Le marché canadien du logement est encore assez résilient, ce qui signifie que les acheteurs qui espèrent acheter une maison à prix d'aubaine doivent encore être patients. (Photo: 123RF)
Depuis son sommet en mai 2022, l’indice des prix des maisons Teranet-Banque nationale a chuté de 10% au total jusqu’à la mi-janvier 2023, soit «la plus forte contraction de l’indice jamais enregistrée» depuis son lancement en 1999.
«Au milieu 2022, nous avons assisté à un recul spectaculaire des transactions, de près de 23%, et dans de nombreux marchés, il était de 40%», se souvient John Lusink, président de Right at Home Realty. Dans certains quartiers plus recherchés, les baisses de prix ont été plus modérées et l’activité est encore vive. «Du côté des acheteurs à Toronto, poursuit-il, nous recevons encore deux ou trois offres simultanées, mais ce n’est pas 20 ou 30 comme il y a un an. Les gens ne veulent plus payer des montants excessifs au-dessus du prix demandé.»
Comme nous l’avons soutenu dans un article précédent, le marasme actuel n’est pas une catastrophe, mais un ajustement bienvenu des prix.
Les hausses de taux de la Banque du Canada jouent un rôle
Les prix dans la région du Grand Toronto ont chuté de 19% entre février et juillet 2022, rappelle John Pasalis, président de Realosophy Realty, bien plus que la moyenne de l’indice Teranet-Banque-Nationale. Mais depuis juillet, les prix n’ont plus bougé. John Pasalis pense que de nombreux acheteurs se sont mis sur la touche, prévoyant que les prix baisseraient encore, mais maintenant, «certains acheteurs commencent à se dire : je ne vais plus attendre. Le marché est plus actif que ce à quoi la plupart des gens s’attendaient, et il ne semble pas s’affoler comme la plupart le prévoyaient.»
Les hausses de taux de la Banque du Canada, qui ont commencé en mars 2022, sont la principale cause du revirement du marché immobilier, mais les hausses n’ont pas vraiment eu d’effet avant que la Banque du Canada ne les augmente d’un point de pourcentage complet en juillet, puis de 75 points de base en septembre. Tout au long de l’année 2022 et en janvier 2023, la Banque du Canada a augmenté son taux directeur de 4,25 points de pourcentage au total, le faisant passer de 0,25% à 4,5%.
Bien sûr, ce ne sont pas les taux de la Banque en soi qui ont fait des dégâts, mais la façon dont les taux hypothécaires ont réagi. Les taux fixes à cinq ans sont montés à 6,05% en 2022, revenant ainsi au niveau qu’ils avaient atteint en 2005, selon Super Brokers. Pour l’instant, les inscriptions de maisons sont plutôt normales, «juste un peu plus élevées qu’il y a un an dans notre réseau, et toujours plus élevées que ce que nous verrions normalement», note John Lusink.
De même, la qualité du crédit ne s’est pas encore détériorée de manière significative, observe Carl De Souza, premier vice-président, services bancaires canadiens, institutions financières nord-américaines chez DBRS Morningstar. «Avec le temps, les emprunteurs et les propriétaires de prêts hypothécaires continueront à subir une pression accrue, dit-il. L’impact de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation sur le revenu disponible des consommateurs devrait avoir une incidence négative sur la qualité du crédit. Mais celle-ci reste assez forte, de même que la qualité du crédit hypothécaire résidentiel. De plus, l’emploi reste très sain.»
Rester patient pour obtenir de meilleures offres
Le marché canadien du logement est encore assez résilient, ce qui signifie que les acheteurs qui espèrent acheter une maison à prix d’aubaine doivent encore être patients. «J’attendrais, surtout si j’étais un premier acheteur, de voir quels effets auront les hausses de taux, conseille Ian Provost, conseiller principal en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale — Gestion de patrimoine. Il est encore trop tôt. Habituellement, il faut de 12 à 18 mois pour que ces effets se manifestent. Comme les hausses n’ont été fortes que dans la seconde moitié de 2022, il faut tenir jusqu’en 2024.»
Trois autres spécialistes interrogés pour cet article sont du même avis. «Le bon moment ne devrait se présenter qu’en 2024», confirme Fabien Major, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Management, équipe Major.
John Pasalis est également d’accord. «Il y a encore des risques qui pèsent sur les prix, prévient-il. Nous n’avons pas encore ressenti tout le poids des hausses de taux sur le marché résidentiel et sur l’économie en général.» Il note toutefois que de nombreux acheteurs ne se soucient pas vraiment d’attendre plus longtemps, car ils achètent pour le long terme, et tout rabais dans le prix d’achat ne fera pas une différence notable au bout du compte.
Par contre, les acheteurs ne doivent pas s’attendre à une déroute. «Les prix pourraient encore baisser de 15%» s’aventure à prédire Lusink. Oui, d’une part, les conditions pèsent sur les prix : taux d’intérêt et taux hypothécaires, détérioration des conditions de crédit des ménages, inflation, autant de facteurs qui pourraient être exacerbés par une éventuelle récession et son impact négatif sur le marché du travail, souligne Carl De Souza. Mais d’un autre côté, rappelle-t-il, «une forte immigration, une forte demande de logements et un faible inventaire résidentiel» contribuent à soutenir le marché «et à rendre les prédictions plus difficiles».
Pour John Pasalis, l’immigration est assurément un engin important de la hausse du prix des maisons. «Au cours de la décennie précédente, souligne-t-il, le Canada a admis environ 275 000 nouveaux immigrants chaque année. En 2022, il a enregistré un nombre record de 431 645 nouveaux résidents permanents et ce nombre devrait atteindre 500 000 par an d’ici 2025.»
