Si tous les gisements de pétrole, de gaz et de charbon actuellement en service sont exploités jusqu'à leur terme sans technologie de capture carbone, il sera impossible de tenir +1,5 °C. (Photo: 123RF)
Paris — Si tous les engagements nationaux, y compris sous conditions et à long terme, de réductions d’émissions de gaz à effet de serre et de neutralité carbone étaient intégralement tenus, il serait encore possible de contenir le réchauffement climatique juste sous la barre de +2 °C, selon une étude publiée mercredi.
Mais ce résultat n’est que la compilation des effets attendus de «promesses» et ne garantit en rien qu’elles seront appliquées, soulignent les auteurs de l’étude, publiée dans la revue scientifique Nature.
Or, de nombreux pays ne tiennent déjà pas leurs engagements, alors que selon le tout récent rapport des experts climat de l’ONU (GIEC) les émissions doivent plafonner d’ici trois ans pour que le monde reste «vivable». Le patron de l’ONU Antonio Guterres avait d’ailleurs dénoncé début avril les mensonges de certains pays qui «disent une chose et en font une autre» en matière de climat.
L’accord de Paris, texte international de référence, fixe l’objectif de contenir le réchauffement de la planète «nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels» et si possible à +1,5 °C. Objectifs «hors de portée» avec les engagements internationaux actuels à horizon 2030, selon le GIEC.
Mais le GIEC se fonde sur des «contributions nationales» soumises par les États (NDC, dans le jargon onusien), des textes formels dans lesquels les pays déclarent leurs engagements à l’horizon 2030.
La nouvelle étude, elle, analyse tous les engagements pris jusqu’à la fin de la dernière conférence mondiale sur le climat (COP26) en novembre à Glasgow, qui s’était conclue sur la réaffirmation de l’objectif prioritaire de «maintenir +1,5 °C en vie».
Tout reste à faire
L’étude s’intéresse donc à toutes les promesses, qu’elles aient été formalisées dans ces «NDC» ou non. Elle inclut par exemple les objectifs de réductions d’émissions pris sous conditions d’aide technique ou financière par certains pays, notamment en développement. Et elle a aussi intégré comme devant être tenus les engagements de neutralité carbone affichés par de nombreux pays, souvent à horizon 2050, voire plus lointains.
Le champ de leurs calculs est donc bien plus large que celui du GIEC, qui évalue les seules NDC et estime que si les engagements fermes à 2030 étaient tenus, le mercure monterait de +2,8 °C.
Les auteurs ont modélisé les engagements de 196 pays depuis la signature de l’accord de Paris en 2015. Et si tous étaient entièrement appliqués aux dates prévues, ils estiment que le réchauffement pourrait être contenu entre 1,8 °C et 2 °C.
Par contre, il n’y aurait qu’entre 6% et 10% de chances d’atteindre l’objectif plus ambitieux de +1,5 °C.
Selon l’auteur principal, Malte Meinshausen de l’Université de Melbourne, l’étude montre ainsi «pour la première fois (que) nous pourrions contenir le réchauffement sous la barre symbolique de 2 °C avec les promesses sur la table, à supposer bien sûr que les pays tiennent leurs promesses et qu’un soutien approprié soit fourni à tous les pays pour qu’ils tiennent leurs promesses dans les délais et dans leur intégralité».
Mais il s’agit «d’une quantification des objectifs et des engagements» et «bien entendu pas» de «dire que les politiques nécessaires sont déjà mises en œuvre», a souligné lors d’un point presse en ligne le professeur Meinshausen, lui-même un des auteurs du GIEC.
Au contraire, l’étude confirme les analyses du GIEC alertant que des actions fortes «sont nécessaires cette décennie pour avoir une chance de ne pas largement dépasser +1,5 °C» et qu’il faut donc «rehausser l’ambition d’ici 2030», a-t-il insisté.