela signifie que les entreprises se concentreront sur les dépenses, les carrières et les ménages avec de plus jeunes clients, mais leur apprendront progressivement comment investir et se fixer des objectifs financiers, a-t-il expliqué.
Les banques jongleront également avec la technologie adoptée pendant la pandémie, ou juste avant.
Selon les résultats d’une étude réalisée en novembre par Accenture auprès de plus de 47 800 clients bancaires mondiaux — dont 2 000 Canadiens —, seulement 15 % d’entre eux avaient effectué des appels vidéo bancaires avant la COVID-19.
Aujourd’hui, 46 % affirment qu’ils utiliseraient les appels vidéo lors de la réouverture des succursales et 35 % les préféreraient à une rencontre en personne.
Les banques ont peut-être la réputation d’être vieux jeu, mais MM. Khalfan et Thomas croient que les innovations pandémiques resteront présentes et se multiplieront rapidement.
Ils ont noté que les banques avaient déjà accéléré le rythme du déploiement de la technologie au-delà de leurs calendriers originaux en raison de la pandémie, qui a rapidement convaincu les consommateurs réticents de faire des transactions bancaires depuis leur canapé ou les a mis à l’aise avec les appels vidéo et les robots de messagerie.
Les banques ont également vu des concurrents — Wealthsimple, Koho et Mogo — se rapprocher d’elles avec des applications sophistiquées et de grandes bases d’utilisateurs millénariaux, ce qu’elles ont interprété comme un signal pour filer à toute allure vers l’innovation.
La touche humaine ne disparaîtra pas
La confiance peut émerger comme un obstacle potentiel dans la ruée vers le numérique. L’étude d’Accenture a d’ailleurs montré que cette migration « exacerbait la tendance à plus long terme, pré-COVID-19, d’une diminution de la confiance des consommateurs ».
Seulement 34 % des Canadiens interrogés ont affirmé qu’ils faisaient « beaucoup » confiance aux banques pour veiller à leur bien-être financier à long terme, comparativement à 47 % il y a deux ans.
Mais M. Katchen ne bronche pas: « Je crois qu’une relation numérique n’entrave d’aucune façon la confiance. » Il estime plutôt que la technologie renforce la confiance, car il devient plus rapide et plus facile d’obtenir un soutien spécialisé.
« Dans une relation d’investissement traditionnelle où un client a un conseiller financier, ce conseiller a probablement 200 clients, et les 20 premiers clients dans le livre de ce conseiller représentent 80 % de ses revenus », a-t-il affirmé.
« En cas de crise, ils passent 99 % de leur temps sur ces 20 principaux clients, alors que ce que nous pouvons faire, c’est communiquer instantanément avec les clients avec un courriel, avec notre messagerie, avec des webinaires. »
Même avec un important volume de clients, M. Thomas prédit que la touche humaine ne disparaîtra pas. « Permettre aux gens de choisir comment ils veulent faire leurs transactions bancaires avec nous ne sera que de plus en plus important. »