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Londres ouvre les vannes pour contrer inflation et récession

AFP|Publié le 23 septembre 2022

Londres ouvre les vannes pour contrer inflation et récession

La première ministre Liz Truss a reconnu elle-même que la politique de son gouvernement favorisera surtout les plus aisés. (Photo: Getty Images)

Londres — Gel des factures énergétiques, baisses d’impôts, durcissement de minima sociaux et dérégulation : Londres a dévoilé vendredi un cocktail de mesures pour relancer une croissance au tapis et tenter d’atténuer l’inflation, avec des effets secondaires potentiels sévères pour les finances publiques.

Face à une inflation à quasi 10%, une économie peut-être déjà en récession, une confiance aux tréfonds et une livre déprimée, le nouveau chancelier de l’Échiquier Kwasi Kwarteng espère administrer une potion revivifiante aux ménages et aux entreprises.

Mais la réaction immédiate des marchés, inquiets des effets secondaires du remède sur les finances publiques, a été très négative vis-à-vis de la livre, qui chutait vendredi à la mi-journée, pour évoluer près de son plus bas historique face au dollar.

«Pendant la pire crise énergétique depuis des générations, ce gouvernement est aux côtés des gens», a-t-il clamé lors d’une présentation au Parlement, ajoutant qu’il voulait «réformer le versant de l’offre dans l’économie» en «baissant les impôts pour doper la croissance».

«C’est comme ça que nous inverserons le cercle vicieux de la stagnation» économique, a-t-il insisté.

Mesure phare du «mini-budget», les factures d’énergie sont gelées pour deux ans, à 2 500 livres pour un ménage moyen, une ristourne d’au moins 1 000 livres financée par le gouvernement.

Les entreprises ne sont pas en reste et voient leurs factures prises en charge pour moitié environ pour six mois.

Les prix du gaz et de l’électricité ont flambé depuis le début de la guerre en Ukraine, à cause des limitations sur l’approvisionnement en hydrocarbures venus de Russie, et le Royaume-Uni est particulièrement dépendant du gaz.

 

Flou «dommageable»

Ce soutien massif aux factures énergétiques devrait coûter 60 milliards de livres pour les six premiers mois, a chiffré M. Kwarteng.

Le cocktail de mesures comprend aussi de généreuses baisses d’impôts, revenant notamment sur des hausses décidées par le précédent gouvernement conservateur: abaissement des contributions sociales, de la taxe sur les transactions immobilières, du taux maximal d’impôt sur le revenu, et suspension de certains prélèvements écologiques.

La première ministre Liz Truss a reconnu elle-même que la politique de son gouvernement favorisera surtout les plus aisés.

«Au lieu de défendre les gens qui travaillent, les conservateurs protègent les profits des géants de l’énergie», qui ont bénéficié de la flambée des prix des hydrocarbures depuis le début de la guerre en Ukraine, a accusé la responsable travailliste pour les finances, Rachel Reeves.

Elle note que le plafond des prix de l’énergie sera financé par l’emprunt, une addition qui devrait retomber sur le contribuable.

Le coût total du paquet de mesures, en incluant les baisses d’impôt, n’est pas divulgué, mais les économistes l’ont évalué à plus de 100 milliards de livres, la banque Barclays parlant même de 200 milliards.

 

Bond des taux, livre qui plonge

«Pas de prévisions économiques, pas d’évaluation de l’impact des larges concessions (fiscales) sur l’emprunt public. C’est très dommageable pour la réputation du Royaume-Uni en tant que nation responsable d’un point de vue budgétaire», a fustigé l’ex-membre de la Banque d’Angleterre Andrew Sentence.

Les investisseurs réagissaient d’ailleurs en vendant des titres de dette britannique, dont les taux d’emprunt à dix ans bondissaient à 3,84% vendredi, un sommet depuis 2011.

La livre, quant à elle, déjà à ses plus bas niveaux depuis 1985, plongeait de 2% et menaçait de passer sous le seuil de 1,10 dollar, approchant son record de faiblesse depuis la fin de l’étalon-or, soit 1,0520 $ US.

Nombre de critiques dénonçaient par ailleurs une politique qui favorise ceux qui ont le plus de moyens, comme l’ONG Oxfam qui parle d’une politique «gagnant gagnant pour les plus riches».

Le syndicat patronal CBI saluait de son côté «l’action rapide et décisive du gouvernement pour apporter des solutions substantielles de court terme aux entreprises».

Autre leitmotiv conservateur martelé par le nouveau chancelier de l’Échiquier : «remettre la Grande-Bretagne au travail», alors que le marché de l’emploi britannique souffre d’un grave manque de bras qui entrave l’activité.

L’accès au revenu minimal («universal credit») va ainsi être assorti d’obligations pour certaines personnes qui travaillent moins de 15 heures par semaine.

Afin d’attirer des investissements au Royaume-Uni, Kwasi Kwarteng et Liz Truss veulent aussi s’afficher comme des hérauts de la dérégulation post-Brexit, avec notamment une suppression des limites héritées de l’UE sur les bonus de la City.

Le gouvernement ambitionne aussi de créer 38 zones «d’investissement» dérégulées, ressemblant au projet de ports francs du gouvernement conservateur précédent.

M. Kwarteng a aussi prévenu que le droit de grève allait être limité aux cas où les négociations salariales ont échoué, pour atténuer l’impact des mouvements sociaux.