Le ministre japonais des Finances Shunichi Suzuki a dit mercredi «suivre l’évolution du marché avec un fort sentiment d’urgence» et a promis que le gouvernement agirait «résolument» si nécessaire. (Photo: 123RF)
Le yen a brièvement chuté mercredi à un nouveau plus bas face au dollar depuis 1990, accentuant les spéculations quant à une possible prochaine intervention sur le marché des changes par le gouvernement japonais, qui multiplie les avertissements en ce sens.
La monnaie japonaise est tombée vers 22 h 41 hier soir à 151,97 yens pour un dollar américain, un plus bas depuis près de 34 ans, dépassant son précédent palier de 151,95 yens pour un dollar américain atteint en octobre 2022.
Le yen s’est cependant de nouveau apprécié par la suite. Le ministre japonais des Finances Shunichi Suzuki a dit mercredi «suivre l’évolution du marché avec un fort sentiment d’urgence» et a promis que le gouvernement agirait «résolument» si nécessaire.
La devise nippone s’est même brutalement renforcée après 5 h 00 (un dollar américain valait 151,21 yens vers 5 h 30 ), alors qu’une rare réunion trilatérale était organisée entre le ministère japonais des Finances, la Banque du Japon (BoJ) et le gendarme financier japonais (FSA).
Cette réunion «a lieu en ce moment» au ministère des Finances à Tokyo et porte sur les «récents développements sur les marchés financiers», a confirmé à l’AFP un porte-parole de la BoJ.
Les oscillations du yen se sont accentuées depuis l’annonce la semaine dernière par la BoJ de la fin de sa politique de taux d’intérêt négatifs, qui était en place depuis 2016.
Ce début de normalisation monétaire au Japon n’est cependant pas parvenu à relever la devise nippone, car les annonces de la BoJ, qui a promis de poursuivre une politique monétaire accommodante, avaient été largement anticipées par les marchés, et sont jugées encore trop timides par certains investisseurs.
Les spéculateurs «testent» le Japon
La BoJ a désormais un taux directeur compris dans une fourchette entre 0% et 0,1%, ce qui reste donc ultra-bas, et ne prévoit pas de mener un cycle de hausses régulières pour le moment, comme elle estime que les perspectives de croissance et d’inflation au Japon restent fragiles.
La monnaie nippone avait ainsi chuté au lendemain des décisions de la BoJ à son plus bas niveau face à l’euro depuis 2008.
Le dollar américain avait déjà frôlé la barre des 152 yens en novembre dernier, ainsi qu’à l’automne 2022. Le gouvernement japonais était intervenu en septembre-octobre 2022 sur le marché des changes pour soutenir la monnaie nationale.
«Les marchés testent les interventions verbales de ces derniers jours pour voir s’il y a davantage de substance que de simples mots», ont souligné des économistes de la banque néerlandaise ING dans une note publiée mercredi matin.
Pour Alvin Tan, stratégiste devises chez Royal Bank of Canada, le risque d’une nouvelle dépréciation du yen subsiste en raison de facteurs persistants tels que «le désavantage considérable du yen en termes de rendement» par rapport à des placements en dollar américain.
Car l’écart des taux entre ceux de la Réserve fédérale américaine (Fed) et ceux de la BoJ reste très important: les investisseurs s’attendaient initialement à ce que la Fed baisse davantage ses taux cette année, et à ce que la BoJ relève les siens un peu plus, a commenté Neil Wilson de Markets.com.
Par conséquent, «le “carry trade” n’est encore mort», a conclu M. Wilson, en faisant référence à la pratique classique des investisseurs d’emprunter en yen, devise bon marché, pour investir dans une devise aux rendements plus intéressants comme le dollar. Ce qui contribue à plomber le yen.