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Même malade, c’est possible de voyager

Claudine Hébert|Édition de la mi‑juin 2023

Même malade, c’est possible de voyager

Ce n’est pas parce que l’on souffre d’un trouble cardiaque, d’un cancer ou d’une maladie chronique qu’il ne nous est plus possible de voyager hors de la province. Il suffit de détenir la bonne assurance voyage avant de partir.

Réglons d’abord le cas des assu-rances voyage médicales offertes par les émetteurs de carte de crédit. Qu’elles coûtent 120 $, 139 $ou 150 $de frais annuels par année, la plupart de ces assurances deviennent nulles et sans effet dès que notre condition médicale a subi le moindre changement au cours des six mois avant le départ. En d’autres termes, il suffit d’un récent pontage, d’un traitement de chimiothérapie ou même d’une simple prescription de médicament de la part de son médecin, et hop, la petite escapade d’une semaine au bord de la mer n’est plus couverte par ce type de produit. Un avertissement qui vaut d’ailleurs pour tous les produits d’assurance voyage de base.

 

Partir quand même

Cela ne veut pas pour autant dire qu’une personne atteinte d’un cancer ou d’une maladie chronique est confinée au Québec. Il existe plusieurs autres produits couvrant les personnes en proie à des ennuis de santé.

Formée d’anciens dirigeants de SécuriGlobe, l’entreprise québécoise soNomad s’est donné comme mission de «réinventer»l’assurance voyage. En plus d’avoir développé une approche permettant à ses clients d’épargner jusqu’à 25 % sur leurs primes, elle a élargi ses conditions d’admissibilité pour les voyageurs aux prises avec des soucis de santé.

La plupart des assureurs vont refuser de protéger toute personne ayant reçu une greffe d’organe ou de moel le osseuse, qui requiert une dialyse rénale ou qui a été diagnostiquée d’un cancer avec métastases au cours des cinq dernières années.soNomad peut suggérer des solutions à ces personnes, affirme son chef de la stratégie, Patrick Lavoie. Même les enfants aux prises avec une maladie rare peuvent bénéficier d’une protection, déclare-t-il. «En fait, seules les personnes qui ont reçu un diagnostic de phase terminale avec survie de moins de 12 mois et celles dont le médecin a formellement indiqué de ne pas voyager ne pourront pas être assurées chez nous», annonce cet expert en assurance voyage.

 

À quel prix?

Trois critères vont généralement dicter le coût de la prime d’assurance voyage, soit l’âge, la condition médicale et la durée du séjour. Le choix de l’assureur s’invite aussi dans l’équation, peut-on constater après quelques appels.

«La prime moyenne d’assurance voyage médicale pour une personne cardiaque, cancéreuse ou atteinte d’une autre maladie grave, âgée de 40 à 64 ans, varie entre 2,60 $et 5 $par jour selon la compagnie d’assurances, estime le gestionnaire de soNomad. Elle est de moins de 2 $pour les enfants.» Une femme de 53 ans diagnostiquée d’un cancer du sein qui souhaite s’évader une semaine sous les tropiques entre deux traitements de chimiothérapie peut ainsi obtenir une assurance voyage pour moins de 25 $, avance Patrick Lavoie. Assortie d’une couverture allant jusqu’à 5 millions de dollars, cette assurance comportera toutefois des exclusions à l’égard des traitements liés à son cancer, avise-t-il.

Du côté de Croix Bleue du Québec, une prime garantissant les soins médicaux d’urgence frôlera la quarantaine de dollars. «Elle comportera des exclusions en lien avec la chimiothérapie et le cancer du sein, puisque la voyageuse est encore en phase de traitement, indique sa viceprésidente marketing et expérience client, Josiane Cousineau. Nous prenons aussi en considération que la cliente ne s’est pas fait diagnostiquer pour d’autres conditions médicales en lien avec le cancer du sein, comme des métastases.»

Et à combien s’élève la prime d’un homme de 65 ans ayant subi un pontage cardiaque ce printemps qui prévoit visiter Paris pendant deux semaines en juillet ? «Dans ces conditions, une stabilité de six mois est requise pour couvrir toute condition préexistante», fait savoir Josiane Cousineau. Le voyageur pourra tout de même traverser l’Atlantique, mais une exclusion pour le pontage sera toutefois inscrite à son contrat, estimé à un peu moins de 90 $pour la durée du séjour. Il ne devra pas non plus avoir pris de nitroglycérine durant les sept jours avant le départ, autrement le contrat ne tient plus, ajoute la représentante de Croix Bleue du Québec.

Ce même voyageur pourrait partir, sans exclusion, avec soNomad. Y compris pour d’éventuels problèmes cardiaques, insiste Patrick Lavoie. «Pourvu qu’il présente une stabilité de trois mois, ce client sera quitte pour une prime de 110 $.»

 

Le coût des voyages longue durée

Ce qui fait exploser les coûts des assu-rances voyage de clients qui subissent un souci de santé, ce sont les longs séjours… et leur âge. Dès qu’une personne passe le cap des 65 ans et que ses escapades dépassent 90 jours, les protections se calculent en milliers de dollars, concèdent nos experts. Quoique l’ajout d’une franchise allant de 250 $à 5000 $peut aider à réduire la prime.

France et Donald, tous deux septuagénaires, peuvent témoigner de ces coûts astronomiques. Le couple a dû débourser 7400 $ pour bénéficier des chauds rayons du soleil de l’Arizona pendant 172 jours l’automne et l’hiver derniers. «En plus, nous avions chacun une franchise, de 1000 $ pour moi et de 5000 $ pour Donald qui a subi un pontage il y a plus de dix ans», précise la voyageuse en grande période de réflexion sur ses futurs plans de voyage. Son courtier lui a en effet signalé que leur prime d’assurance pourrait doubler lors de leur prochain périple.

 

Pour éviter les mauvaises surprises

La maladie constituant déjà une source de stress, mieux vaut vérifier deux fois plutôt qu’une auprès de son assureur que tout est en règle avant de partir. «Chaque condition médicale préexistante, quelle qu’elle soit, doit être mentionnée à l’assureur avant le départ, insiste Josiane Cousineau. Ces conditions préexistantes, ne serait-ce qu’une modification de la médicamentation, ne lui échapperont pas.»Une équipe d’enquêteurs veille à ce que le dossier de l’assuré qui fait une réclamation soit blanc comme neige avant de procéder à tout remboursement, prévient-elle. L’histoire de Louis Lamothe illustre bien les risques financiers qu’encourent les voyageurs omettant de transmettre ces changements auprès de leur assureur. Lorsque la famille du Saskatchewanais de 72 ans qui a subi un infarctus en février dernier durant son long séjour à Yuma, en Arizona, a voulu réclamer les 56 000 $de frais de transport jusqu’à Regina ainsi que 500 000 $de frais médicaux, l’assureur a dit non. Raison évoquée:trois mois avant le départ du septuagénaire, sa prescription de médicament contre le cholestérol était passée d’une pilule de 10 mg à une de 20 mg.

Heureusement, la décision de l’assureur a été infirmée un mois plus tard, après de multiples requêtes de la famille Lamothe… et grâce aux services pro bono d’un avocat torontois touché par cette histoire.

Selon l’Association canadienne de l’assurance voyage (THIA), ce scénario se produit rarement. L’organisme tient à souligner que plus de 94 % des incidents impliquant une assurance voyage médicale ont été remboursés par les assureurs canadiens au cours de la dernière année. Dans les cas contraires, les voyageurs avaient justement omis d’indiquer leurs conditions médicales préexistantes.