Essayer d’augmenter le nombre de mises en chantier est une voie semée d’innombrables obstacles : municipaux, réglementaires, pénurie de travailleurs, etc. Par contre, «modifier le nombre de nos habitants est la voie la plus facile à suivre», soutient John Pasalis. Toutefois, tant que les politiques d’immigration du Canada ne seront pas modifiées, l’augmentation de l’immigration continuera de fournir une plateforme de soutien pour la hausse des prix des logements.
Faut-il attendre le pivot de la BoC avant d’acheter, lorsqu’elle commencera à baisser les taux si elle estime avoir maîtrisé l’inflation ? Il faut se méfier d’un tel moment, prévient Carl De Souza. «Cela pourrait être un signal, à condition que l’inflation redescende vers l’objectif de 2%. Mais le moment dépendra de l’économie, s’il y a une récession, si le chômage augmente. Une baisse des taux pourrait signifier un ralentissement de l’économie.» Il propose plutôt d’attendre le moment où les taux plafonnent, ce qui «pourrait faire revenir les acheteurs sur le marché si les prix sont bons et que les conditions de crédit s’allègent.»
Une maison est plus une dépense qu’un investissement
Les propriétaires de maisons considèrent souvent leur achat comme un investissement. Une telle proposition doit être assortie de nombreux qualificatifs. Si vous avez l’intention d’effectuer un «flip» en tirant profit d’une revente rapide, cela peut fonctionner. Mais certains acheteurs qui espéraient réaliser un tel plan l’année dernière ont eu une mauvaise surprise. Certaines personnes que connaît Fabien Major ont été très déçues : «Ils ne peuvent même pas faire face à leurs paiements, même avec les revenus des loyers», dit-il.
«Une résidence principale peut être un investissement si elle est détenue sur le long terme, affirme Ian Provost. Mais alors, il faut calculer combien cet “investissement” a coûté.» En effet, beaucoup s’apercevraient qu’en additionnant tous les frais d’hypothèque, les réparations, les rénovations et les taxes, leur maison leur a coûté plus que ce qu’ils en ont retiré.
«Une maison est avant tout un bien de consommation, convient Fabien Major, elle ne peut devenir un investissement qu’après de nombreuses années.» Il prévient qu’à partir du moment où la part de l’immobilier résidentiel commence à dépasser 50% des actifs d’une personne, elle cesse d’être un actif et tend plutôt à devenir un passif, car les dépenses liées à l’entretien de la partie immobilière du portefeuille deviennent un frein aux revenus de l’autre partie.
Une maison devient un investissement essentiellement lorsque vous changez sa mission pour produire des loyers, affirme Fabien Major. Et alors, vous vous retrouvez avec un actif immobilier qui, pour la plupart des investisseurs, devrait représenter entre 5% et 15% de son portefeuille.
Une fiducie de placement immobilier est-elle une meilleure option immobilière ?
Les investisseurs peuvent considérer une fiducie de placement immobilier, ou FPI, comme un moyen d’investir dans l’immobilier sans avoir à supporter les coûts liés à la possession d’un espace physique. Est-ce une meilleure idée ? Jeremy Pagan est analyste de recherche NEXT chez Morningstar, et il propose différentes perspectives pour guider les investisseurs vers le bon choix.
1. Un professionnel prospère et occupé : La propriété immobilière pourrait être coûteuse ou inabordable si vous n’avez pas le temps de vous occuper des locataires ou de l’entretien. Donc l’investissement passif est probablement le bon choix, car les FPI minimisent le temps et les efforts tout en améliorant les rendements ajustés au risque dans un portefeuille d’actifs mixtes.
Les investisseurs sophistiqués ou fortunés peuvent envisager de devenir le partenaire silencieux d’un investisseur actif, ce qui peut générer des rendements plus élevés, mais comporte un risque important.
2. Un professionnel flexible : Les personnes en début de carrière ou celles qui ont un emploi flexible peuvent envisager de faire de l’immobilier un emploi à temps partiel ou un passe-temps. L’appétit pour le risque, les besoins en liquidités et votre volonté de gagner de l’argent à la sueur de votre front vous aideront à faire le bon choix.
L’achat d’un bien immobilier locatif peut être judicieux si vous avez déjà constitué un pécule d’investissement traditionnel et que vous disposez d’un excédent d’épargne. Votre temps libre et votre capital peuvent être investis dans un bien spécifique sur le bon marché, et vous pouvez tirer parti du traitement fiscal de l’immobilier pour augmenter votre rendement après impôt. Le choix des locataires et la collaboration avec les prestataires de services d’entretien représentent le coût en temps d’un investissement actif dans l’immobilier.
Les investisseurs actifs disposent d’un large éventail d’opportunités à saisir. Par exemple, si un investisseur a le goût de la rénovation, il peut opter pour un appartement à rénover. Entre les avantages fiscaux et la nature de l’effet de levier du logement, cette approche peut produire des rendements rapidement.
Toutefois, l’achat d’un actif non liquide peut être une erreur coûteuse si vous ne disposez pas d’un coussin financier suffisant ou si vous avez soudainement besoin d’argent. En revanche, l’achat d’actions d’une FPI diversifiée au bon prix peut vous procurer les avantages de la diversification que vous recherchez sans limiter la liquidité de votre portefeuille.
3. Retraités ou indépendants : Les professionnels qui planifient leur retraite ou qui n’ont pas de revenu garanti peuvent se tourner vers l’immobilier pour obtenir un revenu régulier. Selon la volonté de l’investisseur de mettre la main à la pâte, un investissement traditionnel ou une FPI peut être approprié.